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CONJONCTURE / HIVERNAGE - Hausse des prix, rareté du poisson et des légumes : Quand faire le marché rime avec corvée

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CONJONCTURE / HIVERNAGE - Hausse des prix, rareté du poisson et des légumes : Quand faire le marché rime avec corvée

Du marché Gueule Tapée du Rond-point Cambérène, au Marché Sandaga en passant par Soumbédioune, c’est le statu quo. En cette période hivernale, les mères de familles sont confrontées à d’énormes difficultés pour garnir leurs paniers. Non seulement les prix des denrées de première nécessité flambent, mais les légumes, le poisson et la viande se font rares. Par conséquent, les prix sont passés du simple au double.

Marché Gueule Tapée. Il est 10 h 35 minutes. Comme une fourmilière, les ruelles grouillent de monde. Venant de tous les coins de la banlieue, des taxis clandos continuent à débarquer des sacs de marchandises. Ce sont des légumes notamment du gombo, des choux, du piment, des aubergines, de la salade, des navets, entre autres. Pagnes bien attachés aux reins, les femmes banabana, s’affairent à défaire leurs bagages. Comme de gros diables, des dockers suant de grosses gouttes, se démènent pour transporter les sacs et bassines vers les étals moyennant des pièces de monnaie.

A quelques mètres se trouvent les étals sur lesquels sont entassés quelques légumes. Entre des va-et-vient incessants, des femmes venues faire leur marché du jour, scrutent les condiments de leur choix, les unes appâtées, les autres indifférentes aux appels des vendeurs qui rivalisent de formules pour écouler leurs marchandises, à l’instar de Modou Diop et son camarade Abdou, tous deux, commerçants originaires du Baol (région de Diourbel). «En période hivernale, les légumes se font rares. C’est pourquoi ça coûte cher», plaide le jeune commerçant en jeans maculé par la sève de ses légumes. En connaisseur, M. Diop poursuit : «Cette période n’est pas favorable au maraîchage. En général, pendant cette période comprise entre les mois d’août et septembre, les maraîchers récoltent peu. Et quand l’offre est faible, nous sommes confrontés à d’énormes problèmes pour ravitailler nos clients.» A l’en croire, de 200 à 300 francs Cfa, le kg de choux, d’aubergine ou de gombo est passé à 600 francs. Quant à la carotte importée, le prix varie entre 6 000 et 7 000 francs Cfa le sac de 10 kg. Le prix du kg de piment «Sadam» est estimé à 1200 francs. «Les temps sont durs. L’argent est introuvable. Les denrées sont chères. On ne se contente que des tas de 50 francs, comprenant deux à trois légumes», laisse entendre Fatou Ndiaye. Avant d’alerter : «Tout le monde est fatigué.»

«CHOMAGE TECHNIQUE» AVEC LE POISSON

11 h 20 minutes. Autres marchés, autres décors : A Soumbédioune et Gueule Tapée de la Médina, c’est le commerce du poisson qui prédomine. Jadis peuplés tous les matins, les lieux sont devenus presque inaccessibles à cause des travaux de l’Anoci. L’odeur du poisson mélangée à celle des eaux verdâtres des caniveaux à ciel ouvert rendent l’air ambiant irrespirable. Malgré tout, certains occupants des lieux s’accoudant aux rebords des étals, discutaillent en toute tranquillité. Tandis que d’autres sous l’effet de l’oisiveté, somnolent. C’est que le poisson est quasi-absent du marché.

«Depuis quelque temps, on chôme, faute de poisson qui devient de plus en plus rare au Sénégal. On ne sait pas pourquoi», commente Massamba Pouye. «Le poisson qu’on me propose, je n’ose pas l’acheter. Car si je l’achète, je le revendrai à perte», poursuit-il. Comme poissons de qualité, il n y a que le thon et le chinchard communément appelé «guiss» en wolof, et qui se vend à 125 francs Cfa l’unité. Raison pour laquelle explique Samba Barry, les femmes se ruent vers les sardinelles (yaboy en wolof).

Au marché de Sandaga, c’est le statu quo. Sur dix vendeurs de poissons, seuls deux en avait lors de notre passage. Tout le reste était en «chômage technique». L’alternative du moment selon Adja Dia, présidente du groupement des vendeurs de poissons, «c’est le poisson fumé. A la place du thiébou djeun, les femmes préparent du thiébou kéthiax (riz au poisson fumé)». En effet, informe Mme Dia, «les sardinelles n’ont plus leur goût à cause de la glace. Avant de venir sur les étals, elles restent longtemps congelées».

Au-delà des vendeurs de poissons et des consommateurs, une autre frange de la chaîne souffre de cette pénurie de poisson. Ce sont ceux qui se chargent d’enlever les écailles du poisson dans les marchés. Leur chiffre d’affaires a complètement baissé. Selon Ibrahima Barry, réputé dans ce travail, «si le poisson vient en masse, il nous arrive de gagner jusqu’à 3 000 francs quotidiennement. Mais en cette période de pénurie, nous ne gagnons qu’environ 2 000 ou 2 500 francs Cfa environ».

Ces jeunes sont dotés par ailleurs d’un mixeur, grâce auquel, ils se font «beaucoup de sous, avec les femmes qui n’ont pas de machines chez elles, pour faire des boulettes de poissons», indique M. Barry.

Les prix des céréales ne sont pas en reste dans la série de hausses. Dans les magasins, le prix du kilogramme de mil varie entre 200 et 225 francs Cfa, contre 190 francs Cfa pour le maïs. Ainsi la dépense quotidienne de chaque famille, quelle que soit la taille, est passée du simple au double. Par conséquent, dans la majeure partie des ménages, seul le repas de midi est assuré. D’ailleurs, des ménagères rencontrées dans ces différents marchés confient ne plus faire le marché avec des paniers. Elles ont adopté la stratégie des sachets noirs qui sont «si discrets que personne ne peut savoir le contenu de nos achats».

 



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