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« DIBI HAOUSSA » OU « BANT YA » DE SANDAGA - De l’art de bouffer assis, les pieds dans la… saleté

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« DIBI HAOUSSA » OU « BANT YA » DE SANDAGA - De l’art de bouffer assis, les pieds dans la… saleté
C’est connu, le marché Sandaga, est réputé pour ses belles fringues, ses bijoux de classe et pour tous ses bibelots hétéroclites. Mais ce que beaucoup de Dakarois ignorent encore, c’est qu’il ya un « petit coin » se trouvant en face du centre commercial Sicap-Plateau. Une gargote, style dibiterie, qui sert de « délicieux » plats de viande boucanée au «kankan». Un endroit appelé tout simplement « Dibi bant ya ». Parce que la viande découpée en petits morceaux panes est enfilée dans des tiges de brindilles qui font office de brochettes. Une sorte de restaurant bon marché qui attire de plus en plus des Sénégalais issus de tous les milieux. Et pourtant, cet endroit est un scandale en matière de salubrité. Reportage au cœur d’un lieu ou les clients se gavent, assis sur des bancs de fortune, les pieds dans la… saleté.

Il est 7 heures 30 mn à Sandaga. Les véhicules particuliers, cars rapides, taxis clandos et autres bus commencent à déverser les premiers travailleurs du centre-ville. Le Plateau, quartier des affaires, commence à grouiller de monde. Seulement, pour la plupart, la première destination n’est point le bureau, l’atelier ou le magasin. Mais plutôt une célèbre dibiterie tenue par des Haoussas nigériens. On y entre par une impasse tortueuse. D’ailleurs, à première vue, rien n’indique que c’est un endroit destiné à la vente de viande grillée. A l’approche des lieux, une odeur particulière vous titille les narines. Dès l'aube, les tenanciers de cette dibiterie sont à pied d'œuvre. À sept heures, la viande est sur le feu. À huit heures pimpantes, les premiers clients rappliquent.

Un véritable capharnaüm

A 10h, c'est la ruée. On dirait que le tout Dakar vient consommer de la viande. Cet endroit est le lieu de rendez-vous par excellence des fonctionnaires, des autorités, des commerçants, des ouvriers, des cadres. Ils le fréquentent pour déguster ces fameuses brochettes de viande enrobée au «kankan», une épice d’origine haoussa. Un endroit insalubre. Pourtant, les clients, Sénégalais pour l’essentiel, s’y plaisent. Partout jonchent des saletés. L’endroit, noirci par la fumée émanant à la foi du charbon et de la viande, est sale et graisseux. Plus d’une dizaine d’étals sont disposés à divers endroits. Certains vendent de la viande grillée enfilée dans des brochettes faites en brindilles de balai. D’autres du café au lait. Plus loin, dans un coin, deux hommes s’activent à couper la viande en petits morceaux. Avec dextérité, ils hachent un gros morceau de chair. Rien à envier à une machine ou une Moulinex.

Dibiterie en meme temps salon de … coiffure ?

Un véritable travail à la chaîne. Le vendeur de pain n’est pas loin. Le café est très vite chauffé. Le client est servi en moins de 15 minutes. Une brochette de viande, environ trois petits morceaux, coûte 50 Fcfa. En même temps, non loin de là, un autre Haoussa s’adonne à la… coiffure. Des tas de cheveux, entremêlés d’épluchures d’oignons et de pomme de terre, jonchent le sol. Sans gêne, il rase son monde et rit à gorge déployée. Parfois, avec l’effet du vent, quelques mèches de cheveux voltigent et vont se déposer sur la viande. Mais si cette dibiterie ne désemplit pas, ce n’est pas que les affaires marchent pour Kalidou, un vendeur. «La flambée des prix a joué négativement sur mes revenus». Dans un bambara à fort accent Dogon, Kalidou commente : «Toutes les denrées ont subi une augmentation de prix. Pourtant, mes tarifs n’ont pas beaucoup changé. C’est dire que je gagne moins qu’avant. Je dois accepter cette situation car je n’ai pas tellement le choix».

Au début était la journée continue

L'instauration de la journée continue a fait la fortune de cette célèbre dibiterie « bant ya ». Ne vous hasardez pas dans les bureaux en fin de matinée. Vous n'y trouverez que des plantons qui vous demanderont, sur un ton désinvolte, si vous vous moquez du monde. Car c’est l'heure de la pause. D'ailleurs, pour huit fonctionnaires sur dix, la journée s'arrête là. L'heure légale de la clôture, 13 h 30, les trouvera encore installés derrière les planches de bois et sous le toit en tôle ondulée de leur gargote favorite. Le capitaine grille à feu doux, garni d'oignons et de piment moulu. Mais, les meilleurs morceaux sont ceux du matin. Mieux, certains administrés, pour favoriser le traitement de leur dossier, n'hésitent pas à inviter le fonctionnaire chargé de son dossier à le rejoindre à la dibiterie. Délicate attention qui lui garantit une brusque accélération de la procédure. Les grillades y sont très prisées. Mais la nourriture n'est pas l'essentiel dans le succès de ces gargotes. Car on y trouve aussi des débits de boisson.

Agora populaire et «cimetière de salaires»

Dans un petit coin, juste à l’entrée, gît un grand congélateur. Toutes sortes de rafraîchissements y sont vendues. De la boisson gazeuse au jus de fruit. Cette dibiterie a un côté passionnant. On s'y ennuie rarement. «Tout le monde se rencontre ici pour prendre son petit-déjeuner. Des cadres, des commerçants et l’on discute de tout et de rien», dit Moussa, un jeune commerçant. Même si, pour la plupart d'entre eux, les prix se font à la tête du client. Qui s'y affirme, pour sa part, par le nombre de brochettes. Mais, ces endroits sont perçus par les épouses comme de véritables «cimetières de salaires». Vendeuse de son état, Salimata trouve que les hommes qui y viennent casser une croute pouvaient bien donner cet argent à leurs épouses. «Ils dépensent de l’argent avec cette viande grillée tous les jours. Imagine, combien ils auront dépensé pendant le mois. Ils peuvent bien l’ajouter à la dépense quotidienne», s’insurge-t-elle. Pour Modou, fonctionnaire de son état, cet endroit est agréable pour ceux qui rêvent d'évasion, de temps à autre, avec des amis, des parents ou des collègues. «On a l'impression, en savourant un morceau de viande, de s'éloigner du train-train quotidien», dit-il, avec un large sourire.

Service d’hygiène aux abonnés absents

C'est bien joli de discuter de la mise à niveau dans les luxueux salons d'hôtels de Dakar-ville. Alors qu’à quelques mètres, des gargotes détiennent la palme en matière de crasse et d'insalubrité alimentaire. Autrement dit, leurs employés peuvent être porteurs et/ou transmetteurs de maladies de toutes sortes. Visiblement, les tenanciers de ce restaurant sont aux antipodes des notions les plus élémentaires en matière de salubrité. Pourtant, cet endroit fétide se trouve à un jet de pierre du service d’hygiène. Un vieil, et d’ailleurs faux, adage sénégalais selon lequel “tout ce qui ne tue pas engraisse”, est révélateur des préjugés et fausses idées ayant conduit à cet état de fait. Résultat, on mange n’importe quoi et n’importe où. Le plus gros problème reste aussi l'insuffisance ou carrément l’absence de contrôles. Les nombreuses infractions relevées ne sont sanctionnées que par de rares avertissements et autres vaines amendes.

Agir avant qu’il ne soit trop tard

Un responsable de la commune estime qu'une infection microbienne chez un manipulateur d'aliments, c'est 20 consommateurs contaminés. «Et un consommateur contaminé, c'est tout son entourage familial et professionnel qui risque l'infection. Le danger réside dans cet effet multiplicateur». Le contrôle d'hygiène des lieux de restauration n'est pas systématique, faute de moyens. Pour preuve, sur des milliers d'établissements destinés à la restauration, seuls quelques-uns sont inspectés à Dakar. Certes, le poids économique de la restauration, populaire notamment, est tel que la fermeture de ces gargotes en infraction mènerait à une grande faillite. Mais toujours est-il qu’il faudrait, tout de même, se pencher sérieusement sur le problème.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2015 (21:58 PM)
     :sunugaal:  :sunugaal:  :sunugaal:  :sunugaal: 

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