Ce n’est plus un secret pour personne que les diplômés en droit ont de réelles difficultés pour mettre un pied dans le secteur productif. Et voilà des années que cela dure. L’Etat qui est le premier bailleur de la formation et le principal employeur des sortants de la prestigieuse faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) regarde perdurer cette situation sans rien tenter pour l’endiguer. Pourtant, rien que pour ces trois dernières années, ce sont près de mille titulaires de la maîtrise en sciences juridiques qui ont été formés. Mais, ils sont allés grossir les rangs déjà on ne peut plus longs des diplômés chômeurs. On estime que seulement près de 10 % des quatre cents titulaires de maîtrise qui sortent chaque année de la faculté de Droit, sont insérés dans le marché du travail qui est loin d’être saturé.
Il se trouve simplement que tous les créneaux porteurs d’emplois auxquels ceux qui ont fait les études de droit et de sciences politiques étaient destinés sont bouchés. A titre illustratif, les examens menant vers les professions libérales comme celles des notaires, des avocats, des huissiers, des experts juridiques, des maîtres priseurs, etc., n’ont pas été organisés depuis bientôt trois ans pour les uns et plus de cinq ans pour les autres. Pour ce qui est des concours de la fonction publique, là aussi, c’est le même constat qui a été fait par le Regroupement des étudiants du troisième cycle (Retc). Par exemple, le concours des commissaires de police n’a pas été organisé depuis cinq ans au moment où la délinquance gagne du terrain et les effectifs des forces de l’ordre se réduisent comme peau de chagrin. De même, le concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration (Ena) n’est pas organisé depuis trois ans. Or actuellement l’Ena est sans pensionnaires, la dernière promotion étant sortie depuis quatre mois et aucun concours n’est inscrit à l’horizon. Au niveau des fonctions étatiques, l’éclairci est venu du Centre de formation judiciaire (Cfj) qui a récemment recruté cinquante élèves magistrats.
Face à cette situation, le Regroupement des étudiants du troisième cycle (Retc) de la faculté des Sciences juridiques et politiques est monté au créneau pour fustiger vertement ‘le silence’ de la majorité comme de l’opposition sur la ‘lancinante question de l’insertion des jeunes diplômés alors que c’est l’avenir du Sénégal qui est en jeu’. De l’avis de Cheikh Abdou Wahab Ndiaye, président du Retc, les sortants de la faculté de Droit sont des ‘oubliés’. Selon lui, tout se passe comme s’il y avait un complot politique pour ‘sacrifier l’avenir de jeunes bien formés, fruit d’une sélection rigoureuse et qui ne demandent qu’à servir leur pays’. Pour le président du Regroupement des étudiants en troisième cycle, l’argument selon lequel ils ne sont pas adaptés pour l’emploi, ne tient pas la route. Pour lui, c’est même une ‘insulte’ aux brillants professeurs qui les ont formés. ‘Il s’agit simplement de déclarations de quelques directeurs d’écoles privées de formation pour attirer des élèves. Or ce sont nous-mêmes qui enseignons dans ces écoles privées’, démontre-t-il.
A en croire Cheikh Wahab Ndiaye et ses camarades issus des dernières promotions des maîtrisards de la faculté des Sciences juridiques et qui ont été fêtés comme cela se doit, le fond du problème c’est qu’il n’y a pas une volonté politique du gouvernement à résoudre ce problème d’insertion des jeunes diplômés auquel beaucoup de pays sont parvenus à bout par des solutions simples. Et le Regroupement des étudiants en troisième cycle (Retc) n’en manque. Entre autres solutions pour renverser la tendance dramatique du chômage, les jeunes maîtrisards en droit suggèrent, pour faciliter leur insertion dans le public comme dans le privé, le recrutement sur la base de critères de compétences d’assistants parlementaires pour les députés et les sénateurs. Ces assistants parlementaires seront chargés de les aider à comprendre les textes de loi soumis à leur vote, par exemple. De même, le Retc propose le recrutement de juristes au niveau des collectivités pour servir de conseillers sur les questions de décentralisation, de déconcentration, des rapports entre le pouvoir central et les collectivités locales entre autres.
En outre, les maîtres en sciences juridiques demandent la mise en place d’un partenariat entre le public et le privé, dans le but de favoriser ce qu’ils appellent ‘le contrat premier embauche’. Il s’agit, selon eux, de mettre en place un système de subvention en faveur des entreprises qui acceptent de prendre des jeunes diplômés qu’elles vont aider à acquérir une expérience professionnelle. Last but not least, les maîtrisards en droit sont pour l’organisation régulière des concours de la fonction publique et un recrutement en nombre pour doter l’administration de ressources humaines en quantité et en qualité.
ACCES AUX PROFESSIONS D’AVOCAT, D’HUISSIER, DE NOTAIRE… : Les jeunes juristes exigent la levée des verrous
‘Le barreau cherche à se fermer…’ C’est ainsi que Me Doudou Ndoye avait tiré la sonnette d’alarme au cours de l’émission Pencoo sur Walf Tv. Une conviction largement partagée par le Regroupement des étudiants en troisième cycle (Retc). Pour ces jeunes titulaires de la maîtrise en droit et qui, pour passer le temps, sont inscrits en doctorat, il n’y a pas que le barreau qui a fermé son accès des quatre fers. C’est également le cas des autres professions dites ‘libérales’ comme celles des huissiers de justice, des notaires, des commissaires-priseurs, des experts, des conseillers juridiques, pour ne citer que ceux-là. ‘Dans ces différentes professions libérales, seuls le talent et le génie doivent faire la promotion du praticien. Par conséquent, il ne serait pas très cohérent que leur accès soit verrouillé, surtout aux jeunes diplômés d’autant plus qu’ils doivent assurer la relève’, estiment les membres du Retc. Mais constatent-ils pour le déplorer, ‘ce sont des professions qui, de plus en plus, s’entourent d’un formalisme contraignant pour limiter au maximum leur accès’.
Aux yeux des maîtrisards en droit, le barreau qui était la seule profession libérale qui acceptait timidement dans ses rangs de jeunes diplômés, est ‘aujourd’hui contaminé par le virus du cloisonnement’. Avec notamment l’adoption en 2009 de la loi modifiant la loi n° 84-09 du 04 janvier 1984 relative à l’Ordre des avocats. Pour Cheikh Wahab Ndiaye et ses camarades, ‘cette loi est l’illustration parfaite qui marque la fin du caractère libéral et la consécration du centralisme jacobin dans la profession d’avocat’. Dans ses grandes lignes, cette loi fixe l’organisation du concours de stage du barreau institué depuis 1984 seulement tous les trois ans désormais. Une loi d’ailleurs que les maîtrisards en droit demandent au chef de l’Etat de ne pas promulguer. Car, pour eux, il n’y a pas suffisamment d’avocats au Sénégal. En plus, il est inadmissible d’obtenir sa maîtrise en droit et de rester trois ans avant de passer le concours de stage du barreau.
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