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DE LA PRESSE, DES AUDITS ET DU NOUVEAU POUVOIR

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DE LA PRESSE, DES AUDITS ET DU NOUVEAU POUVOIR

Commençons par un aveu : Limedia est dépassé par les évènements. En mettant en place l’observatoire des médias nous ne pouvions imaginer que le mal était aussi profond. La presse sénégalaise est tout simplement pourrie. Certes, Balzac nous avait averti qu’il était difficile, dans le métier de journalisme, « qu’un homme ne se fausse pas l’esprit et ne devienne pas médiocre ». 

En effet, pour Balzac, « sauf les nuances, il n’y a que deux moules (…) : le moule de l’opposition, le moule ministériel. (…). Quoi que fasse le gouvernement, le rédacteur de l’Opposition doit y trouver à redire, à blâmer, à gourmander, à conseiller. Quoi que fasse le gouvernement, le rédacteur ministériel est tenu de le défendre. L’un est une constante négation, l’autre une constante affirmation, en mettant à part la couleur qui nuance la prose de chaque parti, car il y a des tiers partis dans chaque parti. Au bout d’un certain nombre d’années, de part et d’autre, les écrivains ont des calus sur l’esprit, ils se sont fait une manière de voir, et vivent sur un certain nombre de phrases ». Et Balzac poursuivait en soulignant, « si l’homme engrené dans cette machine est, par hasard, un homme supérieur, il s’en dégage; s’il y reste, il devient médiocre ». Nous constatons avec amertume que les journalistes sénégalais donnent, tous les jours, raison à Balzac. 

Disons que la médiocrité de la presse sénégalaise dépasse, aujourd’hui, l’entendement. Comment comprendre, dans un pays comme le Sénégal, que des journalistes se permettent de rapporter tout ce qu’on leur raconte ? Le travail journalistique se résume, au Sénégal, à la collecte et à la diffusion de l’information. Disons le très nettement, il n y a plus de traitement de l’information. Comment comprendre qu’un journaliste, directeur d’une radio, se permette de demander à l’ancien Président de la République, les yeux dans les yeux, s’il n’était pas un voleur de meubles ? Et lorsque l’ancien président lui a demandé de quels meubles il parlait, le journaliste s’est contenté de dire, la presse en a parlé, avant de rectifier et dire que ce sont les nouvelles autorités qui en ont parlé. 

Ceci prouve, que le journaliste ne savait absolument rien de cette question, si ce n’était des : « ils ont dit que ». Nous voila dans une bizarrerie bien sénégalaise, on désigne des voleurs avant même de prouver le vol. Le journaliste ne cherche aucune information sur l’objet volé. Quel meuble a été volé ? quand est ce que ce meuble a été acquis ? Comment et par qui ? Dans quel livre le meuble a été enregistré et qu’est ce qui prouve qu’il a été volé ? Toutes ces questions n’intéressent pas le journaliste. Pour lui, il faut des informations sur le voleur et non sur le vol. 

Toute de même, il faut constater le vol avant de chercher à identifier les voleurs. La connivence de ce journaliste, même au sens « Bourdieucien » du terme (complicité inconsciente), avec les nouvelles autorité se passe de commentaire. Il ne leur demandera jamais : qu’est ce qui prouve que des meubles ont été volés ? Mais il ne ratera aucune occasion pour dire à l’ancienne équipe : prouvez que vous n’êtes pas des voleurs. Parlant de l’ancien régime dont tous les membres seraient des voleurs selon une certaine presse, une analyse objective du système Wade montrerait que Macky en fut la 2e personnalité. D'abord, si on prend comme critère, les responsabilités étatiques et politiques, on peut bien se demander, qui durant le règne de Wade a eu à assumer plus de responsabilités que Macky ? Si on prend la durée du compagnonnage, on peut également se demander durant les 12 ans de règne de Wade qui a le plus duré dans les différents gouvernements que Macky ?

 Si on prend enfin comme critère, l'enrichissement personnel, et non l’enrichissement illicite, Macky a publiquement dit, du moins on le constate en parcourant sa déclaration de patrimoine, que plus des 9/10 de sa richesse ont été accumulés durant les 2/10 de son existence", et il se trouve que ces 2/10 (8ans sur 51 ans, son âge) correspondent avec la période à laquelle il a été au pouvoir avec Wade. Mais apparemment, quand il s'agit d'analyser le système Wade certains médias ne veulent retenir qu'un seul critère : la proximité actuelle avec le Leader du PDS. En effet, ceux qui sont avec Wade sont dans le lot des personnes mauvaises, et ceux qui l'ont quitté sont des responsables intègres. 

Toutefois, le nouveau pouvoir a intérêt à réajuster sa stratégie de communication, et à faire de Wade, nous disons Wade et non le PDS, un partenaire plutôt qu'un adversaire. Le terrain des audits est bien trop glissant pour être surmédiatisé, encore que la constitution a clairement consacré le principe de l'irresponsabilité du Président de la République. En tout état de cause, les sénégalais avaient attendu un peu plus de 5 ans pour dire à Wade et ses amis : arrêtez de parler du régime socialiste. 

 

A ce rythme, il n y a pas de doute, qu'avant 6 mois, il y aura saturation, et les sénégalais finiront par dire aux nouvelles autorités : arrêtez de parler de Wade. Aussi, s’il y a un point sur lequel, les stratèges en communication politique s’entendent, c’est la nécessité de soustraire du débat public les thèmes sur lesquels on n’est pas à l’aise. Et manifestement, Macky ne sera pas à l’aise pour une critique généralisée du système Wade. Certes, les sénégalais oublient vite, mais ils ne sont pas amnésiques. Faudrait-il rappeler qu’en 2000, la CIS (cellule initiative et stratégie) dont le Président d’alors était un certain Macky Sall Directeur Général de la PETROSEN, avait agité l’idée de la réactivation de la « cour de répression de l’enrichissement illicite » (voir journal le SOPI du 23 décembre 2000).

 Il faudra également rappeler une donnée fondamentale dans les démocraties modernes : la capacité des élus à séduire les électeurs de leurs adversaires. En effet, si seulement les 3/10 des électeurs de Macky lui tournent le dos, ce dernier perd la majorité absolue. Les électeurs de Wade ne cautionneront certainement pas la persécution de leur leader. Ainsi, Macky risque de devenir rapidement minoritaire si 3/10 de ses électeurs ne partagent pas sa démarche.

 Cependant, nous avons la forte conviction que le nouveau pouvoir ne maîtrise pas encore ses centres émetteurs. En vérité, il y a peut être un groupe occulte qui source la presse, mais il n’y a pas une stratégie bien mûrie de délation. Personne dans le système Macky ne semble contrôler les fuites. En définitif, même si le régime de Macky décidait d’appliquer la stratégie de communication politique communément appelée « stratégie de Shéhérazade », il faudrait certainement raconter d’autres histoires que celle des audits.

 En effet, Karl Rove, ex conseiller politique de Bush, disait : « quand la politique vous condamne à mort, commencez à raconter des histoires - des histoires si fabuleuses, si captivantes, si envoûtantes que le roi ( les citoyens américains, qui, en théorie, gouvernent les USA) oubliera sa condamnation capitale ». Dans sa communication sur les audits, le nouveau pouvoir gagnerait à mettre l’accent sur : le plus jamais ça, en initiant des réformes qui rassureraient les citoyens sur sa volonté de mettre un terme au gaspillage des ressources publiques, au lieu de promettre des sanctions pénales qui ne relèvent pas de son domaine de compétence. Pourquoi ne pas nous faire rêver d’un système dont le citoyen saurait ce que lui coûte un ministre, minute par minute (son salaire, ses indemnités, ses primes, son carburant etc. ?

 Un système dans lequel le citoyen saurait minute par minute les marchés en cours, leurs coûts, leurs niveaux d’avancement, les délais de livraison, les entreprises bénéficiaires etc. ? En tout état de cause, le chroniqueur Mamadou Thiam nous semble avoir bien raison de rappeler aux nouvelles autorités que le temps de la politique n’est pas celui de la justice.Enfin, à l’occasion des 100 premiers jours du premier gouvernement de cohabitation en 1991 (ou d’union nationale, c’est selon), l’ancien directeur de Publication de Sud, Babacar Touré avait titré son éditorial, « Il est minuit », qu’il nous permette l’emprunt de cette expression, avec cet ajout : …et demain est encore si loin, mais si proche aussi           Sadikh DIOP

Administrateur de l'observatoire de l'information et des médias Limedia.org 




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