Ablaye nous révèle que bien qu'étant aujourd'hui mis à la disposition de la sûreté nationale depuis 2000, les policiers radiés continuent toujours à vivre les stigmates de ce point noir de leur passé. Ils sont victimes d'un certain ostracisme, n'ont ni carte professionnelle, ni arme et ils ne bénéficient d'aucun avantage. C'est pourquoi, fait-il savoir, il demande leur intégration complète dans la police nationale. N'eût été sa foi en Dieu et l'assistance de ses parents, il serait très difficile pour lui de s'en remettre. Sa radiation, le 14 avril 1987 se rappelle-t-il, a été très amer. «La décision m'a trouvé en service dans une capitale régionale du pays, avec ma famille. J'ai failli en être fou, car ça été un véritable calvaire». Jusqu'ici, on ignore les véritables raisons, renseigne le brigadier. Entre deux raclements de la gorge, il raconte, d'une voix rauque. «Si ce n’était pas l'appui et l'assistance de mes parents, le coup allait être beaucoup plus dur. J'étais désespéré et dépassé par la situation. Surtout que durant cette période dans laquelle je n'étais qu’un simple chômeur, j'ai eu à faire face à 3 baptêmes avec tout ce que cela comporte comme charges et dépenses. Mais nous sommes toujours parvenus avec la grâce de Dieu à nous en sortir. «Certains en sont devenus fous alors que d'autres, gagnés par la misère, y ont laissé leur vie. Alerte, avec un regard furtif, il signale : «C'est dans cette situation de précarité que j'ai vécu jusqu'en 1993, date de notre réinsertion dans la police municipale, ici à Thiès. Au départ on était 43 agents et pendant 7 ans nous avons cohabité avec la municipalité dans des conditions d'extrême précarité. C'est en 2000, avec l'arrivée de l'alternance, sur décision du Président Wade que j'ai eu la chance de faire partie des 12 agents, appelés à être mis, à titre transitoire, à la disposition de la police nationale. C'est ainsi que nous avons eu à bénéficier d'une session de recyclage de près d'un mois à l'Ecole de police. À notre sortie, nous sommes mis à la disposition de la Sûreté nationale ici à Thiès. Mais, se désole t-il, «c'est comme si nous n’étions pas des policiers. Nous n'avons ni carte professionnelle ni arme, encore moins d'avantages». Et pourtant, fait-il remarquer, les agents qui bénéficient de ces avantages comme les missions onusiennes entre autres, ne sont pas meilleurs que nous. On fait le même boulot. «Nous sommes des laissés-pour-compte, nos autres camarades attendent toujours de sortir du carcan de la police municipale. Et pourtant, c'était promis qu'ils allaient nous suivre dans cette mise à disposition». Avec ce statut, nous parvenons quand même à bénéficier d'un bon traitement salarial avec une indemnité de logement mais il reste beaucoup de choses. Fatigués de vivoter dans cette situation de précarité avec un statut hybride, l'agent, brigadier-chef et ses camarades logés à la même enseigne, ne demandent qu'une seule chose : leur réintégration dans la police nationale.
Societe
CONFESSIONS D'UN POLICIER RADIE, AUJOURD'HUI MIS A LA DISPOSITION DE LA SURETE NATIONALE «On travaille comme les autres mais nous n'avons ni carte professionnelle ni arme »
Appelons-le Ablaye. Grand de taille et costaud, son allure sûre cache mal son âge. La cinquantaine bien sonnée, il est marié et père de famille. La radiation des policiers, en 1987, il l'a vécue et il en garde jusqu'ici un très mauvais souvenir. Un véritable tumulte dans sa vie sociale. Entretien.
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