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Covid19/Confinement chez les mariés : Paradis des uns, enfer des autres

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Covid19/Confinement chez les mariés : Paradis des uns, enfer des autres
Afin de limiter la propagation du Covid-19, l'Etat du Sénégal a pris une panoplie de mesures dont le couvre-feu (de 21 h à 5 h après modification) et le télétravail. Une contrainte qui impacte la vie des couples. Si les conjoints soutiennent que ce "confinement" favorise le rapprochement, du côté des spécialistes, par contre, la version est toute autre.

En cette fin d'après-midi à Liberté 5, un quartier niché au cœur de la Sicap-Liberté, le rythme s'accélère, à une heure de la rupture du jeûne. Il est 18 h passées de 23 minutes. Dans ce paisible quartier dakarois, vivent Marième Ndiaye et Pape Sidy Ndiaye. Un jeune couple de 2 ans de mariage qui continue de croquer la vie à pleines dents.

Devant l'appartement où vit le "couple heureux", nous sommes accueillis par Mme Ndiaye. Petit sourire narquois, elle déclenche les hostilités par une pique : "J'ai confiné mon mari. Si vous voulez parler avec lui, il faudra une autorisation." Par ces mots, on mesure l'immensité de la joie de Marième qui vit de beaux moments aux côtés de son "prince" Pape Sidy.

Si le durcissement des mesures de lutte contre la propagation du Covid-19 constitue un fardeau pour les uns, il est une véritable aubaine pour les autres. En effet, grâce à l'état d'urgence, certaines femmes mariées arrivent à voir leurs "princes charmants" auprès d'elles, avant l'heure du couvre-feu, à 21 h.

Chez les Ndiaye, après les salamalecs d'usage, madame nous conduit dans un salon légèrement décoré : poste téléviseur, table basse et un pot de fleurs cloitré à l'angle de la pièce. 18 h 57 mn : l'appartement de la famille Ndiaye croule sous le poids des taquineries d'un couple jovial qui a réussi à faire de son ménage un oasis de paix, sans aucune contrariété.

"C'est comme ça qu'on vit notre confinement. Depuis le depuis du couvre-feu, je suis presque tout le temps avec mon mari qui ne sort presque jamais, en dehors de ses heures de travail", lance la fille, la vingtaine.

Avant même qu'elle ne termine, son mari lui arrache la parole. "D'ailleurs, je n'ai nulle part où aller. En cette période, c'est préférable de rester chez soi et faire plaisir à sa famille. Et, franchement, je ne veux même pas que le couvre-feu s'arrête".

Avant le couvre-feu, Marième Ndiaye n'avait pas l'occasion de passer tout ce temps avec son mari. Car, dit-elle, M. Ndiaye travaille presque jour et nuit et ils n'ont même pas de temps de rester ensemble, ne serait-ce que pour discuter. Ces évènements constituent donc un grand moment de rapprochement. "Tout ce qui nous reste, c'est d'avoir un enfant et, Inch Allah ça viendra (sic). Mais, en attendant, on se concentre sur nous", lance-t-elle avec un sourire, non sans conseiller aux hommes de rester auprès de leurs familles, en cette période.

Le couple n'est pas le seul à profiter du confinement pour se rapprocher. Habitant à Guédiawaye, Mme Wade vit les mêmes moments de bonheur avec son mari. Le couvre-feu ainsi que les autres mesures de restriction lui ont offert l'occasion de mieux se rapprocher de son homme.

"Mon mari est en mode télétravail depuis le début de la pandémie. Et on trouve le temps d'être ensemble, faire des jeux de société. Le plus important dans tout ça, c'est le fait qu'il me porte beaucoup plus d'attention. D'ailleurs, grâce au confinement, nous sommes en train de ficeler nos projets que nous avions depuis longtemps. Avant, c'était plutôt aller au travail et rentrer un peu tard avec la contrainte des embouteillages", confie Mme Wade à Seneweb, jointe par téléphone.

D'un air moqueur, H. Wade de souffler : "Surtout ces temps-ci, je suis enceinte et nous nous sommes beaucoup plus rapprochés et il me soutient beaucoup dans les tâches ménagères."

T. Ndiaye : "J'en profite pour aider ma femme dans les tâches"

Les femmes ne sont pas les seules à trouver leur compte dans le confinement. Les hommes aussi ! Travaillant dans une boite privée de la place, T. Ndiaye se réjouit lui aussi de ces bons moments que lui offre le couvre-feu. "J'en profite pour aider ma femme dans les tâches ménagères, puisqu'on a arrêté la bonne pour des raisons de sécurité sanitaire, en cette période de pandémie", explique M. Ndiaye.

Selon lui, c'est grâce au couvre-feu qu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas de vie de famille. "Du coup, je passe plus de temps en famille et c'est un bonheur. Cela m'a permis de me rendre compte que je n'avais quasiment pas de vie de famille et de vie tout court, parce que j'avais du mal à organiser mon temps libre pour faire du sport. Depuis le confinement, je fais au moins 30 à 45 minutes de sport. Ce qui est un peu stressant, c'est qu'on ne peut pas sortir et délirer avec ses amis ou faire une petite sortie en famille. Mais la santé de tous en vaut le prix".

Fonctionnaire dans une institution internationale, Seydou s'est lui aussi réjoui de ce temps offert par le couvre-feu. "Il faut dire que, globalement, cela a permis d'avoir beaucoup de temps à passer avec la famille (épouse, enfants, parents)", dit-il.

"Avec mes voyages, mes affections à l'international et mon rythme de travail, je n'ai jamais eu l'occasion de passer plus de temps avec ma famille. Et maintenant, pas de voyage, ni mission et le boulot est carrément réduit. Donc, tout ce temps "gagné" est mis à profit pour se rapprocher de la famille et resserrer davantage les liens", s'est-il félicité.

Yacine Ba : "Je demande un couvre-feu sempiternel"

La trentaine, Yacine Ba est employée dans le secteur privé. Considérée comme une perfectionniste, elle pouvait rester parfois au bureau jusqu'au-delà de 22 h. Avec le télétravail, elle vit un moment de rêve. "Je dirais que ce confinement partiel est plutôt facteur de cohésion sociale, d'entente ! En effet, mon mari et moi, nous nous entendons trop bien. Même si ça a toujours été le cas, l'intensité a augmenté", a confié Yacine Ba.

Mariée et mère de deux enfants, Yacine soutient que le couvre-feu a favorisé le dialogue entre elle et son mari : "Son retour à la maison avant 19 h favorise le dialogue et fait que nous consacrons beaucoup plus de temps à nos enfants. Ce qui fait que toutes les facettes et astuces sont à l'ordre du jour."

Sous forme de blague, elle lance un appel au chef de l'Etat qui en dit long sur sa nouvelle situation. "Si j'avais une requête à faire, ce serait que le président Macky Sall prolonge le couvre-feu, même après confinement. Pourquoi pas sempiternellement ?".

Nabou Ndiaye : "J'ai failli quitter la maison conjugale"

Mariée, mère de deux enfants, Nabou Ndiaye vit une situation totalement différente des couples rencontrés. En cette période, la jeune de la trentaine habitant à Grand-Dakar mène un vrai parcours du combattant, à cause du confinement et l'arrêt de travail de son mari : "Je vis des moments difficiles avec mon mari. Il est de nature impulsif. Il est capable de s'énerve pour une banale histoire. En cette période de confinement, je vis des périodes difficiles avec lui. Il est en arrêt de travail et il est presque tout le temps à la maison", a expliqué la jeune dame.
 
Poursuivant sa narration, elle confie la dernière mésaventure vécue avec son mari. "Au début du confinement, j'ai failli quitter le domicile conjugal. Alors que j'étais dans la cuisine, il m'a harcelé devant toute la famille, juste parce que l'enfant pleurait et il ne pouvait pas le calmer. Et c'est grâce à l'intervention de son père que je suis restée. Mais actuellement, je vis des moments difficiles avec lui. Je prie jour et nuit pour la reprise de ses activités pour qu'il ait au moins une préoccupation journalière".

"Badiénou Gox" : "On n'a reçu aucune complainte, depuis le début confinement"

"Badiénou Gox" dans un quartier populeux de la banlieue dakaroise, Fatou Mbengue (nom d'emprunt) pense que le couvre-feu a beaucoup contribué au rapprochement et à la paix sociale au sein des ménages. Jointe par téléphone, elle explique que depuis le début du confinement, elle n'a reçu aucune complainte venant des couples.

Selon elle, avant le confinement, on ne pouvait pas rester des jours sans régler des problèmes de couples. "On nous réveillait à n'importe quelle heure pour aller gérer des problèmes au sein des ménages. Maintenant, on rend grâce à Dieu", dit-elle.

Cette marraine de quartier rappelle que les femmes ont besoin de leur mari à la maison. "Ce n'est pas du tout intéressant de préparer quelque chose pour ton mari, alors qu'il est dehors en train de faire des choses qui n'ont aucune importance. Certaines femmes peuvent tolérer cela, mais beaucoup d'entre elles ne peuvent pas le supporter. Et souvent, les problèmes viennent de là. Et même si on ne le dit pas, les hommes ont souvent tort", pense-t-elle.

Avec le confinement, il n'est plus possible de traîner, encore moins se livrer à des futilités. Du coup, souligne-t-elle, les femmes sont moins frustrées du comportement de leur mari. Par conséquent, les différends se sont résolu d'eux-mêmes et l'entente s'est renforcée.

"En cette période, quand je croise certains couples, je les taquine en leur disant que grâce au confinement, tout est revenu à la normal".

Abdoulaye Cissé, Psychologue : "Le confinement peut déboucher sur une violence conjugale"

Pour le psychologue Abdoulaye Cissé, les effets du confinement dans les couples peuvent être appréhendés sous deux angles : les effets positifs et négatifs. Pour les effets positifs, le psychologue parle du renforcement de l'intimité du couple. Pour l'autre, M. Cissé parle d'une situation de lassitude, des querelles et même des violences conjugales que le confinement peut installer dans la vie du couple.

Nous vous proposons son analyse
 

Soukeyna Diallo AJS : "On a reçu des cas de violence directement liés à la situation"

Du côté de l'Association des femmes juristes (AJS) le constat n'est pas le même. Selon Soukeyna Diallo, la Présidente de la Commission droits des femmes, des cas de violence liés au Covid-19 ont été notés dans les boutiques de droit. "On n'a pas noté une hausse des violences, depuis l'instauration du couvre-feu et de l'état d'urgence. Par contre, dans les cas de violence qu'on a reçus, il y en a qui sont directement liés à la situation actuelle. Et il y a deux exemples que j'ai recueillis auprès des coordinatrices de boutiques de droit", explique Soukeyna Diallo.

La femme juriste d'ajouter que le premier, c'est le cas d'une dame dont le mari est saisonnier. "A cause du Covid-19, le mari ne peut plus exercer, donc il est resté à la maison. Un beau jour, il demande à sa femme qui travaille au marché de rester à la maison, sous prétexte qu'il y a la maladie. Sachant qu'ils n'ont aucun revenu pour nourrir leurs enfants, la femme n'a pas suivi ses directives. Malheureusement, à son retour du marché, le mari l'a expulsé de la maison avec ses enfants. On était obligé de faire une médiation entre le mari et sa femme".

"Une femme a été expulsée par son mari pour avoir…"

Madame Diallo donne l'autre exemple de cette femme victime de violence conjugale et éconduite par des forces de l'ordre qui, d'après elle, lui ont fait savoir qu'elles n'ont pas le temps de régler des questions de violence conjugale, puisqu'ayant d'autres urgences à régler liées au Covid-19. "Et pourtant, quand on s'est renseigné au niveau de la hiérarchie, il y avait aucune instruction allant dans ce sens", regrette-t-elle.

Ainsi, la présidente de la Commission droits des femmes de l'AJS pense que le confinement "peut être un facteur favorisant la violence conjugale". "Dans ce pays, 80 à 90 % des travailleurs sont dans le secteur informel. Ce qui veut dire qu'ils se lèvent tous les matins pour chercher de quoi nourrir leurs familles. Ce qui fait qu'il ne voit quasiment pas les membres de la famille toute la journée. Et si du jour au lendemain vous passez la moitié de votre temps ensemble, ça peut être source de conflit, car il n'y a pas assez de place pour dormir, pour regarder la télé, se reposer. Donc, les conditions de vie font que la distanciation sociale va accentuer les tensions".

Quoi qu'il en soit, le confinement au sein des ménages à ses avantages et des inconvénients perceptibles pas tous.


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