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DÉBAT - UNIVERSITÉS AU SENEGAL : L’équation de la capacité d’accueil et du financement

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DÉBAT - UNIVERSITÉS AU SENEGAL : L’équation de la capacité d’accueil et du financement

Dans un article paru dans le quotidien Le Soleil du vendredi 3 avril 2009, le Pr. Mary Teuw Niane, Recteur de l’Ugb, propose « d’ériger le lycée en Collège universitaire régional (Cur). Le Cur regroupera les classes de 1ère et de Terminale et les 3 premières années du supérieur. Dans chaque Cur, il y aura des filières d’enseignement général de 2 ans conduisant à un Baccalauréat national et des filières techniques et professionnelles de 2 ans conduisant au Brevet technique et professionnel (Btp) qui est un diplôme national. L’étudiant ayant réussi sa 2e année au Cur peut s’inscrire en 1ère année de Licence. L’enseignement et la formation, depuis la petite enfance jusqu’au Cur, seront pilotés par l’Académie régionale qui aura à sa tête un Recteur d’académie assisté de directeurs. Ce schéma permettrait de répondre aux défis de la proximité, de l’hébergement, des bourses et surtout de la volonté de massification du nombre d’étudiants et de réduction de la déperdition ».

Nous saluons l’idée et la perspicacité du Pr. Niane. Il faut néanmoins réfléchir sur la pertinence financière, pédagogique et opérationnelle du schéma. Le concept ressemble fort bien à une variante généralisée du « projet porter le savoir », initié et mis en œuvre par le Pr. Abdoullah Cissé, Recteur de l’Université de Bambey. En d’autres termes, on pourrait l’élargir et l’enrichir en le formulant, pour une première approche, comme suit : les centres d’accueil centraux de l’université hébergent les masters et les écoles doctorales et portent le savoir dans les lycées. L’expérience montre que la mise en œuvre du programme requiert des ressources financières complémentaires. Nous pensons que si l’opérationnalité du concept est prouvée, il constitue un projet alternatif acceptable de la carte universitaire en vigueur actuellement. Pour cela, il faut distinguer les enseignements et les formations à fort taux d’investissement en équipements et les autres. Les enseignements et les formations, généralement à fortes populations d’étudiants, correspondant aux facultés des Lettres, d’Economie, de Gestion, de Droit, de Mathématiques, etc. pourraient être transférés de manière rationalisée dans les lycées sous le contrôle et l’organisation du Recteur de la région académique. Tandis que les enseignements tels que la chimie, la médecine, la biologie, la physique et les formations d’ingénieurs et de techniciens, qui demandent beaucoup d’investissements en équipements et qui, généralement, concernent peu d’étudiants, pourraient être regroupés et concentrés dans des pôles (tels que Dakar et Thiès ou ailleurs) pour une mutualisation plus opérationnelle des laboratoires. Dans une région académique, les lycées peuvent être spécialisés en gestion, en économie, en mathématiques, en droit, etc., dans le cadre bien étudié d’une mobilité des étudiants. Il faut trouver la bonne formule et le bon dosage ! Un travail rigoureux de rationalisation est toutefois nécessaire pour transformer plus de 100 lycées en Cur. Mais si ce schéma peut résoudre le problème de la capacité d’accueil de l’université, il laisse cependant l’équation du financement sans solution. Le Rapport national de la situation de l’éducation en 2007, publié par la Direction de la planification et de la réforme de l’éducation (Dpre), en mai 2008, et les journées de réflexion organisées par la Direction de l’enseignement supérieur (Des), les 09-10-11 mai 2008 à Saly, ont clairement indiqué que les difficultés de fonctionnement et de performances de l’université sénégalaise sont bien liées à leur financement. 60 à 95 % du budget des universités sont engloutis dans les dépenses de personnel. Au moment où on parle de la refondation du capitalisme, nous devons aussi parler de la refonte des régimes juridiques, financiers, administratifs et politiques qui réglementent le fonctionnement de nos institutions, en l’occurrence de nos universités.

L’exemple que voici illustre bien mes propos. Pour équiper les deux laboratoires de physique de la 1e année et de la 2e année de la filière Mpci de l’Université de Bambey, la facture pro forma de Phywe, une entreprise spécialisée en équipements de laboratoire livre un coût de 120 millions de francs Cfa. Si la possibilité de contracter auprès de la banque Bicis un prêt de ce montant était offerte à l’Université de Bambey, les étudiants n’auraient pas attendu trois ans sans laboratoire. Il aurait fallu que l’Université inscrit moins de 36 millions au titre de service annuel de la dette dans son budget pour les 5 ans à venir pour se doter de ces laboratoires et accroître la qualité des enseignements. Autre exemple ! Lors de son adresse à la nation du 04 avril 2009, le président de la République annonce, relativement au programme d’électrification rurale, « le lancement, en mars dernier, de la première concession, sur l’axe Saint-Louis - Dagana - Podor, pour l’accès de 19.500 ménages à l’électricité d’ici à trois ans, grâce à un investissement de 9 milliards de FCfa. Quatre autres concessions suivront au cours de l’année 2009 ». L’Université de Bambey a dû surseoir cette année à l’ouverture de sa licence d’énergie renouvelable à défaut de financement pour l’équipement de ses laboratoires. En octroyant 30% de ce marché du solaire à l’université de Bambey, celle-ci pourrait ouvrir sa licence et financer l’ensemble de ses enseignements et de sa formation sans un sou de l’Etat. L’université, qui fournit du personnel qualifié à tous les secteurs de l’économie, peut elle-même participer, dans une moindre proportion, à l’activité économique, ne serait-ce que pour s’autofinancer. Il faut seulement lui réserver des parts de marché. Mais il faut aller plus loin et plus résolument vers sa « privatisation » complète. C’est ainsi que dans le cadre du projet de revenu de base généralisé associé à une assurance maladie obligatoire (Rbg-Amo) que je propose à l’Etat du Sénégal, la réponse à la « privatisation de l’enseignement et de la santé », entre autres, est prise en compte. Nous devons réformer les procédures et les adapter aux nouvelles réalités. Apres la défaite de l’Etat face au Capital qui lui a tout retiré jusqu’à son droit régalien de battre la monnaie, tous les Etats sont plongés dans un cycle infernal de déficits budgétaires cumulés et, partant, d’endettement public chronique depuis les années 80. Cette situation dessine en perspective des faillites de la puissance publique plus graves en conséquences que la crise financière, car pouvant déboucher sur des émeutes violentes voire des révolutions sociales sur un fonds de demande sociale insatisfaite. Notons que l’un des objectifs stratégiques du Rbg-Amo vise la réduction voire la disparition de la dette publique intérieure, principale contrainte de l’épanouissement des entreprises. Il nous faut trouver ou inventer les moyens de satisfaire la demande de l’éducation qui est le pilier où reposent tous les développements. Le Forum national sur le statut de l’enseignant, annoncé par le chef de l’Etat, mais de manière générale sur l’enseignement et la formation, est le bienvenu.

PAR Dr. Abdoulaye TAYE

Enseignant à l’Université de Bambey

Initiateur du Projet RBG-AMO



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