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CORRUPTION ET DYSFONCTIONNEMENTS DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF Quand le «alarba» quitte les daaras pour l'école sénégalaise

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CORRUPTION ET DYSFONCTIONNEMENTS DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF Quand le «alarba» quitte les daaras pour l'école sénégalaise

Le rapport sur la gouvernance dans le système éducatif n'a pas occulté, en milieu scolaire, la question de la corruption dominée par la transposition du «alarba» des daaras (écoles coraniques) vers l'école formelle.

 

«Trois éléments majeurs au rang desquels l’impunité, l’absence de contrôle et les raisons sociales sont à relever dans l’analyse des formes de légitimation des pratiques corruptrices dans le secteur de l’éducation primaire», selon le rapport fait par le Forum civil. Et parmi ceux-ci, il y a «certaines pratiques (qui) tirent leur légitimité de la référence à certaines valeurs sociales» comme le  «njang day am alarba» (ndlr : tout transfert de savoir mérite compensation). Expression qui, «dans le contexte sénégalais de redevabilité vis-à-vis du maître qui vous a transmis son savoir, peut servir à la légitimation de certaines pratiques corruptives».

Selon l'étude, «le 'alarba' qui signifie ‘mercredi en wolof’ renvoie à une double signification qui peut être révélatrice d’actes de corruption. En effet, une fois par semaine, le mercredi, il est demandé aux élèves d’apporter une somme souvent variant entre 150 à 200 francs Cfa pour acheter du matériel d’entretien. Ainsi, à la fin de l’année, les sommes versées peuvent être importantes dans les classes comptant en moyenne 60 élèves».

 

Le rôle de la Cour des comptes, l’Ige,

la Cnlcc n’est pas visible au niveau

de l’éducation primaire

La seconde signification renvoie aussi à un jour de repos, «njang mune amna alarba» signifie littéralement que tout apprentissage est ponctué d’un jour de relâche, comme pour «justifier l’absentéisme des enseignants». Même si l'étude ne nie pas «l’existence de cercles vertueux de pratiques», il relève cependant que «certains acteurs (qui) jouent et exercent leur profession avec toute la conscience professionnelle et l’investissement qu’il faut, sont souvent stigmatisés d’ailleurs par leurs collègues du fait de leurs pratiques».

À côté du «alarba», le rapport met à nu également l'impunité qui sévit dans l'éducation primaire avec «l’absence de sanctions face à des cas avérés de malversations financières, de détournement de fonds, de recrutements abusifs ou fictifs». D'ailleurs, le document remarque de «forts taux d’absentéisme de la part des enseignants sans qu’aucune sanction ne soit prise», au moment où certains parmi ceux-ci «continuent d’ailleurs de recevoir leur salaire alors qu’ils ont abandonné leur poste depuis bien longtemps». Ce qui est accentué par «l’absence de contrôle de la part des pouvoirs publics» qui se signalent par «un déficit de contrôle des ressources humaines et matérielles par l’État qui pourtant engage près de 40% de son budget dans les dépenses d’éducation». En effet, «la Cour des comptes, l’Inspection générale d’État (Ige), la Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion (Cnlcc) sont autant d’organes de contrôle des dépenses publiques, mais dont le rôle n’est pas visible au niveau de l’éducation primaire».


En faisant payer les parents d’élèves, on entretient «une forme de privatisation informelle du service public»


Obligatoire et gratuite, l’école primaire publique est en passe de se dévier de cette vocation. C’est ce que laisse apparaitre l’étude. En effet, le rapport met le doigt sur «une privatisation informelle du service public». Un constat qu’elle fonde sur la participation de plus en plus importante des ménages dans les dépenses de l’éducation primaire.  

«En ce qui concerne la participation des ménages, on constate que leur part dans les dépenses de l’éducation ne cesse d’augmenter. Chaque ménage dépense en moyenne 5000 F Cfa par mois». Et selon le rapport, ce qui se passe, c’est que «ces sommes versées directement par les ménages aux écoles sont difficilement quantifiables et contrôlables». Et ce «d’autant plus que les montants peuvent varier d’un mois à l’autre, d’une école à une autre, d’un enseignant à un autre, selon les besoins à prendre en charge».

À en croire le document, «cette pratique consistant à demander aux parents d’élèves, en plus de s’acquitter des droits d’inscription et des cotisations, de participer à l’achat de matériels de fonctionnement et à l’entretien des écoles, s’apparente à une forme de privatisation informelle du service public».

 

Dakar en tête des localités où les parents d’élèves paient le plus

Parce que «les parents d’élèves versent assez régulièrement des sommes d’argent dont l’usage est plus que nébuleux». Et pis, ces mêmes parents «affirment ne pas savoir à quoi sont destinées ces sommes qui leur sont demandées en moyenne deux fois par mois par l’école». Les résultats de l’étude laissent apparaitre que Dakar arrive en tête des sommes versées par les parents qui y sont plus importantes. Une situation que le rapport explique par «la concentration des infrastructures dans la capitale du Sénégal», mais aussi  par «une demande plus forte d’éducation et des frais de maintenance et de gestion de ces infrastructures plus élevés, entrainant ainsi un déséquilibre et des inégalités en matière d’accès à l’éducation».

 

Détournements de dons, recrutement clientéliste d’agents peu qualifiés,

absentéisme des enseignants

Un ensemble d’autres problèmes non moins importants ont été identifiés dans le niveau primaire par le rapport. Ils ont pour noms détournements de dons octroyés aux écoles, recrutement clientéliste d’agents peu qualifiés, absentéisme des enseignants notamment les femmes, inopérabilité des mécanismes de contrôle des ressources allouées à l’école (seuls 10% des ménages interrogés ont pu avoir une information sur les ressources allouées à l’école ; très peu, seulement 5% de parents d’élèves interrogés connaissent les procédures de nomination ainsi que les modes de fonctionnement des comités de gestion au Sénégal), perception négative de l’école par les usagers.

Des actions que les acteurs arrivent à légitimer selon l’étude par les pratiques, sans parler de «l’impunité générale et généralisée qui favorise le développement d’actes de mal-gouvernance».


Les recommandations du Forum civil


Estimant que «malgré les acquis obtenus, certaines contraintes majeures continuent de peser sur le pilotage et la gestion du système éducatif, créant ainsi des dysfonctionnements dans la gestion avec des risques sérieux d’hypothéquer les chances de réalisation de ces objectifs», le Forum civil a formulé des recommandations au terme de son étude. En ce qui concerne la corruption, par exemple, «l’enquête a révélé des cas avérés de corruption dans le milieu de l’éducation. Pour enrayer ce mal, des ateliers de formation en gestion doivent être organisés pour améliorer les performances des Directeurs d’école et en même temps l’efficacité des Comités de Gestion» lit-on dans le rapport du Forum civil. De plus, «Les textes doivent aussi prévoir un cadre juridique pour des sanctions appropriées à de telles fautes ; la déclaration des dons reçus par les agents de l’éducation en vue d’instaurer la transparence doit aussi être prise en compte par ce cadre».


Et toujours pour lutter contre la corruption dans notre système scolaire, «il est nécessaire de lever les pesanteurs sociales en vue de démonter les facteurs de légitimation de la corruption au sein des écoles», selon eux. À ce dessein, «il est impérieux de montrer aux parents que lorsque des manquements sont constatés, c’est comme un contrat qui n’aurait pas été respecté par une des deux parties et qu’il leur est loisible de saisir les institutions afin de dénoncer les éventuels manquements constatés». Mais aussi, «montrer aux parents d’élèves que l’éducation publique étant gratuite, ils n’ont pas à bourse délier pour n’importe quelle cause invoquée».

Et le Forum civil conclut dans son rapport que le quota sécuritaire n'a pas sa raison d'être : «En vue d’instaurer un enseignement de qualité et assainir la gestion des ressources humaines, il est aussi nécessaire de supprimer le quota sécuritaire affecté au ministre de l’Education, mais aussi de mettre en œuvre une politique de formation continue pour les Volontaires de l’éducation déjà affectés sur le terrain». Il prône aussi «de sensibiliser les parents d’élèves sur leur droit de revendiquer une éducation de qualité pour leurs enfants, mais aussi de leur montrer qu’ils ont un droit de regard sur les données de l’école qui doivent être disponibles au ministère de l’Éducation ou dans l’école de leur localité».Pour l'absentéisme, il urge, selon le Forum civil, «d’appliquer systématiquement les sanctions prévues par les textes» et la création de «stratégies d’émulation des enseignants»

 



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