COULISSES DE OSCARS DES VACANCES : Entre pression, suspicion et superstition

Dans les spectacles, c’est toujours la scène qui attire le plus d’attention. Mais, à Oscars des vacances, des choses intéressantes se déroulent avant l’entrée des adolescents pour la compétition. Coup d’œil dans les coulisses d’une demi-finale de cette émission télévisée ou pression, suspicion et superstition se mêlent.

Stadium Marius Ndiaye. Il est 13 heures passées de quelques minutes. La porte qui mène aux vestiaires de l’antre du basquet sénégalais s’ouvre. Devant, un membre du comité d’organisation, Moussa Tamba, le visage ferme, fait le guet. Dans sa main droite, il tient des licences portant le nom des membres du groupe présent, Asc Jeunesse amicale de Ouagou Niayes (Jaon). Ces derniers, pieds nus, forment deux files. Avec garçons et filles à côté. Le manager du groupe, Moussa Camara, fait rentrer d’abord les bagages composés essentiellement des tenues à porter et quelques ustensiles « pour préparer à manger ».

Le dos courbé, Matar Kandé, l’autre membre du comité d’organisation chargé des coulisses, fouille minutieusement les sacs. Il cherche sans doute des traces d’armes blanches et d’autres objets tranchants. « On ne sait jamais avec les jeunes », avance t-il. Après l’appel, les membres des groupes longent un petit couloir qui les mène dans leur box. « Il y a un box pour les six groupes demi-finalistes. Chacun peut se préparer à l’intérieur convenablement sans déranger personne », explique Moussa Tamba.

Dans leur box, les membres de l’Asc Jaon commencent leur préparation avec des étirements. On sent une certaine nervosité sur leur visage, même si certains essaient de détendre l’atmosphère par des blagues. « C’est comme ça à Oscars des vacances, avance le capitaine. Pour nous les habitués, il y a de la pression mais on le gère. C’est surtout chez les nouveaux que vous constatez la peur ».

Quelques minutes après, même scénario devant la porte. Deux 4X4 se garent. C’est le groupe « Far 10 » des Amitiés. « Ils ont des moyens », nous explique t-on. Même rituel pour leur entrée. Ils s’en vont directement s’enfermer dans leur box.

Avec l’arrivée des quatre autres groupes demi-finalistes, les vestiaires commencent à s’animer. « Nous avons donné à chaque groupe une heure d’arrivée à respecter. Le non respect peut entraîner des sanctions. On veut éviter des embouteillages devant la porte. Dans les vestiaires, on mise beaucoup sur la discipline et on le fait comprendre aux participants. Oscars, c’est une famille. Les groupes sont des habitués. Ils sont pour la plupart à de nombreuses participations. Donc ils comprennent les règles », ajoute Moussa qui entretient les participants des relations teintées de familiarité et de rigueur.

« Il faut savoir être rigoureux quand la situation l’exige et dès fois faire preuve de compréhension parce qu’avant d’entrer en scène, les jeunes sont très tendus ». Avec quatre ans dans l’organisation et chargé des coulisses, il maîtrise ainsi les rouages et surtout la réaction des jeunes.

Esprit de compétition

Dans les vestiaires, l’ambiance verse subitement au calme. L’heure de prestation arrive bientôt. Les cris des supporters qui commencent à prendre place dans les gradins arrivent jusque dans les loges où la concentration est au maximum. Dans les couloirs, les regards deviennent fuyants dès qu’on se croise. On s’évite même.

« Avant les prestations, règne une certaine suspicion entre les groupes à cause de la pression », justifie Moussa. Pression qui se traduit par des cris hystériques provenant des box et surtout intervention des Sapeurs pompiers. Ces derniers sont ainsi appelés fréquemment pour secourir un danseur tombé en syncope. Chose fréquente et naturelle dans les coulisses, explique t-on.

C’est dans le box de l’Asc Jaon, que les sapeurs font leur première intervention. Sur place, une jeune fille s’est évanouie. Deux de ses co-équipières sont à son chevet. Elles se lèvent avec l’arrivée des sapeurs et rejoignent le groupe qui répète les derniers pas de danse. Les visages sont tristes, mais la préparation continue comme si rien n’était arrivé.

Pour le capitaine, c’est des choses normales à Oscar des vacances. « On veut simplement gagner. C’est cet esprit qui anime tout le groupe. Donc c’est normal que certains, sous le poids du stress, tombent en syncope. C’est des choses qui arrivent tout le temps. Vous voyez certains pleurent ou font autre chose. C’est ça l’ambiance dans les loges. Mais toute cette pression sera évacuée après les prestations ».

Chez les rappeurs demi-finalistes, pas de pression encore moins de suspicion. Assis tous sur un long banc, ils discutent des dernières nouveautés du rap américain. Chacun parle de son idole. L’ambiance est détendue. « Avec nous, il n’y a pas cette pression. C’est ici qu’on s’est connu mais on entretient de bonnes relations comme tu vois », affirme Weuz, un des demi-finaliste. Un de ses adversaires du jour, Patta Mouha, explique la même chose. « On partage le mouvement Hip Hop. Pour certains on se croise souvent dans les podiums. Donc je ne vois pas de raison pour se mettre la pression ».

Dans les coulisses, l’attente devient interminable. On guette à chaque instant l’arrivée de Aziz Samb. Ce dernier se pointe à 16h 30. Vêtu tout de noir, il arpente le couloir des vestiaires pour entrer en scène. Même lui n’échappe pas à la pression. Mais une pression qui se dissipe vite. L’acclamation du public, née de son entrée, fait sortir des participants de leur torpeur. Certains commencent à pointer le bout du nez.

Les vestiaires retrouvent de l’animation avec la sortie des groupes. Toujours la pression sur les visages. L’entrée en scène du premier groupe détend l’atmosphère. Derrière, les staffs regardent à travers les mailles d’un rideau. Certains épient ce que font leurs concurrents. D’autres sont partagés entre peur et satisfaction.

Angoisse dans

l’attente des résultats

La fin des prestations crée une nouvelle ambiance dans les vestiaires. Pression et suspicion sont évacuées. Des discussions entre concurrents, les congratulations deviennent monnaie courante.

Dans les loges, membres de différents groupent commencent à plier bagages. « Pour l’attente des résultats, on évacue tout le monde. Chaque groupe laisse deux représentants seulement. C’est pour éviter des perturbations avec l’annonce des résultats », note Moussa. Dans les groupes, on choisit qui va rester. Une fille membre du groupe Rakadio, désignée pour rester, refuse. « J’ai peur », ajoute –elle.

L’angoisse se lit sur les visages. Téléphones portables en main, les représentants du groupe font les cent pas dans les vestiaires. L’attente devient longue. On s’échange des cigarettes. Même l’ambiance créée par la prestation du chanteur Pape Thiopet ne les égaient pas. Quelques instants après, un membre du jury se lève et se dirige au milieu du parquet de Marius Ndiaye. Tout le monde se lève et se met devant la porte. Les yeux commencent à rougir. Le nom du premier groupe est cité, « Far 10 ». S’ensuit une salve de cris de joie de ses supporters, qui sont vite évacués des gradins. Derrière la tension monte crescendo. Il ne reste plus qu’une place pour cinq. Une fille s’écroule. Evacuation rapide des Sapeurs pompiers. Une autre commence à pleurer. Le nom du deuxième qualifié est donné. C’est l’Asc Jaon. Comme au début Moussa ouvre la grande porte des vestiaires. Les groupes perdants sortent et c’est pour revenir l’année prochaine. « Ils sont tous mes amis et je veux que personne ne quitte la compétition. Mais bon, c’est la loi du jeu », philosophe Moussa.

Quand le mystique se mêle au jeu...

Devant la porte, les membres du groupe Rakadio sont en place pour entrer. Ils sont tous à genoux, le poignet fermé. À l’appel, chaque membre se lève et écrase un œuf devant la porte. On se croirait à une compétition de « Navétanes ». Moussa nous signale que ces pratiques sont habituelles à Oscars des vacances. « Si vous étiez là au début du tournoi, vous alliez voir des choses extraordinaires. Certains se lavent avec de l’eau bénite devant la porte ». À Oscar des vacances, la superstition est une réalité. Une réalité qui se constate d’abord dans l’entrée des groupes. Chacun y va avec sa manière. Les membres de Jaon sont venus les pieds nus. Pour les membres de Far 10, à l’entrée, chaque membre est venu avec une chaussure au pied. L’autre chaussure est tenue par la main droite. Et l’on entre en montrant le dos.

Ainsi les groupes ne font pas mystère de leur préparation mystique. « Pour nous, ajoute le capitaine de Jaon, il s’agit juste de protéger nos membres. Comme c’est une compétition, il faut faire certaines choses avant de venir ». Du côté de Far 10 c’est la même réaction. Ils sont guidés par une logique de protection. Mais le capitaine de « Domou Saloum » de Kaolack ne croit pas à ces réalités. Pour lui : « seul le travail paie. Tout le reste, ce n’est pas important. Quand tu travailles bien, tu vas être qualifié ».

Ces pratiques sont ainsi motivées par l’enjeu que constitue une victoire de Oscars des vacances. En effet, au niveau des groupes de danse, pour le vainqueur, il y a des prix allant jusqu’à quatre millions et aussi des projets financés par certains sponsors, en plus de la notoriété. C’est pourquoi « toute cette agitation mystique », explique un rappeur.

« Nous sommes un groupe de danse. Chaque année nous participons à Oscars et il y a des prix importants à gagner. C’est pourquoi nous ne ménageons aucun effort tant sur le travail que sur le plan mystique », justifie le capitaine de Jaon.