Délocalisation de L’HÔPITAL Le Dantec : Les agents partagés sur le projet

Si l’hôpital Aristide Le Dantec est plus fréquenté que les autres établissements de santé, c’est surtout pour les tarifs pratiqués qui sont plus accessibles et pour la qualité du service. Mais, hôpital implanté au cœur du plateau semble être rattrapé par le temps. L’essentiel de sa clientèle vient de la banlieue, il reçoit un flux, de plus en plus, croissant de malades. Mais, paradoxalement son espace est exigu pour l’agrandir et le moderniser. Et les agents sont partagés sur le projet de délocalisation en vue d’une modernisation de Le Dantec. Certains sont pour et d’autres manifestent le souhait de faire les modernisations sur le même site.

Des patients et accompagnateurs de malades sont à l’entrée de l’hôpital Aristide Le Dantec. Il est environ 10 heures. A l’intérieur, des personnes se dirigent vers les services où ils ont un rendez-vous. Les agents de santé sont facilement identifiables avec leur blouse bleue ou blanche. Vêtu en tenue de travail et de taille moyenne, Daouda Diop, un agent du service d’urologie ne donne pas une réponse tranchée sur la délocalisation de l’établissement. « Il serait difficile de moderniser l’hôpital sur ce site. Mais, si on peut le faire aussi, cela serait une bonne chose », a laissé entendre Daouda Diop rencontré sur l’allée du service de maintenance. En face de ce service, le docteur Diop sort du bâtiment Orl. il est visiblement pressé. Mais, il a sacrifié quelques minutes pour donner son avis sur l’exiguïté des lieux. « Il y a un problème d’espace. Ce ne sera pas facile de moderniser l’hôpital sur ce site.

C’est pour cela que nous allons déménager notre service vers l’hôpital Fann », confie le docteur Diop. Cet avis n’est pas partagé par un autre agent croisé sur l’allée de l’institut de lutte contre le cancer. « On peut bel et bien moderniser l’hôpital sur le même site. Tout est question de volonté », pense un agent de santé du nom de Mbaye avant de poursuivre son chemin pour rattraper son collègue. Pour Mamadou Barro, surveillant au Bloc opératoire central, l’hôpital a une vocation de formation et pour cela il doit être proche de l’université et des populations. Mais pour lui, le dernier mot du transfert revient à l’autorité. Toutefois, il est pour la modernisation de l’établissement sur le site. « Je suis pour que l’on modernise l’hôpital ici, que l’Etat mette les moyens pour faire face aux charges. Je pense, avec les infrastructures routières, que le problème d’accessibilité géographique se posera moins avec la fin des travaux », indique Mamadou Barro.

La question passionne plus les syndicalistes. Trouvé dans son bureau Abdou Dièye invoque les conclusions des journées de l’hôpital avant de donner son point de vue. « Les journées de l’hôpital tenues l’année dernière ont retenu la modernisation de l’hôpital sur le même site et la construction d’un hôpital de niveau 4 en changeant la configuration », rappelle le secrétaire de la section de l’Eps de l’hôpital Le Dantec, par ailleurs, secrétaire général de l’Union régionale de Dakar et secrétaire général de la communication et des Ntics du bureau exécutif du Sutsas. Les responsables syndicaux ont fait savoir qu’ils n’ont pas vocation à contrecarrer la décision de l’autorité centrale et c’est la sécurisation des emplois qui est leur préoccupation, c’est dans cette optique qu’ils partagent la déclaration du chef de l’Etat. Laquelle déclaration a pris en compte la sécurisation des emplois. « Notre inquiétude par rapport à la délocalisation c’était la dispersion des travailleurs de Dantec. Mais, le président de la République nous rassure sur la conservation des emplois et le transfert de l’ensemble des effectifs vers deux autres hôpitaux qui seront construits avec des plateaux techniques beaucoup plus adéquats », soutient Abdou Dièye. Plusieurs bâtiments ont été rénovés et réhabilités. Les locaux du service d’imagerie médical tout comme ceux de la dialyse péritonale ont fait peau neuve. Il en est de même de l’institut de lutte contre le cancer qui a été aussi rénové. Ce sont des signes de la modernisation couplée avec l’acquisition de nouveaux appareils. Mais pour certains, c’est l’amélioration des conditions de travail qui prime sur les lieux. « Ce qui est important c’est de nous mettre dans les meilleures conditions de travail. Quel que soit le lieu d’implantation du nouvel hôpital, l’essentiel c’est de mettre des équipements modernes permettant aux agents de faire correctement leur travail », a souligné une infirmière qui a requit l’anonymat. Tout compte fait, les personnels interrogés s’accordent sur la difficulté d’accessibilité aux populations de la banlieue qui constitue l’essentiel de sa clientèle.

Le oui-mais des étudiants stagiaires

Les étudiants stagiaires de l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar sont d’accord sur le projet de délocalisation de l’hôpital. Cependant, ils souhaitent que le nouvel hôpital soit équipé d’un haut plateau technique pour une prise en charge effective des problèmes de santé publique des populations.

Le projet de délocalisation de l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar vers la banlieue dakaroise rencontre l’adhésion des étudiants de la faculté de Médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Engagés comme stagiaires pour la plupart, les étudiants approuvent la décision du chef de l’Etat de délocaliser l’hôpital qui n’arrive plus à supporter le nombre de patients qu’il accueille chaque jour. Cependant, ces étudiants souhaitent que la délocalisation soit accompagnée de mesures.

Ils demandent au chef de l’Etat de mettre à leur disposition des moyens de déplacement leur permettant de rallier facilement le nouvel hôpital. Une étudiante stagiaire qui a requis l’anonymat estime que la délocalisation de l’hôpital serait une bonne chose, si le personnel soignant est mis dans de bonnes conditions de travail notamment par l’octroi d’un bus de transport pour les étudiants stagiaires et autres agents de santé », sous le regard approbateur d’Abou Thiam étudiant en septième année de médecine. « Le nouvel hôpital doit être accessible aux populations, au personnel soignant et aux étudiants stagiaires. Il doit aussi être d’un niveau supérieur répondant aux critères d’une structure sanitaire moderne pour une meilleure prise en charge des problèmes de santé de la population dakaroise, du Sénégal voire de la sous-région », souligne-t-il. Le docteur Thiam pense que ce nouvel hôpital permettrait aux étudiants d’effectuer des stages pour mettre en pratique leurs connaissances théoriques. « Les étudiants de la faculté de Médecine de l’Ucad rencontrent de sérieux problèmes pour décrocher un stage dans les structures sanitaires parce qu’il n’y a en pas beaucoup à Dakar », fait-il savoir. Plus loin, deux étudiants stagiaires ont un sentiment mitigé sur le projet de délocalisation de l’hôpital Le Dantec. L’un d’eux Tamsir Aliou Mbengue, étudiant à l’Ecole nationale de développement sanitaire et sociale (Endss) avance qu’on ne devait pas transférer l’hôpital mais plutôt le moderniser avec des équipements performants pour une meilleure prise en charge de tous les malades. « Mais le dernier mot revient au chef de l’Etat. S’il décide de délocaliser, je souhaite que l’endroit soit accessible. Sinon qu’on nous offre un bus pour les déplacements », suggère-t-il.

Proximité avec les populations : Les clients donnent leurs avis

Des clients interrogés souhaitent le transfert de l’hôpital. La raison qu’ils ont invoquée est relative à l’éloignement et à l’exiguïté des lieux. Pour d’autres, le transfert ne réglera pas le problème. Et la solution, c’est le relèvement des plateaux techniques des hôpitaux de la banlieue.

L’entrée du service médical grouille de monde. Plusieurs femmes sont assises sur des nattes au préau se trouvant sur le flanc droit de ce bâtiment. En face, de l’autre côté de l’allée, Cheikh Dieng, d’un âge avancé attend son camarade. Il est visiblement pressé. Cheikh Dieng répond sans hésitation sur la question relative au rapprochement de Le Dantec des populations de la banlieue. « Il faut rapprocher l’hôpital Le Dantec des populations.

Je crois que c’est mieux pour nous », a défendu l’homme. Dans l’enceinte de l’espace vert, le jeune Samba Ka parcourt un journal, histoire de tuer le temps, en attendant qu’on appelle le patient qu’il a accompagné. Il a posé avant tout la question de l’accessibilité géographie. « Si on habite Guédiawaye, on perd facilement deux heures de temps pour rejoindre Dantec. Cela devient plus compliqué si le malade est dans un cas critique », indique-t-il. Alors, faut-il transférer la structure pour la rapprocher des habitants de la banlieue ? Pour Samba Ka, le transfert ne résout pas les problèmes. Surtout en la délocalisant, la structure sera éloignée d’une bonne partie des populations. « La solution, ce n’est pas la délocalisation. Il y a des hôpitaux dans la banlieue. Mais, des personnes quittent ces zones pour venir à Dantec. Je pense qu’il faut faire en sorte que les hôpitaux de la banlieue puissent disposer des mêmes spécialités médicales existant à Dantec », argumente le jeune Samba Ka qui vient de Grand Yoff. Awa Diouf qui vient de la localité de Toubab Dialao, souhaite la relocalisation dans un endroit spacieux où l’on pourra aménager un espace pour les accompagnateurs des malades. « Il serait bon de délocaliser Le Dantec vers un endroit où il y a de l’espace. Parce que ceux qui accompagnent les malades sont obligés de passer la nuit dans les couloirs ou de se retirer dans les jardins durant la journée », confie Awa Diouf interrogée dans le jardin où plusieurs femmes et hommes sont assis sur les bancs ou allongés sur des nattes. Lalla Sarr retrouvée dans le jardin a aussi déploré l’exiguïté des lieux. « Nous passons la nuit dehors avec les moustiques, nous sommes exposés aux maladies. En accompagnant les malades, on risque de tomber malade », affirme de façon ironique Lalla Sarr. Donc, l’exiguïté des lieux et l’éloignement sont deux raisons invoquées par une partie des clients pour justifier la délocalisation.

Modernisation : Quelques services déjà rénovés

Les services d’imagerie médicale, de la dialyse péritonale, et l’Institut national de lutte contre le cancer ont reçu des cures de jouvence. Les locaux sont rénovés et repeints. La réhabilitation des bâtiments est accompagnée par l’acquisition de nouveaux matériels et l’introduction des technologies les plus avancées pour la prise en charge de certaines pathologies.

L’acquisition de l’unité de radiothérapie pour la prise en charge du cancer, est un signe parmi tant d’autres de cet élan de modernisation. Il y a une volonté manifeste des partenaires et des bailleurs de mettre le plateau de l’institut sur le même niveau que celui des hôpitaux occidentaux en matière de prise en charge des maladies cancérigènes. A l’appareil d’oncologie, servant à soigner le cancer chez les enfants, et la bombe à cobalt indispensable pour réduire le volume tumoral avant l’intervention viendront s’ajouter un appareil de simulation de rayons X servant à repérer le volume tumoral, et l’acquisition d’une unité de curiethérapie pour le traitement du cancer du col de l’utérus. Il est aussi prévu l’acquisition d’un accélérateur linéaire pour compléter le plateau de l’institut. « Ce n’est qu’un premier pas. Nous avons l’ambition de faire en sorte que le plateau de l’Institut respecte les recommandations de l’Agence internationale de l’énergique atomique », révèle le président de l’Ong Physicien médical sans frontières, Daniel Taisant.