CRISE UNIVERSITAIRE PERSISTANTE : Faut-il supprimer la Faculté des Lettres et Sciences Humaines ?

Bientôt l'année académique va finir. Mais jusqu'à présent, la Faculté des Lettres et Sciences Humaines sombre dans une crise inquiétante qui donne la bonne confirmation qu'elle a perdu le lustre d'antan qui a toujours fait la fierté de notre Université, presque agonisante, et sans médecin traitant à son chevet. L'heure est grave au moment où les délégués de l'amicale de ladite Faculté radicalisent leur position en ne reconnaissant aucune légitimité au Recteur, ni non plus au Doyen. Au contraire, ils visent haut en réclamant une audience auprès de Me Wade qui, à leurs yeux, est celui à qui il faut s'ouvrir pour traiter des problèmes relatifs à leur Faculté.

Pour l'essentiel, leurs revendications du reste justifiées, tournent autour d'une inadéquation frappante entre le nombre d'étudiants et la taille des Amphis, trop étroite pour contenir ce nombre. S'y ajoute le nombre insuffisant de Professeurs Titulaires au regard de celui très important des étudiants en année de Maîtrise, et qui se voient face à la difficulté de trouver un encadreur qui dirige leurs sujets de recherche. Au plan social, les pavillons ne peuvent pas non plus contenir des vagues entières d'étudiants venus pour l'essentiel des régions de l'intérieur, et habitant souvent dans la banlieue Dakaroise. En somme, ce sont des conditions d'échec qui sont ici réunies et dont le caractère spécifique n'est pas établi en relation avec ladite Faculté. Ces conditions sont spécifiques à l'Université de Dakar qui, compte tenu de l'accroissement démographique de la population estudiantine, ne répond plus à sa vocation de lieu de formation des élites, en raison d'une démocratisation de l'Enseignement qui donne accès à l'Université dès l'obtention du Baccalauréat même si, depuis la réforme de 1995, des commissions chargées de l'orientation sont mises en place pour opérer une sélection qui tienne compte du parcours des bacheliers et de leur âge. Sur ce dernier aspect, il faut avouer que la sélection ne repose sur rien de scientifique d'autant plus qu'au plan des Etudes Universitaires, rien ne peut confirmer qu'un vieil homme de 60 ans aurait moins de dispositions qu'un jeune homme de 18 ans, car l'esprit se rajeunit d'autant plus vite qu'il accède à la connaissance scientifique. Gaston Bachelard nous l'enseigne mieux dans son ouvrage intitulé : " La Formation de l'esprit scientifique" et dans lequel il affirme : "Accéder à la connaissance scientifique, c'est spirituellement rajeunir". Si les problèmes relatifs au secteur de l'Education Nationale persistent tant, c'est qu'il manque un Objectif Citoyen qui s'accorde nécessairement avec une finalité Scientifique.
En effet, l'objectif recherché par notre école, c'est la culture du prestige et sa finalité, la conquête d'une station sociale favorable si bien que les options ne rendent pas compte des compétences, mais des calculs ; il y a comme une sorte de stratégie socialisée de la réussite. Et cette stratégie socialisée de la réussite est visible à travers la formulation d'avis non spécialisés quand il s'agit d'apprécier certaines disciplines dites caduques au profit d'autres considérées comme "Elitisantes".
Au nombre des premières citées se trouvent globalement presque toutes les disciplines logées dans cette faculté de "bavards" et de "sophistes" à qui il est reproché de n'avoir en rien contribué au développement de l'Humanité comme si Développement rimait forcément avec Science et Technique. Ce point de vue est maximalement terre-à-terre et absolument incohérent. Car, on ne peut pas évaluer l'intérêt d'une discipline pour une Nation en fonction des besoins supposés de celle-ci en termes de priorités. Il n'y a pas une hiérarchie des priorités. Il y a au contraire une égalité des urgences. Il est autant urgent de former des Médecins que des Philosophes, des Ingénieurs que des Historiens. C'est seulement par le renouvellement générationnel au niveau du corps professoral qu'il est possible d'opérer une révolution dans l'enseignement supérieur pour perpétuer la tradition de l'Université en tant que lieu de transmission, d'entretien et de valorisation des connaissances.
Une année invalide à la Faculté précitée, c'est à la fois des professeurs inefficaces enfermés dans la répétition du même savoir, des étudiants illusionnistes qui se croient porteurs de connaissances avérées qu'ils confondent avec un militantisme verbal contre-productif et des générations condamnées à vivre le calvaire de revendications incessamment identiques dans un contexte de compétition et de vitesse dans lequel les Peuples responsables ont compris que le propre d'un problème quel qu'il fût, c'est d'appeler des solutions urgentes.
Pour cela, il faudrait créer les conditions d'une interlocution par laquelle les énoncés du problème sont suffisamment compris par les interlocuteurs en situation de ... Penser.