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Coxeur de car rapide : Ils en ont marre de ce job !

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Coxeur de car rapide : Ils en ont marre de ce job !

Ils nous facilitent le transport, et pourtant ils exercent un métier des plus pénibles. Insultes de la part des clients, manque de soutien, et problèmes de santé sont monnaie courante dans le milieu des «coxeurs». Mais pour échapper au chômage, aider la famille, et surtout parce qu’il faut bien travailler, les rabatteurs de la capitale affrontent leur quotidien la tête haute et rêvent de jours meilleurs.
Ses traits tirés témoignent de la dureté de son métier. Tahir Diop, 38 ans, arpente tous les matins les rues de la Médina à Dakar, plus particulièrement l’artère 22x45. Sa profession : rabatteur dit aussi, coxeur. C’est lui qui est chargé de rechercher des clients pour les chauffeurs, lui, également, qui facilite l’arrivée des bus dans les garages. Moyennant quoi, il perçoit chaque soir, une commission de la part de son transporteur.
L’homme nous reçoit à même la rue, démarche en vitesse quelques clients et prend finalement quelques minutes de son temps pour répondre à nos questions.
Lorsqu’on lui demande depuis quand il exerce ce métier, Tahir  réfléchit. Il ne s’en souvient plus très bien. 9 ans, 10 ans maximum, lâche-t-il approximativement. Comme ses nombreux collègues qui exercent dans la capitale, la routine et la frustration sont devenues partie intégrante du quotidien du rabatteur. «J’en ai marre de ce travail. Ce boulot est dur, trop dur même. Le rythme est plus qu’effréné», confie Tahir.
Quelques mètres plus loin, aux abords de l’Université Cheikh Anta Diop, Alboury Fall, un verre de café Touba à la main, tient un discours à peu près similaire. «Il faut être vraiment courageux pour exercer ce métier. On travaille toute la journée : de 9 heures à 22 heures», soupire le rabatteur qui, à l’âge de 31 ans à peine, éprouve visiblement une grande lassitude envers sa profession.

S’ils ont ce point en commun, les deux coxeurs appartiennent néanmoins à des filières bien distinctes. Dans le quartier de la Medina, la profession a depuis longtemps instauré ses propres règles. Tahir aborde les passagers et recherche ses clients à même la rue. Au garage de l’université, au contraire, la filière semble plus organisée, structurée. Le rôle du coxeur y est bien mieux défini. Il planifie l’arrivée des bus ou veille encore à ce qu’ils soient bien remplis. En témoigne la dizaine de rabatteurs tranquillement assis sur leurs bancs et qui attendent l’arrivée des cars pour les répertorier. «A l’université il n’y a pas de problème, on travaille sérieusement et calmement avec les apprentis et les étudiants. Tout est bien organisé», confirme l’un des «coxeurs».

Une échappatoire au chômage
Pour autant, aucun d’entre eux n’aurait imaginé un jour exercer le métier de rabatteur. Un métier que l’on rejoint bien souvent en désespoir de cause, s’accordent à dire tous les coxeurs du coin. Ainsi, le manque de moyens pour financer leurs études, la famille qu’il faut soutenir et prendre en charge, ou encore le chômage qui se fait lourdement sentir dans la capitale, poussent de plus en plus de jeunes Sénégalais à intégrer un milieu devenu une échappatoire à l’inactivité. «J’ai étudié l’électricité et la mécanique, mais j’ai finalement abandonné», confie douloureusement Tahir, avant d’insister : «Que faire d’autre maintenant ? Ici au Sénégal, il n’y a pas de travail.»
Alboury Fall poursuit. «J’exerce ce métier depuis quatre ans. Avant cela, je travaillais à la Sonatel. Mais j’ai connu des difficultés dans le cadre de mon boulot. Alors je suis devenu coxeur, je n’avais pas le choix.»
Depuis qu’ils sont sortis du chemin de l’école, les rabatteurs gagnent leur vie tant bien que mal. En période d’année scolaire, le salaire journalier peut tout de même atteindre 5 000 voire 6 000 francs Cfa. Cependant, dans les périodes les plus creuses, comme celles des vacances scolaires, la somme récoltée dépasse rarement les 3 000, 3 500 francs Cfa seulement, se plaignent les deux hommes. Cela, c’est sans compter que les coxeurs partagent souvent leurs revenus avec leur famille.  «Tout ce que je gagne, je le partage avec mes parents. Mon père est décédé très tôt, alors je suis devenu le soutien de la famille», explique Alboury. Pour Tahir, les fins de mois ne sont pas moins synonymes de frustrations. L’argent que gagne le rabatteur servira simplement à payer le loyer et aider la famille.

Affronter le regard des gens
Plus que le salaire et le train de vie effréné, le regard que portent les gens sur la profession reste sans aucun doute, le plus difficile à affronter dans ce milieu, déplorent les coxeurs. «Les clients nous traitent d’imbéciles, de bandits. Mais ça n’est pas le cas, nous sommes tous pareil, nous, les apprentis, le chauffeur, les clients…», s’indigne Tahir. Même son de cloche du côté des rabatteurs de l’université. «On nous taxe de voleurs, de voyous. Mais nous faisons de notre mieux. Coxeur est un métier comme les autres», explique à son tour Alboury.
Aussi, il n’est pas rare de voir certains tenter par tous les moyens de redorer l’image de leur profession. Les rabatteurs de l’Université Cheikh Anta Diop par exemple, ne perdent jamais une occasion de jouer les agents de police. Aussi, quand ils ne régulent pas la circulation, arrêtent-ils les voleurs avant de les emmener au poste.
D’autres s’efforcent tant bien que mal de reconnaître certains avantages à leur métier. «On gagne notre propre argent. Et puis, il vaut mieux ça que d’aller voler», souligne Tahir. Un jeune coxeur paraît presque enthousiaste. «La profession n’est pas si difficile, on travaille calmement avec les étudiants. Si Dieu le veut, je resterai coxeur.» Quant à Alboury il a récemment pu économiser suffisamment d’argent pour partir en Italie «Hélas, mon voyage s’est arrêté à Lisbonne, faute de réservation d’hôtel», soupire l’homme qui, depuis qu’il est rentré au Sénégal, a repris son métier de coxeur à contre-cœur.
Nombreux sont ceux alors qui entretiennent l’espoir de connaître un avenir plus glorieux. «Evidemment, je souhaite un jour arrêter ce métier pour aller faire autre chose», explique Alboury. Tahir est plus pessimiste. «Tout le monde veut se créer un bel avenir, mais pour atteindre ses projets, il faut de l’argent, il faut économiser... Quand est ce qu’on pourra atteindre ces objectifs ? Il faut qu’on nous aide, nous les “coxeurs”.»
Avec la concurrence mais aussi le manque de soutien, le métier promet de devenir plus dur encore. Aussi, les rabatteurs projettent-ils d’ores et déjà de se tourner vers une autre branche. «Bientôt, on devra aller ailleurs, faire autre chose», présagent les coxeurs de la capitale, manifestement peu confiants en l’avenir de la profession.



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