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DEFENESTRATION DU GOUVERNEMENT, MEDIAS, AVENIR POLITIQUE, ... BACAR DIA SOLDE SES COMPTES

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DEFENESTRATION DU GOUVERNEMENT, MEDIAS, AVENIR POLITIQUE, ... BACAR DIA SOLDE SES COMPTES

Limogé  le 1er  mai dernier du gouvernement, Docteur Bacar Dia n’en chôme pas pour autant. Dans son cabinet établi au quartier Scat Urbam à Dakar, il a troqué la blouse de médecin au micro. Nous sommes allés à la rencontre de l’ancien ministre de l’Information, Porte-parole du gouvernement pour l’interroger sur l’actualité brûlante de l’heure et sur les perspectives politiques qui se dessinent. Dans son bureau où une gigantesque photo de Ché Guévara côtoie des ouvrages de Karl Marx et de Me Abdoulaye Wade, l’ancien maoïste, défenseur, jusqu’à l’excès du régime de l’alternance, a accepté de répondre à nos questions. Opposition, retrouvailles Wade-Idy, Communication gouvernementale, bilan de l’alternance, Télévision Futurs Médias, les relations avec ses alliés etc., sans détours, Bacar Dia met les pieds dans le plat. 

Depuis votre limogeage du Gouvernement au mois de mai dernier, l’on ne vous voit plus, l’on ne vous entend plus. Pourquoi ce silence ?

Mon, sentiment et ma conviction, c’est qu’il n’y a pas plus noble que la mission de service public. Mon action dans le gouvernement a été une volonté d’imprimer ma marque, me battre pour mettre en œuvre un certain nombre d’options fondamentales que le Président de la République a eues à prendre. J’ai fait six ans et demi dans le gouvernement de Wade. Sous un angle, ce n’est pas beaucoup, mais je pense que six ans, c’est important. Lorsque j’ai été limogé de ce gouvernement, il me fallait prendre du recul pour voir les perspectives qui doivent s’ouvrir, d’abord au niveau individuel et après au niveau de mon parti. Vous savez, dans la vie, il faut savoir observer des moments de repli. Cela permet de mieux lire les situations. Après le gouvernement, il y a une vie surtout quand on est médecin. Après le gouvernement donc, j’ai entrepris une tournée d’explication parce que je ne voulais pas donner l’impression d’un parti qui agit par chantage, par réseau ou par lobby. D’ailleurs beaucoup de militants ont voulu exprimer leur mécontentement comme c’était une mauvaise chose de sortir d’un gouvernement, mais je leur ai demandé de se taire.

Revenons sur les conditions de votre départ. Vous avez rendu votre véhicule de fonction au premier jour et vous vous êtes ensuite replié au Fuuta. Pour dire que vous avez presque claqué la porte, derrière vous...

Non, je n’ai pas claqué la porte. C’était une voiture de fonction. La fonction étant terminée, je ne vois pas la nécessité de garder la voiture. Pour moi, il fallait la rendre. Imaginez que je fasse un choc avec. On ne sait jamais. Pour moi, par mesure de prudence et pour l’avenir, il fallait rendre cette voiture. Je vais vous faire une confidence, j’ai compris très tôt que le processus était déclenché, pas par le Président Wade, mais par beaucoup d’hommes bien avant mon limogeage. Je ne suis pas un homme de lobby, je travaille avec détermination et conviction et le Président Wade le sait. Car je crois en sa philosophie et en sa démarche. Le jour où, me réveillant un matin, j’ai lu dans la presse que la fonction du porte-parole du gouvernement devait revenir au Pds, alors que c’est moi qui exerçais cette fonction, j’ai immédiatement compris qu’un processus était déclenché. Je me rappelle que l’article était signé par un grand responsable politique qui était à Tivaouane ; le député-maire de cette ville. Après lecture, nous l’avions évalué au sein de notre parti, parce que c’était une vision très sectaire et une démarche pas galante envers un allié un Président Wade, qui s’est battu pour le triomphe de son idéal. Mes camarades ont voulu riposter mais je leur ai fait comprendre que j’ai une autre idée de la loyauté et je que comptais mener jusqu’au bout ma part de loyauté dans le combat que nous menions. Depuis lors, si vous interrogez certains camarades de mon parti, ils vous diront que je leur ai dit de se préparer. L’histoire me donna raison. Je me rappelle que c’est le Premier Hadjibou Soumaré qui m’avait appelé un matin dans son bureau pour le dire : «Bacar, tu es trop fatigué, tu défends trop le Président et, le Président veut que tu te reposes.» J’ai compris parce que je suis un homme politique. Il m’a dit que la fonction de porte-parole, on va la remettre à Aminata Lô Dieng. Par principe, je lui ai dit que je remercie infiniment le Président parce que je sais ce que c’est avoir un parti et de prendre cette fonction et ce ministère pour le confier un autre qui n’est pas de son parti. Une semaine après, c’est le plus beau jour de ma vie car j’ai compris. C’était en plein Conseil des ministres, vers la fin, le Président reprend la parole et dit : «c’est vous là qui m’avez demandé de prendre la fonction de porte-parole de Bacar Dia (il les a regardés et cités). Je l’ai prise pour des raisons politiques, il faut le dire, mais ce qu’il fait, il le fait mieux que vous. Je lui remets la fonction de porte-parole». Wallahi ! C’est ce jour là que j’ai compris cela allait exacerber un certain nombre de contradictions. Le Président est un homme de cœur qui dit ce qu’il pense, mais comment les autres vont prendre cela. C’est une question que je me suis posée. Depuis ce jour, j’ai compris que j’allais partir. J’ai ensuite été attaqué à maintes reprises par des gens du Pds.

On peut croire que vous voulez revenir dans le gouvernement en tenant ses propos si élogieux à l’endroit du Président Wade…

Non, du tout. Je suis toujours dans la mouvance. Il y en a qui, quand ils sortent du gouvernement, attaquent. Pour moi, sortir du gouvernement ne veut pas dire sortir de la mouvance présidentielle. Le Président Wade est quelqu’un de très généreux et sincère. Je le crois quand je le dis.

Sincèrement

Très sincèrement, je vous l’assure…

Aujourd’hui, avec le recul, quelle lecture faites-vous de certaines attaques que vous aviez eu à porter contre des leaders de l’opposition comme Ousmane Tanor Dieng, Amath Dansokho etc. Ne regrettez-vous pas cet engagement alors jugé excessif, aujourd’hui que vous n’êtes plus du gouvernement ?

Avec le recul, si je devais vivre la même expérience par deux fois, je ferais la même chose. Pour deux raisons. D’une part, lorsqu’on entoure un chef politique, on doit le faire parce qu’on y croit. Et lorsqu’on a une conviction en politique, il ne peut y avoir de calculs. Je ne fais pas de calculs parce que pour moi, le calcul politique est un signe de malhonnêteté. L’histoire a voulu que je sois, pendant quatre ans, le porte-parole du gouvernement. Or, on ne peut pas porter la parole d’un gouvernement et attaquer ce même gouvernement. J’avais l’impression que je devais jouer ce rôle d’essuie-glace pour donner plus de lisibilité au chef du gouvernement et au président de la République. Vous savez, je crois que la meilleure manière de se défendre, c’est d’attaquer. Mais, ce que je disais était fondé. Je défendais le Président par des principes. Ce que je disais à Tanor est vrai car il a une part de responsabilité dans ce qui est arrivé au Sénégal. On parle des licences de pêche. On dit qu’ils ont été vendus et l’argent versé dans un compte. On ne peut pas faire comme si cela n’avait jamais existé. Car, le passage à l’opposition ne donne pas une virginité politique. Ce n’est pas personnel, c’est à cause d’une posture politique.

Justement, vous en avez tellement fait que l’opinion avait l’impression que vous en faisiez un peu trop. Disons que vous étiez excessif dans vos attaques.

Je vais vous dire. Je pense qu’il faut éviter un piège, celui de dire que les gens qui sont devenus ministres doivent être civilisés. Qu’ils doivent faire la communication étatique et ne pas attaquer. Nous sommes là pour des raisons politiques et grâce à la politique. Le jour où nous renoncerons à faire de la politique parce que nous sommes devenus ministre pour jouer à l’équilibrisme, on sera dégagé parce que les gens continueront à faire de la politique.  

Ah oui ? Vous ne devez pas donc apprécier la méthode de votre successeur qui semble plus policé que vous…

Ah non ! Je crois qu’il se bat. Il a pris des positions et il prend des coups. Un jour, je lui ai dit : «Monsieur le ministre le plus fatigué.» Dans la posture où il se trouve, il faut savoir prendre des coups. Qu’est-ce que je n’ai pas entendu, moi ? Ils sont partis jusqu’à me nommer «Bacar Wade Dia». Vous croyez que c’est agréable. Parce que l’adversaire a voulu me stigmatiser pour créer des complexes et des réflexes d’auto-défense. On peut  être d’accord avec moi et on peut ne pas être avec moi, mais on ne peut pas nier que quand je crois en quelque chose, j’y vais à fond.

Il y a un processus enclenché et qui semble arrivé à terme, ce sont les retrouvailles entre Wade et Idy. Comment voyez-vous ces manœuvres, vous qui êtes un allié de Wade ?

Les alliés ont joué un grand rôle en 2007. Un parti n’est jamais petit et c’est l’erreur que certains militants du Pds font en disant que ce sont de petits partis. Du côté où l’on se trouve, on peut avoir une capacité de nuisance extraordinaire. C’est dangereux pour le Pds, comme pour le futur candidat de la Coalition, de sous-estimer la force que peut lui apporter ses alliés. Je salue donc ces retrouvailles et je crois que cela va consolider le Président. Quand on fait des analyses à partir de rumeurs, on fait des erreurs. J’ai fait mes analyses à partir des déclarations faites à Thiès. Je salue la grandeur d’Idrissa Seck. Ce que j’ai entendu dans la presse, c’est plutôt une autocritique. Il a compris que sa place n’était pas de s’opposer au Président et ce dernier lui a ouvert ses bras. En 2000, Niasse avait dit le Ps doit 1000 milliards de dettes, aujourd’hui, il est derrière Tanor dans Benno.

Ah bon, c’est Tanor le chef de l’opposition ?

Bien sûr. C’est le chef car Niasse est un transhumant. Il faut redéfinir ce concept. Quand on sort du pouvoir pour aller dans l’opposition, on est transhumant. C’est ce que Niasse a fait. Il a trouvé Tanor dans l’opposition. En plus, du point de vue des suffrages, Tanor est le plus puissant.  

Mais dites-nous, comment voyez-vous 2012 avec la candidature annoncée de Wade que d’aucuns ne comprennent pas à cause de son âge très avancé?

C’est refuser le décret divin que fixer des limites à des hommes et de penser qu’on est plus apte que l’autre. On enterre toujours des hommes plus jeunes que nous. Et c’est le médecin qui vous parle. Ma position sur la candidature de Wade est personnelle. Il peut relever le défi, j’en suis convaincu.

Malgré le traumatisme des dernières élections locales ?

Oui ! Vous avez raison de parler de traumatisme des locales. Il y a un signal fort qui a été donné. Il faut l’intégrer. La parole du peuple, c’est la parole de Dieu. Lorsqu’un peuple parle, il a toujours raison. Les hommes politiques qui hésitent à décrypter ce message seront balayés par le vent de l’histoire. Qu’ils s’agissent de nous ou des autres. Il faut lire les signaux. Le président Wade, c’est un couteau à double tranchant, a mis en place un système numérisé. Il n’y a plus de possibilité de faire voter des morts comme le faisait Tanor, de faire voter des doublons, je le taquine, c’est mon ami. C’est ce fichier mauvais qui a fait gagner Benno des localités. Benno doit faire son autocritique pour comprendre que si ce fichier n’était pas bon, il n’allait pas gagner. Pour moi, il y a plusieurs niveaux de lecture pour gagner. Le premier niveau, c’est que des hommes qui sont dans un même camp, qui se battent pour un idéal autour d’un homme, ne doivent pas être des ennemis à mort. Il arrive de voir des hommes appartenant au même camp, se détestent plus qu’ils ne détestent les gens de l’opposition. Je pense qu’il faut qu’on en vienne, nous tous de la mouvance présidentielle, à un code de conduite. Il faut interdire que les gens s’attaquent par voie de presse, qu’ils se tirent dessus. Et leur rappeler que le véritable adversaire est l’opposition et non les alliés du Pds. Quand j’ai vu dans la presse, Ousmane Masseck Ndiaye, dire que si on n’a pas construit le stade de Saint-Louis, c’est parce que Bacar Dia et Youssoupha Ndiaye ont négligé la ville, c’est qu’il se trompe de cible. Moi, je suis son allié. A Saint-Louis, son adversaire c’est Cheikh Bamba Dièye. La politique ne doit pas être une affaire de machiavélisme, une affaire d’intérêts froids. Il faut humaniser les rapports. Quand quelqu’un est en haut, il faut le tirer pour qu’il tombe même si c’est un allié. Ça, c’est une erreur fondamentale au niveau du Pds.

Le deuxième élément à prendre en compte, c’est la demande sociale. Et là, il y a trois priorités pour le moment, à prendre en compte. C’est la banlieue, l’électricité et les denrées de première nécessité. C’est vrai que nous sommes dans un contexte mondial difficile. Il y a eu un choc pétrolier que nous avons expliqué. Mais, quelle perception les populations ont de cela ? Au niveau de la banlieue il y en a qui vivent sous les eaux. Maintenant qu’il y a une accalmie, que l’hivernage est derrière nous, décrétons la banlieue priorité nationale. Il y a eu le plan Jaxaay, il faut l’évaluer et dégager des perspectives. Mon rêve est de voir des milliers de logements sociaux germer comme des champignons comme ça se fait dans certains pays. C’est une priorité. Si on ne prend pas en compte cette question avec des résultats tangibles qui créent un espoir, ça va nous poser des problèmes. L’autre priorité, c’est l’électricité. Cela a été le seul moment où les populations instrumentalisées ou pas sont sorties pour manifester. On ne peut pas, en veille d’élections, en période électorale, aller chercher du gaz, faire des délestages. Des efforts sont en train d’être faits. Il faut sécuriser cela.

La troisième priorité, c’est les denrées de première nécessité. Je suis d’accord avec le président de la République, il faut baisser les prix. On ne peut dire qu’on a perdu seulement à cause des divergences. Il faut qu’on se serre davantage les coudes. Je suis sûr que si la banlieue voit des centaines de milliers de logements sociaux sortir de terre, on entretiendrait ainsi l’espoir. Et cette banlieue ne tombera pas dans l’escarcelle des autres. La banlieue refuse de vivre Soweto en face de Jo’burg. C’est le fait du Ps. Qui a laissé les populations s’installer dans des cuvettes. Cette banlieue ne peut plus accepter ce discours. Elle veut des résultats aujourd’hui et tout de suite. Je pense que se battre pour sortir des pères de famille de l’eau c’est une noble cause. 

2012, c’est encore lointain, ne craignez-vous pas une dégradation de la situation d’ici là ?

C’est vrai, 2012, c’est loin. Deux ans en politique c’est long. Ma conviction c’est que la politique est comme un ring de boxe. Sur ce ring, des adversaires se tapent dessus. Il faut avoir la garde haute, il faut savoir esquiver et encaisser. Mais aussi quand le moment est venu, il faut le saisir. Et sur ce plan, je pense que Dansokho est le stratège de Benno. Il a des méthodes de gauche très connues. Il ne rate aucune occasion pour le marteler. Agir sur l’opinion et changer sa perception des choses. Le bilan de Wade est globalement largement positif. Le nombre d’écoles construites, les universités qui voient le jour dans les régions, la révolution dans le domaine des infrastructures, la Case des tout-petits. Moi je suis né à Sokone, je n’ai pas eu la chance d’aller dans un jardin d’enfants, contrairement aux fils des grands fonctionnaires. La case des tout-petits, c’est la démocratisation de l’éducation au niveau de la petite enfance. Aujourd’hui, grâce à l’ordinateur, le fils du paysan a les mêmes chances que le fils du milliardaire et du riche. C’est l’effacement des disparités sociales. Le plan Jaxaay, c’est peu 3000 logements mais c’est mieux que rien. Ce bilan est noyé par ce qu’on appelle dans notre jargon l’exacerbation de ce qui semble être des points qui peuvent noircir la perception dans l’opinion. Il faut un répondant. C’est pourquoi j’ai dit que c’est un ring de boxe. Il faut savoir défendre son bilan, même au forceps.

Parlant de bilan, vous trouvez normal que le président positionne son fils Karim Wade, en mettant à sa disposition des fonds publics, avec l’Anoci et ensuite, avec son ministère ?

Je n’ai pas vu le budget. Je l’ai lu dans la presse. Quand on a un système politique précis, net et clair où les citoyens ont la possibilité de sanctionner négativement et positivement, chacun use de sa stratégie en tenant compte de la volonté du peuple. C’est ça qui est important. Je ne fais pas de jugement de valeur. Karim Wade est un ministre de la République. Il a accepté cette charge en toute connaissance de cause. Comme nous tous, il va recevoir des coups. Il faut qu’il l’accepte, mais en retour, il faut qu’il en donne.

Sans avoir fait le bilan de l’Anoci, il change de station pour devenir ministre, avouez que c’est quand même choquant.

Karim n’était pas seul à l’Anoci. Il y avait des centaines de personnes autour de lui. C’est à eux aussi d’engager sa bataille. Lorsqu’on dit des choses, lorsqu’on sort des livres et qu’il n’y a pas de répondant et qu’on compte sur le temps pour que les choses se tassent, cela veut dire qu’il y a un problème. Ce n’est pas bon. Si tout le monde se tait, ça ne marche pas. Vous dites que Benno prend des muscles, Mais c’est plutôt la démocratie qui est en train de gagner en maturité. Aujourd’hui, opposition ou pouvoir, ce sont les mêmes facettes d’une même médaille. L’important aujourd’hui, c’est qu’il y a des gens qui sont allés marcher sans que personne ne soit arrêté ou jeter en prison. Il n’y a pas eu non plus de lacrymogène. Alors qu’avant, après les marches, Wade était toujours pris et jeté en prison. Il faut au moins qu’on le reconnaisse. L’important, c’est qu’on a la possibilité de marcher librement. Ce qui n’est pas le cas ailleurs comme en Guinée par exemple. La démocratie, c’est un bien, c’est un trésor. Il faut qu’on cherche tous à le protéger. La seule chose qui me gêne c’est que dans un système démocratique qu’on puisse marcher pour demander le départ du président et qu’on demande en même temps un dialogue politique.

Comment selon vous, les choses devraient donc se passer ?

Le départ d’un président, c’est l’aboutissement d’un processus électoral dans un système démocratique. Il faut qu’on évite un tel langage. L’opposition oublie sa mission. Elle n’est pas une opposition totale. Elle gère des collectivités locales. Elle a un bilan à faire prévaloir. Elle peut être attaquée sur les collectivités. 

En faisant le bilan de Wade, quelles sont les actions que vous appréciez positivement et négativement ?

Je vais d’abord vous dire, l’une des rares personnes qui me manifestent de l’affection après mon départ, c’est le Président Wade, pour le reste, c’est le vide absolu… Mais cela ne me gêne pas. Et je peux dire que je suis à l’aise pour parler de son bilan... Du point de vue des institutions, il y a quelque chose d’extraordinaire que le Président avait lancé que je pense qu’il faut le réanimer, ce sont les attachés parlementaires. Le Président les avait réunis en réseau pour préparer la venue des ministres à l’Assemblée. C’est très important, parce que cela permet de préparer le travail des ministres et cela donne de la visibilité aux actions du gouvernement. Puisque vous me posez la question du bilan, en tant que porte-parole du gouvernement, il y a eu beaucoup d’actions importantes que j’ai eu à pointer plus haut dans cet entretien. Ce n’est pas que je sois un wadiste que je dis, mais parce que je crois beaucoup au Président. Aujourd’hui, on parle trop de liberté d’expression et de libéralisation de l’audiovisuel. Le moment le plus important de mon passage au ministère de l’Information a été ce processus de libéralisation de l’audiovisuel. Je crois que c’est la plus grande révolution, après la carte d’identité numérisée.

Et comment ?

Pourquoi je le dis. Quand le Président Wade venait au pouvoir en 2000, il n’y avait qu’une seule télévision, c’est la Télévision nationale. Lorsque des hommes en 40 ans, n’ont pas eu le courage et l’audace de libéraliser l’audiovisuel, je crois qu’ils n’ont plus droit à la parole. En 2003, quand je venais au ministère de l’Information, on était encore à une seule chaîne. Vous vous imaginez ! Après j’ai trouvé beaucoup de dossiers. J’ai hésité. C’est toujours risqué, ces choses-là. Mais à chaque fois que j’ai parlé avec le Président, j’ai senti un homme qui avait une obsession pour les libertés et la libéralisation de l’audiovisuel. Et il m’a dit : « Bacar, je suis un démocrate. Un des premiers journaux indépendants, c’est moi qui l’ai créé au Sénégal. Il faut foncer ». C’est dans ce contexte que Canal Info a été créé. Et les gens disaient que Bacar est en train de créer une télé favorable au régime… Il y a eu le processus de création de 2STV. Après cela, il y a eu Dunya. Ensuite il y a eu Wal Fadjiri. Reconnaissez vous-mêmes qu’il y a des problèmes dans la création de Wal Fadjiri. Mais le président a dit : « vas-y ». Dans toutes les procédures d’implantation des chaînes de télévision comme la 2STV, Dounya, Canal Info et Wal Fadjri, le Président ne m’a pas gêné. Bien au contraire, il a encouragé la multiplication des chaînes de télévisions. Aujourd’hui l’opposition qui crie et qui avait refusé ces chaînes, a assisté à tout ce processus. Et cela fait parti des moments les plus exaltants de mon passage dans le gouvernement. L’histoire, dans 10 à 15 ans, montrera que les vrais ennemis de la démocratie, ce sont ces gens-là.

Ne vous empressez pas de tirer un bilan positif car, la machine s’est visiblement grippée avec la Télévision du groupe de presse Futurs Médias, alors que vous étiez encore en service au ministère de la Communication…

Je vais vous dire puisque vous m’interpellez sur cette question. Jamais le Président Wade ne m’a bloqué dans un quelconque projet. Le président Wade que je connais n’est pas un homme à bloquer de tels processus. Youssou Ndour sait qu’à la limite, s’il y avait des retards, c’était lié à moi. Le président avait donné les garanties. Il y avait aussi un processus au niveau de l’Artp. Mais c’était réglé au niveau du chef de l’Etat. Me Wade a toujours dit « donnez ! ». Ce que j’avais à faire, je l’ai fait. Youssou Ndour avait donné les documents pour ouvrir sa télé. Je pense aussi  qu’il s’est beaucoup battu pour son matériel. Il a eu à acquérir beaucoup de matériels. Cela fait partie des choses que je regrette que de ne pas voir la télévision de Futurs Médias, émettre. Mais je demeure convaincu que le président ne peut pas être un facteur de blocage. Le premier interlocuteur de Youssou Ndour dans cette affaire, c’est le porte-parole du gouvernement, ministre de l’Information (Ndlr, Moustapha Guirassy). Il doit lui dire exactement ce qui se passe. 

Des sources bien autorisées disent pourtant que les blocages sont du fait de Me Wade intuiti personae. 

Le président a donné cinq autorisations. Pour moi, il ne peut être question de recul. Ce sont des convictions chez lui. Je crois que le ministre de l’Information m’entend. Personnellement le président ne m’a jamais dit « bloque un tel », « donne à un tel ». Et je crois que pour les garanties de professionnalisme, les journalistes de L’Observateur ou de la Rfm que je connais, ne sont pas de nature à être instrumentalisés. Je ne vois pas pourquoi cela devrait être le cas avec la Tfm. Pour moi, il faut travailler dans le sens de la pacification aussi bien politique qu’avec la presse. Aujourd’hui le dossier est bloqué, vous me dites que c’est moi qui ai bloqué. Les gens se disent que c’est le président qui a bloqué. Et personne ne se lève pour dire que ce n’est pas le Président. Le gens doivent assumer. Il faudrait une pacification totale. Cela ne sert pas à grand-chose de créer des conflits dans le contexte actuel.  

Nous insistons, on soupçonne aujourd’hui le Président de vouloir faire machine arrière dans la libéralisation de l’audiovisuel, à cause entre autres d’enjeux inavoués, même si vous vous évertuez à le dédouaner.

J’insiste aussi. Ce n’est pas le genre du Président. Et pour ce qui est de la libéralisation, le coup est déjà parti. Je crois que la libéralisation de l’audiovisuel et la carte d’identité numérisée sont des convictions très fortes chez le Président. Le ministre de l’Information m’entend…



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