DR Véronica Gomez volontaire Suisse « Je suis choquée par la votation des minarets dans mon pays»

Rencontrée lors de la journée internationale des volontaires, Véronica Gomez une Suissesse âgée de 26 ans qui séjourne présentement chez nous, plus précisément dans la région de kaolack, s’est confiée à votre serviteur sur la votation des minarets dans son pays. Mme Gomez se dit choquée pour un pays qui  proclame sa laïcité. Cette sociologue soutient que cette votation est une violation flagrante des droits humains et prend le Sénégal en exemple comme modèle de laïcité accompli que la Suisse doit copier pour le bien de ses populations.

Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ?

Je m’appelle Véronica, j’ai 26 ans, suis suissesse et réalise actuellement une recherche doctorale au Sénégal. Anthropologue de formation, je cherche à comprendre de quelle manière fonctionnent les services publics dans le pays. Je me suis établie, il y a deux semaines de cela dans la ville de Kaolack. J’ai déjà travaillé en Afrique sub-saharienne, au Mozambique, il y a deux ans, et c’est maintenant ma première expérience au Sénégal. Je suis ici pour six mois. 

Comment trouvez-vous le pays ?

Je suis très heureuse d’être ici en ce moment, je dois dire qu’en quelque sorte, je réalise en vœu de longue date, avoir l’occasion de m’établir dans un pays jusqu’alors inconnu et d’être amenée à tisser des liens avec les gens pendant de longs mois. J’arrive également à la dernière étape de longues études et je suis très heureuse de pouvoir le faire au Sénégal, un pays pour lequel j’ai eu un coup de foudre dès mon arrivée. Mes parents sont d’origine uruguayenne, mais à cause de la dictature qui a sévi dans ce pays jusqu’au début des années 1980, je suis née en suisse. Cette double identité, uruguayenne et suisse, m’a poussée à la curiosité depuis mon enfance. La diaspora uruguayenne est désormais présente dans de nombreux pays et, dès mon plus jeune âge, j’ai suivi mes parents dans leurs nombreux voyages, pour voir de la famille, des amis. Par la suite, j’ai gardé ce penchant et, dès mes 18 ans, j’ai voyagé seule, en Amérique Latine puis en Afrique. 

Votre pays a organisé  une votation sur la construction des minarets sur son territoire. Quelle appréciation faites-vous de la question ? 

Je pense qu’il faut préciser quelque chose dès le début sur cette votation. La plupart des Suisses ne font pas attention aux minarets, il n’en existe d’ailleurs que très peu sur le territoire. Ceux-ci ne diffusent d’ailleurs aucun appel. A la différence d’ici, un minaret de mosquée en Suisse n’est qu’une forme purement architecturale. Il n’a aucune fonction directe dans l’appel à la prière. La plupart de mes concitoyens ne remarqueraient sans doute pas un minaret s’ils venaient à passer devant, puisqu’ils sont complètement silencieux. L’enjeu de la votation n’était donc pas d’interdire une forme architecturale dont la plupart des suisses se fichent si j’ose dire (en généralisant à l’extrême), mais de faire passer un message clair aux musulmans de Suisse, qu’ils soient des concitoyens ou non : vous n’êtes pas chez vous ! Cette votation bafoue dans ce sens également les droits de l’homme puisqu’elle peut être interprétée comme une atteinte à la liberté religieuse de chacun. J’ai ainsi été soulagée d’apprendre que dans mon pays actuellement des associations comme ACOR SOS Racisme (je te forward l’appel à manifester) et des membres de la société civile se mobilisent pour porter cette affaire devant la Cour européenne des Droits de l’Homme et faire abolir cet article immonde et honteux.

D’un point de vue personnel, les votations qui ont eu lieu en Suisse dernièrement m’ont choqué profondément (j’ai voté par correspondance contre ce référendum juste avant ma venue au Sénégal) pour deux raisons.

Premièrement, comme je l’ai dit, je suis issue de l’immigration de par la trajectoire de mes parents. La Suisse a été pour eux une terre d’accueil en 1976. Si les politiques d’alors n’avaient pas octroyé de statut de réfugié à mes parents, je ne serais sans doute pas ici aujourd’hui. Si je n’idéalise pas non plus les politiques d’alors, je n’ai cependant pu constater que des dégradations dans les politiques d’accueil de la Suisse ces dernières années. La votation sur les minarets n’implique pas directement les politiques d’immigration, mais elle résulte cependant, à mon avis, du même groupe de gens : une extrême droite xénophobe qui est malheureusement bien installée dans notre pays. En tant que personne issue de l’immigration, en tant que femme et en tant que simple citoyenne, je ne peux que m’opposer à cette vision de mon pays. Ce qui est malheureux aujourd’hui, ce que nombre de nos concitoyens suivent les idées de cette droite immonde. Je ne suis pas ici pour disserter sur les raisons précises de ce vote, elles sont multiples et complexes, mais je me sens profondément peinée par un tel manque d’ouverture et une telle démonstration d’ignorance. Les affiches qui appelaient à l’interdiction amalgamaient terrorisme, islamisme et la population musulmane de Suisse. Une telle simplification avait de quoi faire rire qui dispose d’un peu d’esprit pour penser. Malheureusement aujourd’hui, nous les Suisses, pouvons rire jaune.

La deuxième raison qui fait que ces votations m’ont choqué est que je me trouve aujourd’hui à vivre dans un pays laïc mais dont la population est majoritairement musulmane. Je ne parle pas ici pour jeter des fleurs, mais je dois le dire : de tous mes voyages, jamais je n’ai bénéficié d’un tel accueil. Partout où je suis allée, les gens se sont montrés accueillants et bienveillants. Je me suis toujours sentie respectée, en tant qu’individu, en tant qu’étrangère et en tant que femme. Les votations suisses ont d’ailleurs eu lieu pendant le week-end de la Tabaski. Alors, j’aimerais dire aux Suisses qui ont voté oui, qu’ils sont des ignorants, et cela sans méchanceté. Car je pense et espère que l’ouverture d’esprit et la tolérance est possible pour tout un chacun. Et je les invite à venir ici, à connaître des Sénégalais, à voir comment ils nous traitent, pour peut-être les traiter de manière plus respectueuse, eux ainsi que les autres musulmans qui sont en Suisse, qu’ils soient des concitoyens ou des étrangers.

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