La création de la communauté rurale de Touba-Mosquée en 1976 est une légitimation juridique de ce qu'il faut appeler une extension du statut particulier, ‘même si elle préserve les apparences de l'Etat qui semble encore louvoyer pour être présent malgré tout’. En effet, explique Cheikh Guèye dans sa thèse sur : ‘Le paradoxe de Touba : une ville produite par des ruraux’, en appliquant la réforme créant la communauté rurale de Touba, l'Etat fait une concession majeure : la nouvelle institution est mise sous l'autorité du khalife général et les élections du président du conseil rural et des conseillers au suffrage universel ne sont que le maquillage qui cache mal l'absence relative de l'Etat. ‘La Communauté rurale de Touba comptant 74 villages, le pouvoir foncier du khalife s'élargit de manière décisive. En définitive, la communauté rurale est un démembrement de l'Etat qui légitime le pouvoir foncier khalifal et l'élargit alors que la réforme devait constituer, comme partout ailleurs, un transfert à l'Etat de l'ensemble des droits éminents jusqu'alors détenus par les premiers occupants, les lamane, chefs de terre dans la société traditionnelle wolof’.
Le khalife général n'a pas, a priori, les mêmes droits sur les deux types de terres (terres du statut particulier et terres du domaine national). ‘Mais les lotissements d'extension se font, depuis une vingtaine d'années, sur les terres du domaine national, et désormais exclusivement. La croissance spatiale de Touba déplace avec elle la limite du statut d'extraterritorialité, tout en atténuant son contenu. Les règles étatiques de gestion foncière sont réinterprétées dans le sens du projet et des intérêts de la confrérie’.
L'obligation faite au conseil rural de délibérer pour statuer sur les terres à attribuer est ré-interprétée pour la ville. Le khalife général ou les khalifes de lignage attribuent en toute légalité les terres du domaine national qui constituent dans le même temps les terroirs des villages satellites maraboutiques. ‘Le titre foncier a été réinterprété et est devenu, dans la représentation mouride, le fondement d'un statut d'extraterritorialité alors qu'en bonne logique juridique, il n'a rien à voir, sinon que les rapports entre celui qui possède et celui qui contrôle sont plus faciles. Mais, on est là dans le domaine des représentations collectives. Sans doute y a-t-il eu une question de degrés dans la revendication : le bail de 50 ans a été une première revendication sur le site, le titre foncier une deuxième, assurant la permanence dans le temps. Le statut d'extraterritorialité en est une troisième, plus forte, plus complète, qui assure la reconnaissance du pouvoir et non seulement celle du propriétaire.’
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