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CONFIDENCES À TITRE POSTHUME-MARCEL BASSÈNE PARLE DE SES RELATIONS AVEC WADE : «Wade voulait souvent qu’on lui dise oui alors que je lui disais parfois non»

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CONFIDENCES À TITRE POSTHUME-MARCEL BASSÈNE PARLE DE SES RELATIONS AVEC WADE : «Wade voulait souvent qu’on lui dise oui alors que je lui disais parfois non»

L’un des faits que la postérité retiendra de Marcel Bassène sera incontestablement le processus qu’il avait enclenché et mené avec ses compagnons de lutte, feu Laye Diop Diatta, Oumar Lamine Badji et Moussa Diédhiou, qui avait abouti à la signature des accords de cessez-le-feu de Cacheu, conclus le 31 mai 1991 entre le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) et le gouvernement sénégalais. Cela séduira le président Diouf au point que ce dernier lui confie la gestion du dossier casamançais qu'il sera le premier de l’histoire à gérer. Il a également été souvent un des rares responsables du Pds qui osaient tenir tête à Me Wade quand il estimait que le « Pape du Sopi » n’avait pas pris la bonne décision. Nous vous livrons ici quelques confidences qu’il nous avait faites au sujet de son implication pour la recherche de la paix en Casamance et de son compagnonnage avec le président Wade. La première de ces entretiens a eu lieu en 2001 lors d’une visite qu’il avait effectuée au niveau du village tristement célèbre de Kaguith, situé à l’époque en zone rebelle

Comment est née l’idée de la recherche de la paix en Casamance

« Un jour en discutant, mes frères Oumar Lamine Badji, Moussa Diédhiou et Laye Diop Diatta et moi, nous nous sommes dit que le moment était devenu grave. La Casamance était partout à feu et à sang. La région s’embrasait dans ses quatre coins et nous nous étions rendu compte que le gouvernement ne faisait rien ou en tout cas n’arrivait pas à arrêter cela. Ainsi, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas rester les bras croisés. Nous sommes des élus du peuple, donc nous devons faire quelque chose pour sauver ce peuple. Nous nous étions dit que si les rebelles doivent continuer à tuer, ils n’ont qu’à nous tuer aussi. C’est comme ça que l’idée d’aller les rencontrer a été décidée et cela quel que soit le prix ».

Les premiers pas dans le maquis

« En partant, il n’était pas sûr que j’allais revenir mais j’avais tenu quand même à partir parce que plus rien ne pouvait me faire renoncer. Et la décision de mes frères de prendre ce risque avec moi m’avait donné davantage de force. Quand je suis allé pour la première fois dans le maquis, j'ai été surpris par l’attitude des rebelles qui ont accepté de me recevoir et de discuter avec moi malgré la réticence de certains téméraires. Un d’entre eux, du nom de Yancouba Sané, alias Faghali m’avait même pointé son fusil à l’oreille et avait menacé de me tuer parce que me taxant de traître qui était au service du gouvernement sénégalais. Il a fallu l’intervention d’autres combattants pour éviter le pire. Mais cela ne me faisait pas, du tout, peur car j’avais pensé à une telle éventualité avant de m’y engager. Mais quand ce rebelle a eu des informations sur mon origine sociologique, il est revenu me présenter ses excuses, il deviendra ensuite un grand ami. En fait, je suis de la famille qui intronise les rois en pays diola. L’appartenance à cette lignée m’a été d’un grand apport dans ma mission car aucun casamançais de l’ethnie Diola ne doit en principe agresser un membre de notre famille et souvent nous n’avons pas besoin de trop forcer les choses pour faire valoir nos idées. Ainsi, des consignes avaient été distillées dans tout le maquis demandant aux combattants de ne jamais me toucher même si on ne partage pas mes idées. Ce qui m’avait permis de m’aventurer dans tout le maquis sans être inquiété. Les rebelles m’accompagnaient même dans mes déplacements à un moment donné et me donnaient même de la viande de gibier. Partout où mes frères avaient des difficultés pour avancer, il suffisait que je me présente pour qu’une solution soit trouvée ».

La rencontre avec Sidy Badji, Chef du maquis

« Ma rencontre avec Sidy Badji qui devait aboutir aux accords de cessez-le fau de Cacheu a eu lieu à Toubacouta (village situé à une dizaine de kilomètres, au sud de Ziguinchor). Quand mes frères et moi, sommes arrivés, nous étions attendus par Sidy Badji, le chef du maquis, entouré par ses lieutenants comme Abdoulaye Diédhiou, Maurice Diatta ou Kamoughé Diatta. L’aile politique du mouvement était également représentée, il y avait sur place, son commissaire politique, Latif Aïdara, l’actuel conseiller du président de la République dans la gestion du dossier. C’est cette rencontre qui avait permis d’amorcer le processus qui a permis de signer le cessez-le-feu de Cacheu ».

Sa nomination par le président Diouf à la tête du dossier

« Satisfait des résultats obtenus, le président Abdou Diouf m’avait chargé de gérer le dossier tout en me promettant que tous les termes de référence des accords seront respectés. Il s’agissait particulièrement de la libération des nombreux membres du mouvement dont son chef historique, l’abbé Diamacoune qui se trouvait en prison à Dakar et de l’amnistie de tous ceux qui ont eu à commettre des infractions dans le cadre du Mfdc. C’est ainsi que j’ai fait libérer la plupart de ceux qui étaient en prison à l’époque à Rebeuss et que des séries de rencontres furent organisées pour préparer l’étape suivante qui consistait à la réinsertion sociale des combattants. Cela avait déjà commencé au niveau du front nord où Kamoughé Diatta et ses hommes avaient bénéficié de petits projets. A Ziguinchor aussi, on avait pris en charge certains responsables en vue de leur permettre de travailler pour le retour définitif de la paix et surtout de faire revenir leurs camarades qui refusaient encore d’adhérer au processus à de meilleurs sentiments. Ces responsables bénéficiaient de subventions de 150.000 fcfa par mois et par personne et chacun d’entre eux avait bénéficié d’une mobylette, d’un téléviseur et d’un petit réfrigérateur. Mais ma réussite avait déjà commencé à inquiéter certains responsables du Parti socialiste qui craignaient que cela ne se traduise par la victoire du Pds en Casamance. Même au sein du Pds, cela suscitait des méfiances. Me Wade craignait notamment que cela n’entraîne mon adhésion au Ps. Ainsi, il voulait coûte que coûte que je sois dessaisi du dossier. Ce que Abdou Diouf fera en fin de compte mais sans m’en informer. Il était gêné. Et c’est moi-même qui suis allé prendre le décret qui m’avait limogé au niveau de la présidence. Mais malgré cela, j’ai continué à m’investir pour la paix en utilisant les relations que j’avais tissées avec les combattants. C’est moi par exemple qui avais réussi à dissuader les Kamoughé Diatta, quand ils avaient voulu perturber la campagne électorale des élections locales de 2002 dans le département de Bignona. J’avais adressé une lettre à Kamoughé dans laquelle je lui avais demandé de surseoir à leur projet et il avait répondu en acceptant ma requête. Il nous avait même montré les copies des lettres ».

Le discours tenu aux rebelles

« Pour moi, il ne s’agissait pas de savoir s’ils ont raison ou pas de revendiquer l’indépendance de la Casamance. Je cherchais plutôt à les convaincre que le chemin qu’ils avaient choisi n’était pas le bon. Pour me faire fléchir, ils me disaient à chaque fois qu’il y avait des documents qui attestent que la Casamance, à un moment de l’histoire, devait aller à l’indépendance ».

Les contradictions avec Me Wade au sein du Pds

« J’étais pratiquement le seul responsable du parti qui lui disait de temps en temps non. Or, il voulait souvent qu’on lui dise oui. Moi, je refusais cela car dire oui même par rapport à ce qui n’est pas bon, c’est conduire le parti au gouffre. C’est pourquoi quand j’estimais qu’une idée n’était pas bonne, je m’opposais et cela le dérangeait. Abdoulaye Wade défend ses idées avec acharnement. Mais quand je m’opposais à lui, je le faisais dans le respect car c’est lui notre leader. Par conséquent, il mérite respect et égards de la part de tous. Abdou Diouf faisait souvent appel moi pour essayer de décanter la situation quand l’atmosphère politique du pays devenait très tendue. Il me demandait à chaque fois d’intervenir auprès de Me Wade pour calmer les choses. Cette confiance que Diouf avait en moi ne rassurait pas et dérangeait souvent Me Wade ».

Les raisons de son départ du Pds et de la fondation du Pls

« Mon départ du Pds faisait suite à une amertume. Quand nous devions aller aux élections législatives de 1998, Me Wade, contre l’avis de presque tous les membres du bureau politique, avait investi des gens qui n’étaient même pas des membres actifs du Pds aux meilleures places sur la liste nationale dans l’espoir d’avoir des « ndigël » favorables de vote. Ce qui n’a pas été le cas et la conséquence a été la chute du Pds à l’Assemblée nationale. J’ai trouvé cela inadmissible. C’est ainsi que je suis parti mais je ne pouvais pas rejoindre un des partis de l’échiquier national. Donc, j’ai décidé de créer un parti avec Me Ousmane Ngom, Coumba Ndiaye et d’autres qui avaient claqué la porte aussi. Et comme il y avait la rébellion en Casamance, j’ai préféré laisser Me Ousmane Ngom le diriger pour éviter toute possibilité à nos détracteurs de nous nuire ».

Pourquoi il n’a jamais été ministre sous Abdou Diouf

« Abdou Diouf voulait à chaque fois que je fasse partie du contingent des ministres libéraux devant entrer dans le gouvernement. Mais c’est Me Wade qui refusait à chaque fois. Lors de la dernière entrée du Pds dans le gouvernement en 1995, mon nom figurait même sur la liste jusqu’à la dernière minute car Abdou Diouf avait insisté. Mais Me Wade avait décidé à la dernière minute de l’enlever. Cela avait même failli créer un blocage. Mais comme l’entrée du Pds dans le gouvernement était l’unique voie pour apaiser la tension dans laquelle le pays était plongé, Diouf avait cédé».



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