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DAROU SALAM AUTOROUTE : Un township en plein cœur de Dakar

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DAROU SALAM AUTOROUTE : Un township en plein cœur de Dakar

Après le pont de Hann, en allant vers Colobane en direction du centre-ville un nouveau quartier se découvre à travers les fenêtres des voitures. C’est le quartier Darou Salam. Ce nouveau « township », situé après les ponts chevauchant l’autoroute à hauteur de la Sodida en allant vers Colobane, cache avec pudeur le déséquilibre qui subsiste dans le devenir de la capitale sénégalaise. Blottis dans la pauvreté, les habitants de ce quartier peu ordinaire, construit sur des cartons, des morceaux de zinc et du bois, dénoncent le misérable sort qui leur est réservé. 

Darou Salam Autoroute ? Un nom qui ne dit certainement rien à bon nombre d’habitants de la capitale qui le dépasse quotidiennement au bord de l’autoroute. Situé à quelques encablures du Pont de Hann, ce quartier longe l’autoroute jusqu’à la hauteur de la cité Sodida. Il offre l’image d’une longue rangée de huttes faites en zinc et en cartons. Ces habitations de fortune abritent de malheureux déguerpis de la zone de captage située à la cité des eaux. Installé après le 5 juin dernier, ce nouveau « township » qui longe l’autoroute donne l’image d’une cité bannie et/où la précarité est loi. Là, l’obscurité et la misère règnent en maîtres. Il présente l’image d’un véritable township, situé en plein cœur de la capitale.

À l’entrée du quartier, du côté du bord de la route, se trouvent deux ateliers de tisserands entre lesquels passe une piste qui y mène directement. Comme des damnés de la terre, les habitants de ce nouveau township qui gonfle Dakar sont condamnés à la vie nomade pour survivre. Un peu après les tisserands, des terrains vagues dont les périmètres sont à demi clôturés se dressent à gauche. La demeure du chef de quartier, derrière lequel se trouve un atelier de menuiserie, est le lieu de rendez-vous qui remplace l’arbre à palabres où les habitants aiment se retrouver pour discuter de leurs affaires.

C’est aussi dans cette concession de Maurice Thiaw, chef de quartier, que sont prises les décisions les plus importantes de cette communauté dont la majorité est de l’ethnie Sérère.

À l’entrée, à hauteur des premières concessions de ce pauvre quartier, qui ne reprend vie que le soir vers 18 h, une femme est assise sur un banc, une calebasse remplie de couscous en vente devant elle. Au moment où les charrettes qui alimentent le quartier en eau, les véhicules venant ou se rendant au garage situé derrière les concessions se faufilent avec les résidents et les visiteurs. De petits-enfants jouent au ballon, pieds nus, sans compter avec les pierres et les tessons de bouteilles répandus entre les concessions faites en taules, en zinc et en carton ; sous les pilônes de haute tension qui relayent des milliers de mégawatt d’électricité. Un ange passe humant l’électricité dans l’air, un oiseau bat des ailes et s’éloigne à l’horizon, devinant peut être qu’il n’y a pas raison pour lui de se poser par là.

De nombreux groupes de jeunes filles s’adonnant aux tâches ménagères descendent de travail, en discutant, la mine heureuse avec leurs bols de riz aux mains. Tout à côté, sur l’autoroute, les voitures passent avec leurs passagers dont certains, si ce n’est furtivement, ne braque aucun regard sur cette cité archaïque des temps modernes. Les populations de Darou Salam souffrent ainsi de leur triste sort comme s’ils étaient condamnés par les Dieux des Ancêtres à cette errance sans fin.

Situé à hauteur de la Sodida juste après le pont chevauchant l’autoroute où se dresse un nouvel autre pont né des travaux du Chef de l’État, ce quartier peu ordinaire sur la gauche de la route en allant vers le centre-ville, est une zone à risques sur les plans de la sécurité et de la santé. Toutefois, il semble qu’ils n’ont pas encore oublié les différentes étapes qui les ont conduits à cet endroit. Trouvés là vers 18 h, ils révèlent la face cachée de ce nouveau « township » qui a vu le jour à Dakar, le 05 juin 2007.

Ces éternels nomades

« Nous habitions le quartier Khelcom en face de l’Ecole Mariama Niasse quand nous avions été déménagés en 2002 par les autorités », explique Souleymane Faye très prolixe pour faire part de leurs griefs. « Nous avions alors regagné la zone de captage à la cité des eaux. En 2005, durant les inondations, les autorités nous avaient secourus en nous procurant des bâches, du riz et des médecins pour s’occuper de notre santé. En juin 2006 nous avions été sommé par le Préfet des Parcelles Assainies et par le maire de Grand Yoff, Pape Mamour Guèye de quitter les lieux », renchérit-il.

Ses propos ont été confirmés par ses camarades trouvés sur les mêmes lieux, dont Souleymane Faye qui a déclaré que les autorités avaient promis de les reloger après le lotissement qui devrait être effectué sur place. Ce qui n’a pas eu lieu pour la plupart d’entre eux qui y disposaient de jardins et de maisons. « Nous sommes des citoyens comme les autres. Nous nous acquittons normalement de nos obligations et de nos devoirs civiques. Nous votons régulièrement. D’ailleurs, nous avons massivement voté pour le gouvernement durant les récentes échéances électorales. Pourquoi est-ce que les autorités ne pensent pas à nous », se demande Maurice Thiaw, Chef de quartier qui révèle à l’occasion que les champs sur lesquels ils se sont implantés leur sont prêtés par de bonnes volontés.

« Nous avons choisi de venir nous mettre là pour que les autorités et les étrangers qui rentrent et sortent de Dakar nous découvrent à leur passage. Nous sommes fatigués », s’indigne Souleymane Faye. Selon lui, des autorités proches du régime de Maître Wade les ont déguerpis pour hériter de la terre. « Déguerpis pour que je vienne habiter, ce n’est pas honnête et c’est ce qu’ils nous ont fait », ajoute Souleymane Faye la mort dans l’âme. Très en colère, il a dénoncé les péripéties des tractations qui les ont fait quitter la zone de captage.

« En moyenne, ce sont 30 personnes sur 100 d’entre nous qui ont été relogés dont notre chef de quartier d’alors, Alioune Sy. La suite, ce sont des officiers, des hauts fonctionnaires qui ont hérité de nos terres ». Les colonels Tamba et Faye, un garde du corps présumé du Président de la République, de même que Cheikhna Ndiaye de la mairie de Grand Yoff et le commerçant Mbaye Mboup sont les quelques noms qui ont été cités par les résidents de ce quartier flottant de la ville de Dakar.

Tout comme dans les fables de La Fontaine, « les agneaux se démerdaient sur ce périmètre de la cité des eaux en y pratiquant du jardinage pour survivre quand les loups survinrent pour s’en emparer ». Depuis ce jour, ils sont condamnés à errer, à rechercher le coin idoine qui sera pour eux, enfin, une vraie demeure digne de ce nom, mieux que ce township où l’obscurité, l’eau, l’éducation, la sécurité et l’hygiène font défaut.

Une vie très précaire

Dans ce nouveau quartier de Dakar, la précarité des conditions de vie renvoie à l’époque du moyen-âge. Il n’y a pas d’école, encore moins un marché, ni même des latrines où peuvent se soulager ses habitants. « Nos enfants ne vont plus à l’école. Nous n’osons pas les laisser traverser l’autoroute. Les établissements sont loin d’ici », regrette Souleymane Faye. D’ailleurs, le chef de quartier a fait état des difficultés rencontrées par les populations pour se procurer de l’eau. « C’est à Yarakh à 2 km d’ici où nos femmes vont puiser avec beaucoup de peine. Sinon ce sont les charretiers qui nous vendent des bidons d’eau de 20 litres à 150 Fcfa l’un. C’est très compliqué », avance-t-il.

Fatou Sarr, déléguée des femmes du quartier, reconnaît les faits en ces termes. « Nous n’avons pas d’eau. Il n’y a pas d’école pour l’éducation de nos enfants. Pour ce qui concerne l’eau, nous allons la chercher très loin avec beaucoup de difficultés. Nous nous rendons à Castors pour faire le marché. C’est dur », avoue-t-elle. Les jeunes garçons s’adonnent avec beaucoup de difficultés au travail journalier qui n’est pas de tous les jours. Les filles et quelques femmes quant à elles sont des ménagères qui rentrent tous les soirs, pour animer la vie du quartier qu’elles quittent chaque jour au petit matin.

« Nous avons beaucoup de difficultés en eau, déclare un jeune homme qui par ailleurs regrette de ne pas pouvoir se laver chaque jour à sa guise ». À cet instant même, une charrette chargée de bidons de vingt litres remplis d’eau passe. La vendeuse de couscous regrette elle aussi la cherté de l’eau. Selon elle, « il faut payer plusieurs bidons pour pouvoir assurer ses repas, les toilettes de la famille et la vaisselle.

Abritant plus de 1000 âmes, ce nouveau township né récemment des tergiversations de l’aménagement du territoire dispose de plus de 100 enfants qui ont abandonné l’école, victimes de la situation précaire dans laquelle vivent leurs pauvres parents. » Ces habitants de Darou Salam lancent ainsi un appel aux autorités pour les venir en aide et ne pas surtout les déguerpir une fois de plus, comme le prédisent certaines rumeurs.

Voilà l’une des faces hideuses de l’urbanisation de Dakar. Ce mouvement à deux vitesses par où les pauvres sont sacrifiés au détriment des riches et des princes et qui contraste sur le devenir social de Dakar qui ne cesse de s’élargir par des populations venues de l’intérieur du pays à la recherche du confort et du mieux-être. Que sont devenues les promesses qui leur ont été faites lors de leur déguerpissement ? En tout cas, ces populations de Darou Salam Autoroute ne semblent pas avoir oublier un iota des discours qui leur été tenues.



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