Dasha Nicoue : "n'est Pas Styliste Qui Veut"

D’origine Béninoise, Dasha Nicoué est installée au Sénégal depuis 29 ans. Arrivée à Dakar comme hôtesse de l’air d’Air Afrique, la Béninoise y a déposé ses valises en se mariant à un Sénégalais. Autodidacte, elle a, depuis toute petite, dessiné sans penser qu’un jour, elle serait styliste. Poussée par une amie, elle finit par embrasser le métier. En décembre 1987, elle eu sa première commande à Boston. Styliste de maison de Sotiba durant des années elle, Dasha lance en 2001 la collection « Africa signs ». Mais en 2003 elle se fait doubler par « un ami » et expulsée de ses locaux.

Vous venez de suivre une intervention chirurgicale, quelle a été la cause de cette opération?

En réalité, ce n’est pas une maladie, mais juste une intervention chirurgicale, car j’aurai pu avoir des soucis de santé, dont le cancer. Mais je préfère qu’on n’en parle pas, parce que «thiatt dafa gaw»

Après avoir fait le tour du monde, Dasha pose ses valises à Dakar, pourquoi le choix du Sénégal ?

A la suite de ma rencontre avec mon mari en stage de formation et avec qui j’étais à Air Afrique, j’ai décidé de me baser à Dakar. Et malgré notre séparation quelques années plus tard, j’y suis restée parce que c’est un pays que j’aime et apprécie. Je parle Wolof et je me suis adaptée. Aujourd’hui, j’ai vécu plus longtemps au Sénégal qu’au Bénin.

Quelles sont vos relations avec les autres les stylistes sénégalais ?

J’entretiens de relations bonnes de manière globale, avec elles. C’est sûr qu’on ne peut avoir que des amis, mais en ce qui me concerne, je pense que je m’entends avec tout le monde. Des stylistes m’ont invité à leur défilé, j’ai participé à deux éditions de Sira Vision, une de Symod, de Dakar Fashion Week... Mais aujourd’hui mes priorités sont ailleurs.

Quelles sont vos priorités ?

Aujourd’hui, je mets mon talent au service de l’environnement. Cela ne me laisse plus beaucoup de temps pour aller faire des défilés.

Dasha met son talent au service de l’environnement mais comment  compte t - elle allier stylisme et environnement ?

J’ai monté un évènement qui s’appelle Biotop qui a déjà eu deux éditions, en 2005 et 2007. La troisième est prévue d’ici la rentrée. C’est le stylisme au service de l’environnement, sensibilisant les autorités et les populations sur des problèmes environnementaux à travers des conférences-débats et des expositions. Et à la fin de la journée, il y a un défilé de mode qui reprend le thème choisi. L’évènement a pris quelques mois de réflexion.

A vous entendre parler on dirait que Biotop traverse des périodes difficiles et même s’essouffle, qu’est ce qui s’est passé ?

Il s’est passé beaucoup de choses, mais je ne pourrai ne pas remercier le président de la République qui m’a beaucoup aidé financièrement. Mais parfois, les subventions n’arrivent pas toujours là où elles doivent aller et cela crée des désagréments. Cela a été le cas lors des deux premières éditions.

Mais certains disent le contraire Dasha

On n’a dit que j’ai reçu de l’argent mais cela n’a pas été le cas. Je vous le répète l’argent n’est jamais arrivé. Je suis sûre que cet argent a été décaissé et qu’il se trouve quelque part. Mais je ne peux accuser personne car je ne suis pas à la présidence pour savoir ce qui se passe.

Quel est de l’avenir de biotop ?

Le projet est toujours là et, il s’est transformé en association dont je suis la présidente. On va faire maintenant Biotop sous forme de caravane à la rentrée. On ira dans les 14 régions, notamment les daaras pour sensibiliser à travers des portes ouvertes. Cette caravane se terminera par un salon du recyclage à Dakar, une soirée de gala.

Quelles sont les autres matières que vous utilisez ?

Je n’utilise pas seulement le pagne, mais aussi les matières internationales comme le lin, le lycra, la soie etc… J’ai lancé une collection que j’ai appelée «Africa Signs» en 2001 que j’ai continué à développer. Et en 2004, grâce à une expérience avec une personne qui s’active dans la sérigraphie, nous avons monté une boutique qui s’appelait Lodya. On a fait une ligne de vêtements avec de la sérigraphie et c’est là que j’ai fait mes premiers dessins ethniques dans le prêt-à-porter. J’étais employée à Air Afrique. Mais n’ayant pas suffisamment de temps et de finances, je me suis associée en 2001 avec un monsieur qui était sensé me ramener de l’argent frais. Qui au finish, m’a ramené des catastrophes. Il m’a spolié sur un local (Rue Amadou Assane Ndoye) d’une superficie de 470m². A l’époque, j’avais l’idée de faire une cafétéria. Non seulement le contrat de 3ocation gérance n’a jamais été signé, mais le monsieur m’a traînée devant les tribunaux et demandé mon expulsion. Mais j’ai tout pardonné.

Qui est cette personne qui vous a joué ce mauvais tour ?

C’était un ami sur qui je ne disais que du bien. Je ne vais pas citer son nom parce que cela n’en vaut pas la peine. Il se reconnaîtra.

Et l’histoire s’est terminée comment ?

J’ai été expulsée, j’ai quitté mes bureaux, mais je ne regrette rien car je n’étais qu’un locataire. C’est «peace and love» et je fonctionne ainsi.

Vous avez gagné des prix dont celle de créativité décernée par la chambre des représentants de l’état du Massachusetts, parlez nous de ce prix et des changements qu’il a opéré dans votre carrière.

J’ai gagné ce prix en 1995. J’avais été invitée par la Chambre de représentants de l’Etat de Massachussetts, à Boston (États-Unis) pour participer à une semaine qu’ils organisaient et au cours de laquelle j’ai fait un défilé de mode. Après ce défilé, un prix de la créativité m’a été décerné. Dans ma carrière, j’ai eu plein de petites choses qui me sont arrivées et c’est ce qui m’a poussé à persévérer car je suis une créatrice et il n’y a pas de raison que je baisse les bras malgré tous les coups tordus et les écueils que j’ai rencontrés. Aujourd’hui, j’ai la reconnaissance de la mode africaine à travers le monde et je me suis penché sur l’environnement.

Vous dites que vous n’êtes pas people, mais vous avez néanmoins eu à organiser des défilés

Absolument j’en ai organisé plein. J’ai fait ma première collection en individuel en 1996 au Méridien président, la deuxième c’était au complexe Sadya en 1998. Ensuite en 2001 c’était à Bandia. J’ai lancé ma collection prêt-à-porter en 2004 avec Lodia.  Je ne suis pas people mais je travaille dans ce monde.

Quel est le cachet de Dasha ?

J’ai été la première au Sénégal à payer un cachet de 100.000 FCFA. J’estime que 100.000 FCFA est correcte. On devrait payer jusqu’à 200.000. C’est grâce aux mannequins que nos produits se vendent. J’ai toujours payé un montant substantiel. Sinon en moyenne je paye entre 60.000FCA et 100.000 FCA.

Que pense Dasha du stylisme sénégalais ?

Vous savez malheureusement le Sénégalais à l’art de faire l’amalgame sur tout. Chacun se lève et se dit styliste et ça me fait marrer. Le stylisme c’est l’art de créer, de dessiner des vêtements et de les faire exécuter par des façonneurs ou des modélistes. Vous savez, moi je n’ai pas fait de formation et je ne suis pas sortie d’une école de stylisme, je suis autodidacte, je le précise. Néanmoins, j’ai eu un Bac D (S2) et je crois que les mathématiques m’ont donné un esprit logique qui m’a permis de former des tailleurs à la coupe. Il y a des modélistes, des stylistes, des créateurs, des couturiers.

Quelle est la différence entre ces termes ?

Le modéliste, c’est celui qui modèle le vêtement une fois qu’il est dessinée, ça veut dire ce que ça veut dire. C’est couper et donner la forme une fois que le styliste a créé. Il y a des gens qui sont stylistes et modélistes, il y a ceux qui sont purement modélistes. On parle de couturier parce que en Europe quand une personne fait de la haute couture, on l’appelle couturier. El hadj Kébé est un couturier parce qu’il n’a rien à envier à Christian Dior avec ses costumes. Binta Sall Sao est une modéliste par définition. Sadya  fait du stylisme. Mama Fa Guèye Bâ, elle est en plus d’être costumière styliste est modéliste. Si chacun se lève et se dit styliste ça décrédibilise la profession.

Dans la nouvelle lutte que vous avez mené pour la protection de l’environnement quel message, lancez  vous au peuple sénégalais ?

Je leur dis qu’il faut un investissement personnel de chacun parce que  autorités ne peuvent pas tout faire. Il faut que les citoyens soient pour un temps donné propre. Je suis sidérée quand je vois le tas de poubelles qui  jonchent  la ville. Ce n’est pas parce que le «auto mbalite», n’est pas venue qu’il faut laisser les poubelles polluer l’atmosphère. Chaque Sénégalais doit faire un effort afin d’améliorer l’environnement. J’ai été sous le choc quand je suis partie à Mbeubeuss et que j’ai  vu des montagnes de poubelles où s’échappaient, n’importe quelle sorte de déchets.

Quels sont ces partenaires ?

Je préfère ne pas en parler parce que « tchat dafa gaw », mais sachez qu’il fait du recyclage de déchets plastiques, mais avec une certaine spécificité. Il y aura des bennes consacrées aux bouteilles en verre afin de pouvoir le revendre à l’extérieur parce qu’il y a des sociétés qui en ont besoin pour fabriquer des objets. D’autres seront consacrés aux plastiques, il y aura aussi une, pour les déchets alimentaires. Cela fait partie des objectifs de biotop cette année. Je vais intégrer les associations parce que la mairie de Dakar fait sa part, c’est à nous de l’appuyer, c’est à nous de rendre notre cadre de vie belle. Je suis fière d’être dakaroise, mais je ne suis pas fière de ce que je vois dans la rue. Moi je vais pour ma part avec  biotop démarcher des partenaires pour former les associations au recyclage afin que notre ville qu’est Dakar soit bonne à vivre.