Conteurs au Sénégal : Le pouvoir est dans la parole !

’appuyant sur le pouvoir de la parole, le conte constitue une passerelle de communication pour véhiculer une morale. Il peut être également - et c’est là une de ses fonctions insoupçonnées - le moteur de talents cachés... Le conte fait l’homme. C’est à ce constat qu’ont abouti des participants à la table ronde internationale sur la professionnalisation des conteurs au Sénégal, qui s’est tenue le mercredi 27 juin 2012, à la salle de cinéma de l’Institut français de Dakar. Membre fondateur de l’association "Amoon na fi" * qui a pour objectif de maintenir et diffuser la tradition orale, en France comme au Sénégal, Thierno Diallo montre comment des élèves "déclarés nullards", "qui ne lèvent jamais la main en classe", ont pu convaincre tout le monde de leur maîtrise de la langue française. Au lycée d’application Thierno Seydou Nourou Tall, la Nuit du conte qui en est à sa sixième édition, "a réglé le problème des grands timides, des bègues...". 
"Les talents libérés, on a fait plus que créer des conteurs, on a façonné des hommes", déclare fièrement une enseignante de l’établissement scolaire de Dakar niché entre des quartiers bourgeois et semi-résidentiels de la capitale sénégalaise. Même les parents d’élèves retrouvent l’ambiance de leur royaume d’enfance. Les professeurs et les surveillants aussi.Casanière, Moussou l’était. Fille d’un agent de l’administration pénitentiaire, elle a passé son enfance dans les "camps". Par la magie des ondes, elle s’échappait de cet univers clos grâce aux contes d’Ibrahima Ndiaye "Maam Yaxi Laalo" (conteur émérite à Radio Sénégal dans les années 80). Sa passion pour le conte a été dopée par sa grand-mère qui se plaisait à lui raconter de vieilles histoires. Mais la jeune Moussoukoro n’avait jamais la suite des contes de sa grand mère sans doute sujette à des trous de mémoire.
Dans l’univers carcéral, Moussou, aujourd’hui assistante à la brigade d’hygiène de Thiès, à 70 Km de Dakar, cherchait à se libérer par la parole. "J’étais une prisonnière mais libre", dit-elle.
 Elle organisait une compétition entre prisonniers : celui qui arrivait à raconter des histoires était considéré comme un prince.L’expérience est semblable à Guinaw Rails (quartier pauvre de la banlieue dakaroise). L’espace public n’y existe pas, mais le jeune Oumar Sall aménage des moments de retrouvailles entre jeunes où chacun essaie de trouver exutoire au chômage, à la pauvreté, à la misère, au stress...Praline Gay-Para, conteuse française d’origine libanaise, parle d’un forum en plein air au Caire et à Alexandrie en Egypte. "C’est un rendez-vous hebdomadaire transformé en acte de création collective avec des gens qui ont envie de raconter", fait-elle observer....

"C’est à partir du conte que la muraille de Chine a été bâtie", selon Babacar Mbaye Ndack de "Leeboon ci Leer" qui pense que les autorités de l’ancien pouvoir devaient s’inspirer de Demba Waar et en faire un héros agricole pour la GOANA (Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance, une idée du Président Wade).La légende dit que Demba Waar cultiva toute la journée jusqu’à atteindre la mer !La table ronde sur la professionnalisation des conteurs au Sénégal était animée par Alban Corbier-Labasse, directeur adjoint de l’Institut Français de Dakar, Praline Gay-Para, Thierno Diallo, Abbi Patrix, Massamba Guèye, Babacar Mbaye Ndack avec la participation d’autres conteurs sénégalais et du public.* Il était une fois en wolof : c’est la formule habituelle par laquelle commence le conteFerloo.com