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DOSSIER : TAXI BY NIGHT - Emmène-moi, je t'emmène au septième ciel

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DOSSIER : TAXI BY NIGHT - Emmène-moi, je t'emmène au septième ciel

LES GRIFFES DE LA NUIT : Taxi, prostitution, cabarets, boîtes de nuit et hôtels

Dans les griffes de la nuit, Dakar devient un univers parallèle. Le monde nocturne avec ses règles, ses codes, ses principes et sa loi. Certains taximen qui font la ronde des noctambules participent au deal souterrain où, la loi de la jungle, la drogue, la prostitution, le proxénétisme et l’argent ont droit de cité. De boîtes de nuit en hôtels, des quartiers somptueux aux villas opulentes, les taxis font la ronde de nuit et jouent le relais. « Dakar by night » se transforme en un monde de fée. Seuls les plus osés s’en sortent.

La nuit, les cabarets, les dancings, les boîtes, la prostitution, les homosexuels et les clients interlopes prennent la rue, la chaussée, le trottoir et le pouvoir. Pour pouvoir circuler librement, il faut avoir un body guard roulant. Un ange gardien jaune et noir, un « taximen » qui te conduit et qui te protège « comme la prunelle de ses yeux ». La nuit quand tous les chats sont gris, il est difficile de distinguer le chat sauvage, le chat de salon et le chat de gouttière. Mais même s’il y a trop de risques, les chauffeurs de taxi n’y trouvent que du bonheur. Parce qu’ils sont doublement payés par certaines noctambules qui préfèrent circuler entre chiens et loups. Mais aussi ils gagnent de consistants pourboires avec cette clientèle particulière. « Conduire la nuit est une activité très dangereuse», avoue Moustapha Sarr. Pour ce vieux taximan, la nuit renferme trop de dangers et depuis qu’il a commencé à conduire, il ne pense qu’à sa survie. « Mon taxi ne circule pas n’importe où et je ne prends pas n’importe quel client ». Ce que va appuyer Ndama Samb. D’après ce jeune conducteur, les taximen qui conduisent la nuit sont toujours confrontés à des problèmes de sécurité. Ils ont souvent affaire à des bandits ou à des clients qui n’hésitent pas à user de la violence dans certaines circonstances. Il n’y a pas très longtemps le jeune taximan avoue avoir eu maille à partir avec des clients ivoiriens qui, d’après lui, avaient refusé de payer la course. Et pour Moustapha Sarr, le danger est si présent que le délit de faciès est légalisé. «Il m’arrive d’avoir un client qui n’inspire pas confiance et pour me débarrasser de lui, je lui fixe un prix tellement cher qu’il renonce ». Mais le vieux reconnaît qu’il gagne plus les week-end. D’habitude, certaines personnes attendent sagement le samedi soir pour sortir. Et d’après lui, la nuit, il rencontre toutes sortes d’individus, mais il s’est fixé des principes. « Je ne conduis ni les prostitués, ni les homosexuels et je ne circule pas dans les endroits dangereux». Pour lui, «être chauffeur pendant la nuit, revient à être un gorille pour ta cliente parce que « tu la protège, partout où elle va, si elle descend tu es obligé de l’attendre jusqu'à ce qu ‘elle soit à l’intérieur». Dakar by night

Ndam Samb est chez les chauffeurs l’homme de la nuit. Il explique que depuis qu’il exerce ce métier, il en a vu des vertes et des pas mûres se faire cueillir ou pourrir dans la jungle impitoyable de «Dakar by Night». Il a sur son agenda des tas de filles qui, chaque soir, l’appellent pour qu’il les dépose à leur lieu de rencontre habituel. «Même si elles n’ont pas de sou, j’attends la fin de la semaine pour être payé». Selon lui, le charme de ses virées nocturnes, c’est le look ultra sexy et grisant des jeunes filles. Se rincer les yeux gratuitement, en caressant machinalement un volant glissant comme une cuisse de jeunes filles, c’est le pied. La fumée des cigarettes, il n’en parle même pas parce qu’à Dakar les filles fument comme un feu de bois. Il s’est habitué à la consommation élevée de nicotine. À ses yeux, la nuit Dakar met un autre bonnet. Et de 21 heures jusqu’au petit matin, les boîtes de nuit, les bars, les hôtels et les prostituées prennent leur pied. «À Dakar, la nuit, certaines filles croient que Dieu n’existe pas. C’est honteux de les voir s‘adonner à certaines pratiques». Se désole-t-il « Elles s’habillent n’importe comment et font n’importe quoi. Des fois, un couple commence les préliminaires dans la voiture. Ce qui est formellement interdit. Mais comme le dit l’adage, le client est roi». Notre taximan reconnaît cependant que c’est très gênant de les voir passer à l’acte, mais ils n’y peuvent rien parce qu’avant même de riposter, le client va t’envoyer promener par une formule d’impolitesse : «Cela ne te concerne pas. L’essentiel, c’est de recevoir ton argent».

Ndama reconnaît cependant que le travail de nuit en vaut la chandelle. Les week-end, il gagne plus. Moussa Ndiaye va au fond des choses. Selon lui, l’ambiance du «Dakar by night» n’existe qu’au Sénégal. Pas ailleurs. Car, la nuit, des vampires et des chauve-souris, des gens allergiques au soleil, font de retentissantes apparitions. «Beaucoup d’homosexuels ne circulent que la nuit et dans des tenues typiquement féminines. Et pourtant dans leur quartier, ils passent pour des personnes respectables, des notables». Moussa raconte aussi un jeu de jeunes filles vieux comme le monde. «Des filles de bonne famille quittent chaque soir le domicile familial, s’habillent comme si elles allaient à des cérémonies religieuses, mettent dans des sachets leurs habits et se changent une fois dans son taxi .Tous les jours c’est comme ça, elles s’habillent et se maquillent dans mon taxi, laissent leurs affaires avec moi. Et au retour, elles me donnent plus.» Complice ? « Non », répond Moussa, «je ne fais que mon travail. J’ai la conscience tranquille. Elles sont majeures et vaccinées. Moi, ce qui m’importe c’est de descendre avec beaucoup d’argent ». La nuit est une chimère dirait le poète. Et Mamy, une jeune fille de 25 ans, croisée à un carrefour de Dakar de nous parler du culte, «la nuit, on s’y prépare comme dans un rite. J’ai mon chauffeur particulier, la nuit, il ne travaille que pour moi. Je le paye à la fin du mois et il n’a pas à se plaindre». Pour la jeune fille, travailler la nuit est plus facile d’autant plus qu’elle ne dispose pas de temps libre la journée. Et son taximan la connaît mieux que personne, ils sont ensemble depuis d’un an. Elle pense que son travail de serveuse dans un restaurant de la place est un boulot comme un autre. Au contraire « c’est plus rentable et j’aime la nuit. Je ne suis moi-même que quand le soleil devient orange et va s’abîmer en mer», conclut Mamy

NDAMA SAMB, CHAUFFEUR DE TAXI : « Le métier de taximan est très dangereux de jour comme de nuit »

Il est jeune et très ambitieux. Ndama ne veut pas brûler les étapes de la vie. Il veut gagner sa vie avec dignité, alors il se lance dans le métier de chauffeur. Et pour être plus précis, c’est un « siru-man », c’est-à-dire que chaque soir le jeune homme prend le taxi de son frère pour convoyer les travailleurs de la nuit et les clients des boîtes de nuit. Un métier qu’il juge très dangereux.

Né vers les années 80, Ndama Samb est un jeune célibataire fringant. Teint noir, taille élancée et un peu robuste, il a choisi de conduire un taxi et de le conduire la nuit. Ici, on ne parle pas de capital-risque car le risque est devenu le capital. «La nuit, renferme trop de dangers», laisse-t-il tomber. Très conscient des difficultés de la vie, il ne veut pas rester les bras croisés. « Je préfère circuler la nuit, plutôt que de dormir ». Pour l’instant, le jeune Ndama Samb se contente de ce que la vie lui apporte. Parti de la campagne ravagée par la disette et les privations en tout genre, il a débarqué à Dakar dans l’espoir de trouver du boulot et de l’argent à envoyer à ses parents. Il a dû donc faire la dure période d’apprentissage avant de décrocher son permis. On était à la fin des années 90 et à 20 ans, tous les espoirs étaient permis. Et comme, il voyait grand, il a d’abord conduit des poids lourds. Avant de s’installer au volant d’un taxi. Il venait de décrocher son permis de transport en commun. 2000, le nouveau siècle, l’alternance, de nouvelles perspectives et de l’euphorie. Ce sera le taxi. Ce sera la nuit. Depuis cette période, il exerce le métier sans pour autant avoir sa propre voiture. Chaque soir, il sillonne les rues de Dakar avec le taxi de son frère. En quelque sorte, il est « siru-man ». Une appellation-quolibet qui ne gène pas le jeune Ndama. Bien au contraire, car après tout, il ne cherche qu’à gagner sa vie honnêtement. Il se souvient de ses premiers coups de volant comme un professeur de sa première leçon. « Un véritable parcours du combattant qui demande des sacrifices, du sérieux et de la rigueur ». Aujourd’hui que la réalité froide et impitoyable le rattrape, le jeune Ndama jette un regard plein de fatalité sur sa vie professionnelle et les dangers qui l’entourent. « Il n’y a pas assez de sécurité. C’est très dangereux de jour comme de nuit de devoir prendre le volant sans pour autant connaître la personne qui se trouve derrière C’est une vraie catastrophe de rouler la nuit ». Chaque jour, il en voit de toutes les couleurs. Des choses qu’il qualifie d’inexplicables. Parfois dit-il, il arrive que certains clients entrent et arrivés à destination, ils s’enfuient avec ton argent. Comme quoi, dans la nuit, le client peut devenir un voleur ou un agresseur. Et dans la pénombre, un petit sourire peut masquer la balafre du délinquant recherché.

ALLÔ TAXI : «Emmène-moi, je te paye le triple »

C’est bien de gagner sa vie dangereusement, mais il n’est pas dit qu’on doit la miser tous les jours comme au casino ou jouer à la roulette russe. Les personnes qui sortent la nuit, entre chiens et loups, dans ce Dakar des « Wu Tang Clan », des bandes d’agresseurs et du commerce autorisé de la chair devraient détenir leurs propres moyens de transport. À défaut, se prémunir. Ces noctambules badins, sexy et avides de sensations, sillonnent les rues de Dakar dans l’ignorance des dangers qui les épient. À commencer par les chauffeurs de taxi. Car comme dit Youssou Ndour, si en pleine nuit, Dieu allumait la lumière du jour, le brouhaha serait indescriptible. Les taximen sont témoins tous les jours de scènes que toutes les morales et toutes les religions réprouvent. Alors, pour gagner leur vie, certains conducteurs investissent dans le noir, les clients éméchés, le poivrot qui fait sa cuite et les péripatéticiennes qui vont et viennent, viennent et vont, selon la formule de Laurent Fabius. Ils racontent tous avec une certaine délectation, ce qui se déroule sur le banquette arrière de leur voiture. Après tout, ils se disent que l’argent qu’ils amassent en une seule nuit n’a pas l’odeur de la bière ou de l’eau de…javel. Mais, ils doivent quand même se prémunir. La rubrique fait-divers des journaux est pleine de ces histoires macabres de taximen tombés dans le guet-apens de quelques clients véreux. La nuit dit Charles Baudelaire, «les voleurs qui n’ont ni trêve, ni merci, vont commencer leur travail eux aussi, ils vont forcer les portes et les caisses, pour vivre quelques jours et vêtir leur maîtresse.»

KHADIDIATOU DIOP ET AMINATA THIANE SYLLA



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