"Réaliser son rêve". Une phrase simple qui cache, cependant, une montagne de sacrifices. Salma (nom d’emprunt), étudiante brillante et pleine d’ambitions, est entrée dans l'industrie du sexe pour accomplir son rêve : devenir pédiatre. Une des meilleures de sa promotion, Salma a vu toute sa vie s'écrouler après le décès de son père, sa seule source de revenus. Contrainte de poursuivre ses études sans aide financière, elle a fait un choix qui aujourd'hui bouleverse son quotidien. Entre cauchemars, crises de panique, dépression, et le risque de tout perdre, cette jeune femme de 27 ans a décidé de conjurer les démons en partageant son histoire.
« Au début, c’était juste pour accompagner des hommes âgés, à leurs rendez-vous et autres. Mais les choses ont évolué. On passe d’une personne à une autre, et parfois certains te proposent plus d’un million juste pour une nuit. Là, soit tu acceptes le deal, soit tu es considérée comme une taupe. Cela veut dire plus de clients, plus d’argent. Dans ce milieu, il n’y a pas de place pour la dignité. C’est soit toi, soit une autre. La concurrence est rude. Tu peux gagner en une nuit ce que tu pourrais avoir en six mois de travail », raconte-t-elle avec une voix cassée et un air désemparé.
Salma peine à révéler comment elle est entrée dans le milieu de la prostitution et du proxénétisme. La jeune femme de 27 ans est bien consciente que « rien ne justifie le choix de vendre son corps ».
Pour Seneweb, elle a décidé de livrer son histoire sans filtre.
« Je suis dans ce milieu depuis ma deuxième année de spécialisation en pédiatrie. Avec la perte de mon père et les retards de paiement des bourses, j’étais perdue. Je suis la seule femme de ma famille à être allée aussi loin. Je ne pouvais risquer qu’on me donne en mariage », dit-elle avec tristesse.
Salma commence ainsi à être distraite en classe, ce qui a attiré l’attention de l’un de ses professeurs. Sans arrière-pensée, l’étudiante lui confie ses problèmes. « Il m’a dit qu’il allait s'occuper de tout et que j'avais désormais un nouveau papa maintenant », se remémore-t-elle. Une semaine plus tard, son “nouveau papa” lui informe qu’un ami, propriétaire d'une clinique, était prêt à la prendre comme stagiaire, avec une rémunération à la fin de chaque mois. « Mais je devais l’aider en retour. Il m’a dit qu’il avait des amis qui aimeraient bien me connaître. Ils organisent des soirées et je devais les accompagner. Il avait dit que cela pouvait m'ouvrir d’autres portes et je n’ai pas tardé à dire oui. C’est ainsi que je suis entrée dans ce monde », avoue-t-elle.
Logement assuré par un ministre, un gain minimum de 50 000 Fcfa par nuitée
« Nous ne nous sommes jamais vues au campus. Un ancien ministre nous a pris un appartement. Je ne sais s’il est au courant de ce qui s’y passe, mais c’est là-bas qu’on organise nos rencontres. Si un client a besoin d'un rendez-vous, une femme nous appelle avec un numéro privé pour nous donner les détails. Si plusieurs filles sont nécessaires, je coordonne avec elles et discute du prix qui est de 50.000 Fcfa minimum. Cette responsabilité me revient car je suis la plus âgée et la plus expérimentée », raconte Salma revenant sur son ‘‘business’’.
Malgré son travail de stagiaire et son salaire mensuel, Salma ne peut malheureusement pas mettre un terme à cette aventure de nuit.
« Il est vrai que j’ai un travail décent, mais il ne me permet pas de satisfaire mes besoins. Pour une spécialisation qui dure quatre à cinq ans, il faut débourser entre 500.000 et 1.500.000 Fcfa par an, sans compter les frais de logement et de transport. Ma bourse arrive souvent avec des mois de retard. Le travail du sexe est un métier dont on ne peut sortir facilement. On développe des habitudes de vie de luxe. La peur de retourner dans la précarité ou pire, d'aller en prison, est omniprésente. En continuant à travailler avec le prof et ses associés, nous nous sentons libres et pouvons aller en cours et soutenir nos familles », explique l’étudiante.
Une vie de peur et de secrets
Pour cacher la provenance de l’argent qu’elle donne à sa mère, Salma a une astuce. « Chaque fois que ma mère me demande d’où vient cet argent, je lui dis simplement que j’ai reçu ma bourse, ma rémunération à la clinique ou que j’ai fait un petit boulot. Elle ne peut pas se douter que je travaille comme prostituée pour poursuivre notre rêve commun », dit-elle.
Elle a opté pour la spécialité pédiatrie à cause d’un fait qui est gravé dans sa mémoire : son frère cadet a perdu la vie à cause d’un pédiatre qui n’était pas de garde. « Il avait une faible respiration et des allergies sur tout le corps. En attendant que le médecin vienne le consulter, son état s’est aggravé. Ils l’ont mis dans une couveuse et quelques jours après, il est décédé. C’était la période la plus douloureuse de notre vie », reconnaît-elle.
Cette dernière a vu sa mère pleurer pour la première fois. « Mon père a toujours voulu un fils et en a voulu à ma mère pour cet incident. Ils ont fini par se séparer. Depuis ce jour, j’ai décidé de devenir pédiatre pour éviter ce genre de situation à d’autres », confie-t-elle.
Pour elle, c'est un moyen de rendre hommage à son frère et de soulager la douleur de sa mère. Son travail de nuit devient ainsi un sacrifice de plus pour avancer vers son rêve.
Le cercle vicieux d’un milieu
Pourtant, la honte et le dégoût la hantent. Chaque acte, chaque nuit, la plonge un peu plus dans un abîme de désespoir.
« Je ressens du dégoût. Je me sens sale et ne cesse de vomir. Au départ, ce travail était un moyen de survie. Maintenant, c’est devenu une drogue. Je me méfie de tout le monde et n’ai quasiment plus d’amis. Je me dis qu’ils me regardent tous comme un objet sexuel. Il m’arrive de faire des cauchemars. Pire, dès qu'une personne s’approche de près, je panique et me mets à crier », dit-elle.
Néanmoins, malgré sa dépression, Salma n’a pas la force ni le courage de consulter un psychologue. Car, selon la jeune femme, cela ne pourrait l'aider à se sentir mieux. En cas de crise, elle achète des calmants. Son unique souhait est de réaliser son rêve : devenir pédiatre, et laisser cette vie derrière elle.
« Beaucoup d'autres étudiantes souhaitent quitter ce milieu, mais c’est difficile. Les recruteurs ne laissent aucune chance. Soit tu fais le travail et rapporte l’argent, soit ils te laissent dans la précarité », se désole-t-elle.
Mais Salma ne peut se permettre d’échouer étant si près du but. La jeune femme de 27 ans doit encore se sacrifier une année pour sa spécialisation avant de quitter le pays.
13 Commentaires
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En Juin, 2024 (11:20 AM)Reply_author
En Juin, 2024 (12:08 PM)Reply_author
En Juin, 2024 (13:17 PM)Reply_author
En Juin, 2024 (13:33 PM)Xorom-sukeur
En Juin, 2024 (10:29 AM)Lucifet
En Juin, 2024 (11:32 AM)J’ai beaucoup plus de respect pour la femme intègre et valeureuse fidèle à son corps même si elle n’est rien professionnellement et matériellement.
Lucifer
En Juin, 2024 (11:54 AM)Le Peuple
En Juin, 2024 (15:36 PM)Sûrement c'est un nouveau stagiaire.
M
En Juin, 2024 (17:16 PM)Mdr
En Juin, 2024 (21:42 PM)chers parent sretournons à l'islam, rien ne vaut le péché
Allys
En Juin, 2024 (11:38 AM)Participer à la Discussion