Sommes nous dans une capitale ou un faubourg ? Voilà la question qu'on se pose en faisant un tour vers le centre?ville de Dakar surtout au grand marché de Sandaga. Difficile de distinguer la voie réservée aux véhicules et le trottoir normalement dédié au piéton. L'encombrement humain des vendeurs, des "coxeurs" (aides?vendeurs) avec les étals, les petites tables et autres pousse?pousse est saisissant de désordre, pour ne pas dire de chaos, pour une capitale qui se veut moderne. Venus le plus souvent des zones rurales, les vendeurs à la sauvette occupent anarchiquement l’espace. À leur contact, le problème apparaît plus complexe. Se réclamant tous Sénégalais, certains d'entre eux avancent comme alibi : « mbed bi mbed dou bour la » (la voie est publique et pour tout le monde), les autres n'ont d'autre choix pour gagner leur pain quotidien et font des pieds et des mains pour amener de quoi nourrir la famille, même si ceux-là se rendent compte qu’ils occupent de façon illégale la chaussée. Parmi les raisons, il y a que leurs moyens ne leur permettent pas de prendre des cantines dont le coût unitaire est estimé à 2 000 000 FCfa comme les grands commerçants, selon Elhadj Diop, vendeur de produits cosmétiques qui prétend avoir passé plus de quatre hivernages sur l’avenue Blaise Diagne.
Des produits cosmétiques aux chaussures en passant par les lunettes, les habits et accessoires qui jonchent le trottoir et le talus, il se trouve que ces vendeurs payent quotidiennement la taxe rurale qui est de 100 à 150 FCfa par jour, comme nous l'a confié Mar Diop, vendeur de chaussures, la soixantaine environ. « J’ai fait plus de quinze ans sur cette place, je n’ai pas de problème majeur. Je suis là, dépourvu de moyens et je dois nourrir ma famille qui est restée au village », a déclaré M. Diop, qui pourrait éventuellement quitter les lieux si, ajoute-t-il, "les autorités mettaient en place un marché approprié pour les commerçants démunis."
Le problème est d'ailleurs bien compris en général à l'instar de Abdou Diack, détenteur d’un magasin de lunettes et qui trouve que « les marchands ambulants et ceux à la sauvette nous dérangent beaucoup, mais on ne peut pas le dire car ils sont là pour avoir quelque chose ou bien parfois nous venons du même terroir .» Un autre jeune commerçant, El hadji Ndiaye, déplore la situation et confie même que l’ex?propriétaire de son magasin lui aurait vendu sa place "à cause de ces vendeurs qui font dévier la clientèle parfois à leur profit alors qu’ils payent des millions pour leurs places". C'est aussi l'avis d’une spécialiste du tissu habillement, Isabelle Arhant, qui juge "anormale et désastreuse cette occupation."
Le phénomène est d'autant plus dérangeant que, pour s'en sortir, les commerçants dûment établis et détenteurs de magasins vont jusqu'à "soudoyer" les "coxeurs" afin qu’ils déguerpissent. Mais « chassez le naturel, il revient au galop ». Et pour cause.
Comme le soutiennent certains commerçants, "les autorités ne "nettoient" que lorsqu'un "illustre" hôte vient dans notre pays et une fois parti, les vendeurs reprennent du poil de la bête", a déclaré une libano?sénégalaise, vendeuse de sacs, valises et tissus qui se dit "peinée", au sens large du terme, à cause de ce désordre total et des insultes échangées chaque jour que dieu fait.
Sous un soleil de plomb, ce lundi, sur cette Avenue Lamine Guèye en passant par l'Avenue Blaise Diagne, le commerce du désordre suit son cours dans une parfaite incurie, dans une ambiance d'"embouteillage" humain qui ne dit pas son nom et qui laisse de marbre les camarades des Abdou Diack, El Hadj Ndiaye, entre autres.
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