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[FOCUS] Covid-19/transport clandestin et ambulants : La menace des «bombes mobiles»

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Transport clandestin de personnes et Covid-19
De Louga à Nioro, en passant par Touba, Tivaouane, Mbour ou encore Sédhiou, la propagation des cas communautaires de coronavirus est largement favorisée par les transports clandestins effectués, la plupart, par des commerçants, en violation flagrante de l’état d’urgence. De véritables «bombes mobiles» qui, aujourd’hui, interpellent les autorités du pays.

Pour enrayer les risques de contagion au coronavirus, le chef de l’Etat, Macky Sall, avait proclamé, le 23 mars dernier, l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu allant de 20 h à 6 h du matin, sur l’ensemble du territoire national. Il avait, par la même occasion, précisé que le gouvernement et les services de l’Etat «prendront toutes les dispositions nécessaires» pour faire appliquer «sans délai le décret sur l’état d’urgence, en ordonnant aux forces de défense et de sécurité de se tenir prêtes en vue de l’exécution immédiate et stricte des mesures édictées sur l’étendue du territoire national».

Et dès le 25 mars, le ministre des Transports terrestres, Me Oumar Youm, a pris un arrêté pour traduire en actes le décret interdisant la circulation des personnes d’une région à une autre.

«Le transport interurbain, c’est-à-dire entre les différentes villes ou les régions, est suspendu pour 12 jours, parce que cela fait partie des mesures de l’état d’urgence», avait expliqué le ministre des Transports, tout en précisant que tout déplacement serait considéré comme une violation de la loi et une menace pour la population.

L’état d’urgence est prolongé jusqu’au 4 mai prochain, à la suite du vote de la loi d’habilitation donnant ainsi carte blanche au président Sall.

Mais, sur le terrain, le constat est alarmant : malgré les nombreuses arrestations et verbalisations sur les routes, des Sénégalais continuent de voyager clandestinement d’une localité à une autre et transportent, malheureusement, la maladie. Ils sont de véritables «bombes mobiles» qui favorisent la propagation de la Covid-19, dans le pays.

Le dernier cas en date est signalé, ce lundi, à Sédhiou où le premier cas de Covid-19, un homme d’une quarantaine d’années, a récemment quitté Louga, selon des informations relayées dans la presse. Cette région, qui était jusque-là épargnée, a donc enregistré, tout comme Kaolack, il y a deux jours, son premier cas.


Les commerçants, nouveaux «livreurs de virus» ?

Mais parmi ces voyageurs clandestins, il y a les acteurs du secteur du commerce. En effet, après Louga le 5 avril dernier, beaucoup d’autres localités du pays ont été infectées par des commerçants.

Pourtant, faisant le point de la situation de la pandémie du coronavirus le vendredi 24 avril, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, avait lancé l’alerte : «Les commerçants sont les personnes les plus exposées au coronavirus. J’insiste encore une fois sur le port systématique du masque.» 

Ce jour-là, quatre des cinq cas communautaires recensés étaient des commerçants. Pourtant, quelques heures après cette sortie du ministre, un jeune marchand de 25 ans est déclaré malade à Darou Salam, une commune du département de Nioro du Rip. Investigations faites, il est arrivé d’une autre localité pour donner au Saloum son premier cas de Covid-19.

La veille, c’est-à-dire le jeudi 23 avril, un autre jeune, du même âge et du même secteur d’activité, était signalé à Tivaouane. Lui aussi a voyagé dans les conditions similaires.

Le samedi 25 avril, la ville de Mbour, qui était restée trois semaines sans enregistrer de nouveaux cas, a comptabilisé trois nouvelles infections issues de la voie communautaire. Tous des commerçants ont, eux aussi, clandestinement rallié la localité à bord de motos-Jakarta. Suffisant pour se demander si, aujourd’hui, les commerçants ne sont pas devenus des «livreurs du virus» ?

Interpellé sur la question, Makhoudia Ngom, Administrateur du Forum des acteurs de l’économie informelle, reconnait la «gravité» de la situation. Mais il pointe d’abord une «défaillance» au niveau de l’organisation du comité de gestion. «Le comité s’est beaucoup focalisé sur l’aspect sanitaire, laissant de côté la sensibilisation qui est primordiale», a-t-il fait savoir à Seneweb.


Cette situation, constate le secrétaire général du Réseau des commerçants et acteurs économiques du Sénégal, est aggravée par la conjoncture difficile des acteurs du secteur du commerce.

 «Il faut admettre que les marchands ambulants sont restés pendant plus de deux semaines sans travailler et nous savons tous que le marchand ambulant vit au jour le jour. Ils n’ont pas encore vu les mesures d’accompagnement tant annoncées par nos autorités. Qui parle de marchand ambulant parle de déplacement», martèle Ngom qui dit avoir tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps.

 Cet interlocuteur tempère tout de même : «Certes, ce n’est pas un prétexte pour cautionner certains actes, mais il faut le dire, la plupart des marchands ambulants ne travaillent pas pour se faire de l’argent ; ils cherchent la survie.»

 «La santé doit primer sur le gain»

A ce titre, l’administrateur du Forum des acteurs de l’économie informelle plaide «l’implication» des acteurs de son secteur dans la lutte contre le coronavirus. «Ces gens sont aujourd’hui exposés, parce que leurs lieux d’exercice sont des endroits propices à la propagation de la pandémie», a notamment insisté Makhoudia Ngom qui est d’avis qu’il faut des mesures spécifiques qui concernent directement ces catégories de travailleurs.


«Pour pouvoir les retenir, il faut qu’ils puissent bénéficier de l’aide alimentaire et que l’Etat intensifie la communication dans les marchés sur les mesures d’hygiène», a-t-il suggéré.

 A en croire le secrétaire général du Réseau des commerçants et acteurs économiques du Sénégal, c’est difficile à contrôler. «C’est à l’Etat à trouver des solutions. Il avait été annoncé la fermeture des commerces non essentiels, mais on a constaté que la mise en œuvre de cette mesure des autorités administratives n’est pas encore effective», fait constater Makhoudia Ngom.  

De son côté, Alla Dieng, Directeur exécutif de l’Union nationale des associations de commerçants opérateurs et investisseurs du Sénégal (Unacois)/Yessal  soutient que ces marchands qui voyagent clandestinement de ville en ville sont «inconscients». Parce que, rappelle-t-il, quel que soit l’instinct de survie, la santé doit primer sur le gain.

 «Sans une bonne santé, on ne peut pas profiter du gain», a-t-il dit, invitant les autorités à revoir le système de contrôle du transport interurbain ou interrégional. «Les autorités ont des moyens logistiques et des dispositions légales et réglementaires pour sanctionner les récalcitrants. Que la sanction soit plus sévère pour le respect des normes, parce que ces gens-là, qui semblent se soucier peu du danger, peuvent créer un péril ailleurs. Ils peuvent le propager sans le savoir. Le Sénégal est trop petit. Ce sera aux autorités de renforcer les dispositifs pour encadrer ces voyages.

Alla Dieng n’a pas manqué de lancer un appel les invitant à la raison. «En tant que commerçant, on recommande à nos membres le respect des directives. Le commerçant doit être lui-même son premier protecteur. Sa propre santé dépend de son comportement quotidien. Il doit être un exemple, en transmettant l’information dans son milieu. Il est une obligation morale, pour chaque Sénégalais, de respecter les mesures», lance le directeur exécutif de l’Unacois/Yessal.

Poursuites judiciaires

Le législateur sénégalais a prévu de lourdes sanctions contre les éventuels récalcitrants. En effet, en vertu de l’article 21 de la loi n° 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence, «les infractions aux dispositions de la présente loi seront punies d’un emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d'une amende de 20 000 à 500 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement».

Le docteur Yaya Niang, juriste, parle d’actes très graves. «Ces récalcitrants sont devenus de potentiels distributeurs du virus sur toute l’étendue du territoire et parfois même on peut se demander si ce n’est pas intentionnel», s’est-il inquiété.

Mais, de l’avis du juriste, au-delà des sanctions prévues par la loi sur l’état d’urgence, ces voyageurs clandestins peuvent bel et bien faire l’objet de poursuites judiciaires pour violation des arrêtés ministériels.

 En  effet, la loi n°65-557 du 21 juillet 1965 portant Code des contraventions a prévu, notamment en son article 8-1, que «seront punis des peines prévues aux articles 2 et 3 ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui auront contrevenu aux décrets et arrêtés légalement faits par l'autorité administrative ou aux arrêtés publiés par l’autorité municipale».

A la lumière des articles 2 et 3 précités, il est clair qu’ils sont passibles de 30 jours d’emprisonnement ferme et des amendes pour contravention qui pourront aller de 200 à 20.000 F.


Maintenant, dit-il, «s’il est avéré que c’est intentionnel ou même que ces récalcitrants sont porteurs du virus, ils peuvent être poursuivis pour le délit de mise en danger de la vie d’autrui prévu par le Code pénal (article 307 bis). Une tierce personne victime peut ester en justice».

Cheikh Sadibou Sèye va plus loin. Selon ce juriste, tout comme les personnes qui fuient les lieux de quarantaine, tout en sachant qu’ils sont potentiellement porteurs du virus, ces marchands qui violent les mesures accompagnant l’état d’urgence peuvent être poursuivis pour mis en danger de la vie d’autrui. «En France, une loi a été votée, fin mars, pour renforcer les sanction du non-respect du confinement. L'auteur peut encourir 6 mois de prison», rappelle-t-il.



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