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DR SAFIETOU THIAM, MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PREVENTION MEDICALE : « Nous allons évaluer la réforme hospitalière »

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DR SAFIETOU THIAM, MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PREVENTION MEDICALE : « Nous allons évaluer la réforme hospitalière »

Les structures sanitaires, notamment les Etablissements publics sanitaires (Eps) ne répondent plus aux besoins des malades encore moins à ceux de leurs personnels. Pour cause, elles traînent de lourdes ardoises financières dues à l’insuffisance des subventions qui leur sont allouées annuellement, à la charge salariale et à l’inefficacité du personnel soignant…Autant de défis à relever par le nouveau ministre de la Santé et de la prévention médicale, le Dr Safiétou Thiam, qui s’est confiée à Sud Quotidien pour décliner sa feuille de route visant à remettre sur les rails un secteur qualifié de stratégique. Pour elle, la solution aux problèmes du système passera nécessairement par l’évaluation de la réforme hospitalière. 

Comment se présente le secteur de la santé au moment où vous êtes portée à la tête du département ?

C’est une question qui n’est pas facile. Mais je peux dire que c’est un secteur qui est très important. Un secteur qui avait quelques problèmes de divers types quand j’ai été nommée ministre. Le premier problème était lié à l’expansion du choléra. Donc, il fallait très vite une stratégie pour stopper l’épidémie et renverser la tendance et le cours de l’épidémie. Ce que nous avons finalement pu réussir en trois mois. C’était un problème urgent qu’il fallait régler. C’est fait. Aujourd’hui, il n’y a plus de choléra au Sénégal. Je disais à mes collaborateurs au départ que c’est une question qui n’est pas importante mais qui est fortement médiatisée au point de mobiliser largement nos services et nos moyens. C’est parce que nous avions une idée en tête, si on ne la réglait pas, jamais on ne pourrait s’attaquer à nos priorités. Maintenant que cette épidémie est classée, nous pouvons réfléchir sur les autres priorités que le chef de l’Etat nous a fixées.

Quelles sont ces priorités ?

Notre action au niveau du secteur de la santé s’inscrit dans la politique générale du gouvernement. Cette politique est décrite dans un document qui s’appelle « document de réduction de la pauvreté ». Dans ce document, il y a des missions qui nous sont assignées. C’est tout ce qui est relatif à la santé maternelle, infantile et néonatale. Tout ce qui touche l’accouchement, la néonatologie etc… Il y a aussi tout ce qui concerne les grandes maladies comme le paludisme qui est la maladie la plus prévalente au Sénégal et qui tue le plus de personnes. Le Vih Sida est une maladie du développement. Une maladie dont même si le Sénégal est un pays en faible prévalence, nous ne devons pas laisser les choses en l’état. Si nous baissons la garde, elle peut atteindre des proportions non maîtrisables. Car nous savons que le Vih pose de vrais problèmes de développement et des problèmes sociaux très graves. Il y a également la tuberculose. Nous savons qu’il y a une recrudescence liée à l’infection du Vih. Ce sont entre autres nos principales priorités. Le Chef de l’Etat nous a instruit de miser sur la prévention des maladies. Donc c’est une stratégie de prévention que nous devons effectivement accélérer en sensibilisant les populations pour les changements de comportements, pour la recherche de soins. L’autre priorité fixée par le président, c’est que de temps en temps les médecins puissent se départir de leur rôle thérapeutique et enseigner aux populations les stratégies pour se protéger des maladies. Ce traduit autrement par la stratégie de médecins sans blouses. A côté, il reste le problème des maladies dont la prise en charge est onéreuse : diabète, hypertension, cancers. Ce sont des maladies dont leur traitement coûte cher aussi bien pour les patients que pour l’Etat. Aujourd’hui, il n’y a plus de choléra au Sénégal. C’est dire que nous devons mettre en place des programmes pour réussir à subventionner ces maladies chroniques et améliorer ainsi leur prise-en-charge de leur traitement.

N’avez-vous pas le sentiment qu’il y a d’autres passages obligés pour solutionner tous les problèmes que vous venez d’énumérer ?

Outre la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) liés au secteur, je voudrais rendre fonctionnels et accueillants nos établissements publics de santé. Je souhaite également répondre aux besoins des populations, régler tous les problèmes liés aux urgences médicales pour qu’on n’entende plus parler de malade qui n’a pas été reçu dans telle ou telle structure de santé. Je ne veux plus entendre parler de malade mort dans une ambulance ou dans un taxi. Ce sont en fait d’autres défis majeurs et personnels que je voudrais bien réaliser dans ce secteur. Maintenant pour régler tout cela, il faudrait que ces personnes qui offrent ces services soient dans de bonnes conditions. Il faut que les personnels de santé soient mieux équipés pour offrir les services de qualité que les populations attendent d’eux.

Ne partagez-vous pas le sentiment que les problèmes que vous venez d’énumérer justifient les fréquents mouvements d’humeurs des personnels du secteur ?

Nous ne considérons pas les actions du plan d’action des partenaires sociaux comme des signaux de crise. Je pense que nous nous comprenons parfaitement bien. Ce qui se passe, c’est que l’Etat a signé avec les partenaires sociaux des accords depuis 2006. Ces accords tournent autour de 11 points. Je peux dire que l’ensemble de ces priorités a déjà un début de mise en œuvre. Certaines d’entre elles ont déjà été réalisées. Il existe un comité de suivi de la mise en œuvre de ces accords sous la direction du ministère de la Santé et de la prévention qui suit régulièrement leur exécution. Il faut préciser qu’avec les partenaires sociaux, nous n’avons pas souvent les mêmes repères pour apprécier. Par exemple, si les problèmes sont de A à Z et on arrive à T, on dit que les problèmes sont en train d’être solutionnés. Mais pour les partenaires sociaux, il faut arriver à Z pour reconnaître qu’on est en train d’apporter des solutions à leurs problèmes. Donc, nous sommes en phase et ces points ne sont plus les points de revendications parce que l’Etat a déjà signé un document en s’engageant à solutionner ces problèmes. Nous sommes dans la mise en œuvre des solutions mais pour certains de ces problèmes, leur mise en œuvre demande tout un processus. Il faut que nos partenaires sociaux nous comprennent et que la réalisation des points des revendications prenne le temps nécessaire. Si on veut des solutions durables, il faudra les faire de la meilleure façon et laisser les choses prendre le temps nécessaire.

Sur un autre registre, qu’allez-vous faire pour la bonne application de la réforme hospitalière ?

Il est prématuré pour moi de faire le bilan de la réforme hospitalière. Nous avons juste fait des constats que les objectifs qui ont été fixés dans la réforme ne sont toujours pas atteints. Au bout de 10 ans de mise en œuvre, nous pensons qu’il faut objectivement s’arrêter et évaluer cette réforme pour savoir réellement où on va. Le constat que nous faisons et nous sommes désolés de le dire, c’est que les hôpitaux ne répondent ni aux besoins des populations, ni aux besoins des autorités, ni même aux besoins des travailleurs. Cela veut dire qu’il y a un problème quelque part. Maintenant avec l’évaluation de la réforme que nous avons initiée avec toutes les parties prenantes, les consommateurs, les utilisateurs pourquoi pas les journalistes qui seront invités à ces échanges. Nous avions demandé aussi à des partenaires extérieurs telle la Banque mondiale, la coopération française de nous envoyer des experts pour qu’on ait un œil extérieur et pour qu’on sache ce qui se fait à l’extérieur dans les hôpitaux. Ce n’est pas pour créer des problèmes mais juste pour réorienter notre politique des hôpitaux et voir comment améliorer l’offre de services dans les hôpitaux et la qualité des soins qui sont donnés dans nos structures sanitaires.

Partagez-vous l’opinion de ceux qui soutiennent que la réforme a été très mal mise en œuvre et n’a pas été adaptée aux réalités Sénégalaises ?

Les résultats de l’évaluation nous le diront. Ce que nous pouvons dire est que, cela fait partie des objectifs fixés ; les hôpitaux devraient être de plus en plus autonomes avec l’offre de services de qualité afin de répondre aux besoins des populations. Nous attendons l’évaluation pour répondre à cette question.

Les difficultés actuelles des structures sanitaires sont-elles liées à des problèmes de gestion ou à l’insuffisance des ressources face à la demande de plus en plus croissante ?

C’est un problème lié à plusieurs facteurs. C’est vrai qu’il y a quelques problèmes de gestion dont la pléthore de personnel dans les hôpitaux, un personnel qui n’est pas qualifié. Vous savez que le Sénégal n’a pas atteint le ratio de médecins par rapport à sa population. Nous n’avons pas assez de spécialistes, ni de médecins et d’infirmiers d’Etat. Dans les hôpitaux il y a plein de personnels qui mettent des blouses et qui ne sont pas qualifiés. Ce qui veut dire que dans certains hôpitaux, il y a plus de personnels non qualifiés que qualifiés. Ce personnel non qualifié ne va pas participer aux soins mais va grever le budget. C’est dire que même si les hôpitaux gagnent en recettes, ils les reversent aux personnels sous forme de salaires. Un des hôpitaux de la place a une masse salariale supérieure à ses recettes . Donc cet hôpital ne peut ni acheter des médicaments, ni investir pour améliorer ses services. L’autre problème est lié au financement du système de santé. Certaines de nos populations sont pauvres et ne peuvent pas se prendre en charge. Ce qui fait qu’il y a beaucoup d’indigents dans les hôpitaux. C’est pourquoi les assurances privées ne viennent pas dans les structures sanitaires qui n’offrent pas un cadre idéal aux personnes qui peuvent souscrire à des assurances privées. Voilà en gros pourquoi les hôpitaux ne peuvent pas fonctionner normalement.

Quel est le niveau de responsabilité des uns ou des autres ; l’Etat ou les professionnels de santé ?

Je ne pense qu’on puisse parler de responsabilité. Moi je pense que la réforme telle qu’elle était pensée était une bonne politique qui avait des objectifs pour régler des choses. C’est au niveau de la mise en œuvre qu’on a recensé le plus de problèmes. J’assure que nous n’évaluons pas au point de pouvoir situer les responsabilités. Aujourd’hui ce que nous faisons, c’est tout juste réorienter et redresser les choses pour que ça marche.

Ce qu’on ne dit pas souvent, c’est que plusieurs structures sanitaires accusent l’Etat d’avoir bloqué leur fonctionnement à cause de nombreuses factures impayées. L’Etat ne constitue-t-il pas le grand problème des hôpitaux ?

Je ne suis pas au courant des factures impayées. L’Etat octroie des subventions aux hôpitaux et prend en charge le personnel sanitaire. On a tendance à oublier ce que fait l’Etat, qui donne les locaux, le personnel et octroie des subventions. Par exemple, un hôpital comme Le Dantec a plus de 1 milliard 500 millions de F.Cfa de subvention qu’il reçoit de l’Etat. En plus, l’Etat a demandé à ces structures hospitalières d’élaborer des projets d’établissements. C’est-à-dire, faire un programme pour qu’en trois ans, chaque hôpital soit développé sur tous les plans. Et que chaque hôpital qui valide son projet d’établissement soit éligible dans le budget d’investissement de l’Etat. Donc, l’Etat fait énormèment de choses pour la promotion d’une offre de santé publique de qualité.

Quid des 20 milliards d’arriérés dus aux hôpitaux ? Qu’allez-vous faire pour leur règlement ?

Ce sont les établissements publics de santé du Sénégal qui ont une dette. Parce que la subvention ne leur suffit pas pour régler tous leurs problèmes de fonctionnement. Avec leurs recettes, ils payent leurs indemnités, les salaires. Alors que pour fonctionner, il faut des médicaments, payer l’eau, l’électricité et les produits consommables. Sans compter, ils doivent payer l’Ipres, les fournisseurs. Ils ne peuvent pas faire tout cela ; ce qui fait qu’ils ont des dettes à la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna) et à l’égard de leurs fournisseurs. C’est cela qui constitue la dette des hôpitaux dont on parle. Maintenant, pour solutionner ce problème, ils demandent à l’Etat de les soulager en prenant en compte ces dettes.

Quel est le message que vous lancez aux populations qui ont réellement besoin de soins de qualité à bas prix ?

D’être patient, de nous accorder leur confiance. Nous avons la volonté de régler les problèmes de santé des populations. Cela a été et reste notre credo parce qu’étant un produit du personnel de santé et sensible aux problèmes de santé des populations. C’est mon premier message. L’autre message, c’est de demander aux populations d’utiliser les services de la pyramide sanitaire en faisant confiance au système de santé locale.

EXERGUES :

« Les hôpitaux ne répondent ni aux besoins des populations ni aux besoins des personnels soignants . »

« Nous avons demandé à la Banque mondiale et la coopération française de nous envoyer des experts, un œil extérieur devant nous permettre de savoir ce qui fait à l’extérieur des hôpitaux. »

« Je ne voudrais plus entendre parler de malade qui n’a pas été reçu dans tel hôpital ou un autre qui est mort dans une ambulance ou dans un taxi. ».

« Ce sont les établissements publics de santé qui courent derrière des arriérés et non des hôpitaux. »



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