Jeudi 25 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

Cheikh Yérim Seck : MISE AU POINT A « LA LETTRE DE L’AVEU ». A : M. Ousmane Ngom, ministre de l’Intérieur, Dakar, Sénégal

Single Post
Cheikh Yérim Seck : MISE AU POINT A « LA LETTRE DE L’AVEU ». A : M. Ousmane Ngom, ministre de l’Intérieur, Dakar, Sénégal

Copies : Mme Diattou Cissé Badiane, secrétaire générale du Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics).
M. Robert Ménard, président de Reporters Sans Frontières (RSF), Paris, France.
M. Sidiki Kaba, président de la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH), Paris, France.
Mme Irène Khan, secrétaire générale d’Amnesty international, Londres, Royaume-Uni.

Monsieur le ministre de l’Intérieur,

Mes amis, un peu partout dans le monde, m’ont presque tous conseillé de m’abstenir de réagir à votre « lettre de réponse » du 21 octobre. Tous m’ont assuré que la réserve apportée à vos propos par le président du patronat guinéen, Elhadji Mamadou Sylla, et relayée par les presses guinéenne et sénégalaise, suffisait pour ôter tout crédit à vos allégations. Mais je ne m’en satisfais pas, incapable de renoncer à démontrer, sur la base de votre lettre, que vous êtes l’un des plus dangereux ministres de l’Intérieur de l’histoire du Sénégal.
Je passe sur les redondances, les mauvaises formulations, les faiblesses syntaxiques et les erreurs grammaticales de votre texte dont le niveau, je vous l’avoue M. le ministre, m’a sérieusement déçu.
Le contenu de votre « réponse » ne répond à aucune des questions que j’ai soulevées dans ma lettre ouverte. Le harcèlement policier, les fiches de police distillées dans la presse, le « cambriolage » de mon domicile, le retrait de mes papiers… sont autant de points sur lesquels les Sénégalais mériteraient des éclaircissements. Vous vous en êtes dispensé pour une raison simple : vous n’avez le moindre argument pour expliquer ces faits ni pour les réfuter.

Pour ma part, je suis troublé par la « visite » de mon domicile par des « cambrioleurs informatiques » juste au moment où je m’intéressais à deux dossiers sensibles : le coût des pièces d’identité numérisées et les tenues des agents de la police. Combien a réellement coûté la « numérisation » ? 13,8 milliards de F CFA comme officiellement annoncé ? 7 milliards de F CFA ? Un peu plus ou un peu moins ? Pourquoi le tailleur sénégalais, qui avait le marché de confection des tenues des agents de la police alors que l’actuel Premier ministre Macky Sall dirigeait le département de l’Intérieur, en a-t-il été brutalement dessaisi en 2005 ? Un motif taillé sur mesure lui a été servi pour l’écarter : il fallait qu’il livre en un délai très court 10000 tenues, et non les 3000 correspondant à ses capacités de production. Commande des tenues a finalement été passée en… Inde, pilotée par un fils de marabout. Pour qui travaillait-il ? Combien de tenues ont ensuite été réellement livrées ? 10000 ou 3000 ? Pourquoi persiste-t-il une pénurie d’uniformes, y compris à Dakar ? La gestion de ce marché de 439 millions de F CFA soulève de nombreuses questions auxquelles ma simple curiosité de citoyen m’exigeait de chercher des réponses.

Si elle élude toutes mes interpellations, votre lettre présente au moins un avantage : elle constitue un aveu flagrant des tracasseries orchestrées par vos services contre ma personne. Je vous cite : « En définitive, Cheikh Yérim Seck semble s’accommoder très mal de l’apesanteur dans laquelle évoluent allègrement, par choix, ses collègues : il veut être une vedette, sous l’éclat des projecteurs et des caméras, tout en ayant peur de recevoir des coups. » Je n’ai pas peur de recevoir les coups que vous reconnaissez me porter. Je demande seulement qu’ils soient réglementaires. Parce que le Sénégal est un Etat organisé où ne doivent pas régner justice privée et vendetta personnelle. Votre lettre prouve sans équivoque que vous me suivez comme mon ombre, du Point E au Lamantin Beach. Vous avez seulement été sélectif dans l’exploitation de la fiche de police qui vous a été remise : pour me rendre à l’hôtel Lamantin Beach afin d’y rencontrer Idrissa Seck, je sortais d’un entretien de plus de 2 h de temps avec une personnalité très importante du gouvernement sénégalais. Mais vous ne signalerez ce fait à aucun prix, car votre régime tient de manière obsessionnelle à me décrire comme un journaliste partial. Vous le savez mieux que quiconque pour me faire suivre partout : nombre de personnalités de l’opposition et du pouvoir font partie de mes interlocuteurs réguliers.

De facto contraire à la vérité mais dûment calculé, votre argumentaire cherchait à légitimer par anticipation la saisie, intervenue quelques jours plus tard, d’un des véhicules de l’ex-Premier ministre devenu opposant. Vous avez décliné votre scénario dans des termes qui ne laissent place à aucun doute : « On est amené alors à se demander si Cheikh Yérim Seck n’utilise pas les mêmes méthodes de camouflage et de fraude documentaire que ses amis qu’il fréquente régulièrement et nuitamment au Lamantin Beach Hôtel et au quartier Point E et qui consistent à maquiller de fausses plaques d’immatriculation au nom et pour le compte de sociétés ou de personnes fictives pour mieux commettre leur forfait ? Les jours qui viennent nous édifieront sur tout cela. »
A titre personnel, je mets fin à cette ridicule fiction de la « voiture clandestine » en publiant, en annexe de cette lettre, copie de la carte grise de mon véhicule.
En tant que citoyen, je m’offusque que vous m’ayez pris pour prétexte pour attaquer un adversaire politique. Vous avez bloqué le véhicule d’Idrissa Seck et fait dire au chargé des relations publiques de la police que l’entreprise Net Africa, à laquelle il appartient, n’existe pas. Les faits, relayés par la presse sénégalaise, vous démentent formellement. Vous avez commis une faute professionnelle et politique. Vous êtes peut-être le seul à ne pas comprendre que les tracasseries que vous multipliez renforcent l’élan de sympathie des Sénégalais à l’égard de M. Seck. Avez-vous décidé de travailler pour lui ? Dans n’importe quel autre pays, l’acte hasardeux que vous avez posé dans le contexte actuel vous aurait contraint à la démission ou valu un limogeage pur et simple.

Monsieur le ministre de l’Intérieur, je ne consacrerai pas du temps à m’appesantir sur votre « histoire », cousue de fil blanc, selon laquelle j’aurais grillé un feu de signalisation, commis un délit de fuite, refusé d’obtempérer… Et (pourquoi pas ?) créé des carambolages, braqué une banque avec des fusils d’assaut, provoqué un drame national… Aucun esprit sérieux ne peut croire en un tel tissu de fantaisies.
Tout comme personne ne peut donner du crédit à l’affabulation selon laquelle je développerais un complexe de supériorité… parce que je vis en Europe. Ce n’est pas de ma faute, M. le ministre, si, quatre-six ans après l’indépendance, vous continuez à cultiver le complexe du colonisé.
L’idée que je « snobe » les journalistes sénégalais, fruit de votre seule imagination, ne peut pas produire les effets que vous escomptez. J’ai de vrais rapports, plus profonds que vous ne pouvez l’imaginer, avec beaucoup de mes confrères établis au pays. Aussi bien avec les aînés qu’avec ceux de mon âge. Vos fiches de police rapportent d’ailleurs que je fréquente « assidûment » des journalistes à Dakar.
Une seule de vos accusations, touchant à mon éthique professionnelle, mérite que je m’y arrête : celle qui me décrit sous les traits d’un racketteur. Elhadji Mamadou Sylla, que vous présentez comme « une de (mes) victimes », a remis les choses à leur place. Je retiens une seule idée de sa réaction : celle de respect. Le « respect mutuel » qui me lie au président du patronat guinéen est celui qui préside à mes rapports avec toutes les personnalités africaines que mon métier m’amène à côtoyer. A commencer par votre patron, Abdoulaye Wade, qui, il ne peut pas en être autrement, me respecte. Son pouvoir ne m’a jamais inspiré le moindre complexe. Je ne lui ai jamais rien demandé. J’ai toujours eu des rapports strictement professionnels avec lui et son entourage.

Monsieur le ministre de l’Intérieur, je comprends votre désarroi. Votre régime a toujours au travers de la gorge de n’avoir jamais réussi à me corrompre. Vous n’êtes jamais parvenu et vous ne parviendrez jamais à me manipuler par l’argent ou par un quelconque avantage matériel. Je suis fier de vous voir écrire que je n’ai rien reçu de vous, même si vous estimez – fallacieusement – que c’est pour cette raison que j’ai décidé de « vouer aux gémonies (votre) régime. » Les méthodes de votre pouvoir sont connues de tous les Sénégalais informés : il cherche d’abord à corrompre et, s’il n’y parvient pas, s’attelle à détruire.
Pourquoi votre régime convoque-t-il systématiquement le thème de l’argent pour souiller tous ceux qui, au fil du temps, se sont démarqués de ses dérives ? Est-ce parce que vous êtes arrivés appauvris aux affaires que l’argent occupe une place si centrale dans votre système de valeurs ? Pourquoi vous étonnez-vous aujourd’hui qu’aucun Sénégalais ne vous fasse plus confiance, du fait de votre manque criard d’élégance et d’esprit de gentleman ?
Monsieur le ministre de l’Intérieur, votre allusion évasive à mon permis de conduire ne vous dispensera pas de me le rendre. Vos services me l’ont retiré devant un témoin qui vit au Sénégal. Vous avez pleine latitude pour l’entendre. Jamais je ne renoncerai à mon droit d’entrer à nouveau en possession de ce document.
Cela fait plusieurs semaines que mon véhicule est arbitrairement confisqué et vraisemblablement saboté par vos services. N’ayant pas accès à de l’argent facile et n’étant pas rentier de l’Etat, je n’ai pas les moyens de m’en payer un autre. J’ai décidé de commettre un avocat chargé de me le récupérer après une expertise indépendante établissant qu’il ne représente pas un danger pour ma vie ou ma sécurité.
L’attitude intimidatrice des policiers qui se sont rendus chez le concessionnaire de mon véhicule est honteuse. Codé Mbengue, qui les dirigeait, est en mal d’enquête. Pourquoi ne s’intéresse-t-il pas aux millions de dollars d’argent public déposés, selon Oumar Sarr, dans des comptes privés à Chypre et en Israël ? Parce qu’il est plus commode de s’intéresser à ceux qui ne sont personne ni fils de personne ?
Pour le reste, M. le ministre de l’Intérieur, je ne saurais recevoir de vous aucune des leçons de moralité qui transparaissent dans votre lettre. Votre cheminement personnel et politique ne m’incite guère à vous prendre comme exemple. Dans une lettre mémorable, vous avez déclaré à la face du Sénégal qu’Abdoulaye Wade, alors opposant, vous a « appris tout ce qu’un homme ne doit pas faire ». Non sans ajouter qu’il « (parle) en démocrate et (agit) en despote ». Vous êtes aujourd’hui l’un de ses plus fervents défenseurs. Le pouvoir, quand tu nous tiens… Vous êtes, à l’instar de quelques-uns, un cas d’école sur la scène politique sénégalaise. D’où l’intitulé d’un des chapitres d’un livre à paraître très prochainement : « ? , ? et Ousmane Ngom face à la vertu. »
J’aimerais bien, M. le ministre de l’Intérieur, poursuivre cet échange épistolaire avec vous.

Dans l’attente de votre prochaine missive, recevez mes salutations.

Cheikh Yérim Seck, citoyen sénégalais.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email