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Chronique de l’improviste : Septembre noir

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Chronique de l’improviste : Septembre noir

Qui n’a rêvé d’effacer ses mauvais souvenirs, ces « madeleines » au goût amer, qui font revivre une déception, un accident, une tragédie, une désagréable surprise ? L’appellation Septembre noir sert à désigner d’une part, le massacre des Palestiniens par l’armée du Roi Hussein de Jordanie en 1970, et une organisation militante palestinienne d’autre part, laquelle s’est nommée ainsi à la suite de l’événement précité.

Aux Etats-Unis, c’est au mois de septembre que les Twin Towers ont été « re »baptisées Ground Zero. Chez nous, il y a cinq ans, dans la nuit du 26 septembre au 27 septembre 2002, au large de la Gambie, la mer est devenue le funérarium de 1863 hommes, femmes, enfants, Sénégalais et hôtes qui vivaient jusque là, parmi nous. Ces trois évènements ont un point commun : des milliers de morts. 

Il est ressorti très clairement, au Sénégal lors de l’enquête sur cette catastrophe du naufrage du Joola, qu’il y a eu une succession de manquements graves. Depuis lors, comme chaque année il n’est plus possible de voir la date du 26 septembre comme une journée ordinaire. Chacun de nous a du mal à ressasser tout ce qui a entouré cette tragédie et à écouter les propos de ceux qui ont perdu conjoint(e), fils, fille, connaissance, ami, frère, collègue et qui n’arrivent plus à retrouver le petit quelque chose, la petite assurance qu’ils avaient jusqu’au 25 septembre 2002. Tout le monde, en ce jour d’anniversaire morbide, triste et macabre, a eu une pensée pieuse et/ou affectueuse pour ces morts.

Tout le monde ? Peut-être pas. Car la date d’anniversaire du naufrage du Joola, est le jour qui a été choisi pour installer 100 sénateurs. Le choix est-il fortuit pour faire oublier ces victimes d’un laisser-aller qui n’est que le résultat de ce que l’être humain peut faire dans son état pur d’animal sans intelligence pour son semblable.

La mise en place du Sénat, dont 65 membres sur 100 ont été nommés par Maître, a fait comprendre aux Sénégalais, que dans cette chambre également, rien ne sera énoncé qui n’ait été auparavant ciselé à la méthode Coué, dans une langue de bois dont on fait des pipeaux. Cette nouvelle Chambre à quelque chose près, ne nous étonnera pas par son travail. Nommés dans une proportion de _, ils seront contraints à se mettre au pas de l’oie et avec un train de sénateur, au cours de séances se terminant à marche forcée à des heures indues et peu propices à l’émergence d’une pensée cristalline, et où les débats que pourront s’avérer que stéréotypés.

Le peuple s’est souvenu des victimes du Joola, sans Maître, en voyage aux Etats-Unis, cédant à cette manie de croire que le monde entier se réveille la nuit pour lui demander de l’aide. A force de chercher une flamboyance qui n’éclaire plus que ses yeux, il a peut-être oublié que c’est sous son régime que le record de la plus grande catastrophe maritime de tous les temps a été battu. Cette volonté de vouloir rendre un peuple entier amnésique, cache mal l’état cadavérique du pays, entre arrogance et médiocrité, feux d’artifices et misère, inefficacité et autosatisfaction. On privatise à tout va et on vend le patrimoine national. N’est-ce pas là une version étatique du ministère d’un commissaire-priseur ?

Ce dernier voyage du Maître aux Etats-Unis sera un bien mauvais souvenir pour lui. Mais ne jurons de rien, parce que dans 50 ans, il est bien possible que des historiens découvrent des notes écrites d’un autre historien ouiouiste, en date du 28 septembre 2007 : visite à Washington : Rien à signaler. Sinon, « le succès éclatant du Chef de l’Etat, partout où il est passé, de New York à Washington, avec un arrêt à Boston »

D’autres se souviendront que ce jour-là, des manifestants ont crié leur désaccord au chef d’une l’oligarchie « libertophage » et liberticide, et au Président d’une Ripoublique. Ils ont manifesté la colère de la démocratie confisquée, celle des inégalités aggravées, celle de l’injustice, celle des discours mensongers, celle de l’abandon de l’ intérêt général pour la défense des privilèges. Le droit et la politique s’expriment à l’Assemblée nationale et l’économie sur le marché. Mais la citoyenneté, elle, ne dispose d’aucun lieu spécialement dédié pour donner de la voix. Le citoyen n’existe plus. Sauf les jours d’élection où l’on vient faire appel à lui pour asseoir les privilèges de ceux qui le dirigent. Tout le reste du temps, on se passe de lui et on lui demande de la fermer

Il est vrai que les monarques n’entendent pas la voix des peuples tant ils sont blottis dans leurs tours d’ivoire, jusqu’au jour où il devient trop tard. La comédie démocratique qui occupe le devant de la scène en prétendant représenter La liberté a été entartée. C’est la raison pour laquelle, Maître, a qualifiée « l’opposition » qui s’est présentée à lui à Washigton DC, d’ « immature »…. Ne dit-on pas qu’on a toujours besoin de plus noir que soi pour se blanchir, quitte à forcer un peu le trait...

A longueur de discours, de conférences ou de points de presse, nous sommes invités à goûter à une sauce gluante et bon marché et dont les discoureurs ne se rappellent même plus le mal qu’ils imposent aux Sénégalais en souffrance, qui gardent dans leur chair, le désespoir et la ruine que leur gestion a infligé aux corps économique, social, politique et institutionnel. Comment peut-il en être autrement d’ailleurs ? Dans les médias ils se pensent comme les derniers des justes et ils croient incarner à eux seuls, et leur engagement de parti, La politique. Ils commettent ainsi le péché d’orgueil. C’est bel et bien cette conception étroite, fanée et castratrice de la politique qui est en cause dans le régime de l’Alternance.

Dans la religion politique de Maître, les retours de voyage (pèlerinage, visite officielle ou de travail, retour de vacances) sont devenus un étrange rituel : pendant de longues minutes à la télévision, Maître fait tourner son imagination, réitérant, voyage après voyage, discours après discours, déclarations après déclarations, les mêmes promesses, avec l’espoir, sans doute, que cet effet de répétition finisse par trouver l’écho d’un résultat concret. Mais le temps passe et Maître, se présente de plus en plus mal, pour un Chef d’Etat qui ne se juge comptable de rien. Sommes nous victimes d’hallucinations. Avons-nous rêvé. N’avons-nous jamais entendu Maître nous annoncer pour décembre 2006, un tramway pour Dakar, sept TGV, une centrale nucléaire ? A l’évidence, les propos d’hier ne l’engagent pas. Pas plus que les sept années qu’il vient de passer à la tête du Sénégal. Surtout, il parle toujours comme si c’était encore le 19 mars 2000, nouveau-né de la politique, responsable et coupable de rien. Ce dinosaure de la vie publique, plus de quarante ans déjà dans les cintres de la République (de contribution puis oppositionnelle), cultive la cure de jouvence comme méthode de gouverner. Tel un essuie-glace, il gomme le passé pour promettre au présent et se faire le garant d’un futur radieux. Appelons çà langue de bois, mais elle atteint maintenant des sommets.

A l’évidence, la feuille de route de Maître reste vierge. Grosse ficelle, mépris pour le peuple supposé amnésique. L’essentiel est de promettre et de faire de sa succession, une martingale pour laisser passer le temps. Donner du temps au temps, par tous les moyens. Car, même s’il fait mine de mépriser toute allusion à ce sujet, le Chef de l’Etat est hanté par son devenir. Le reste, n’en doutons pas n’est de fariboles.

La violence de la pauvreté, le cynisme des nouveaux riches, le désarroi des simples gens, le déclin des intellectuels, la dignité galvaudée de ceux qui s’efforcent, malgré les difficultés et les avanies, de servir honorablement leur patrie, le mépris du pouvoir pour les victimes de ses erreurs que tout ou presque laisse mal augurer de l’avenir. C’est à se demander si, en faisant l’Alternance le 19 mars 2000, nous n’avons pas ouvert la boîte de Pandore, et au lieu que tous les maux du pays s’en échappent, ils y sont entrés. Le 19 mars 2000, l’Alternance était une vérité. Bientôt, nous pourrons la comparer à une stèle mortuaire visitée par des touristes : « Ci-gît un espoir nommé Alternance ».



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