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Eaux usées épurées : Un potentiel peu exploité pour le maraîchage

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Eaux usées épurées : Un potentiel peu exploité pour le maraîchage

L’odeur rebutante de l’eau empêche le visiteur de contempler ce beau spectacle des deux vis d’Archimède qui tournent et entraînent des mouvements ondulatoires de l’eau qui s’écrase sur les dents des vis telles des vagues qui harcèlent des blocs de roche sur le rivage.

C’est à ce niveau que toutes les particules solides, les peaux de moutons, les morceaux de bois... sont recalés. « C’est dans ce poste de dégrillage que sont retenus des objets, des ordures lourdes », fait savoir El Hadji Lô, chef d’exploitation de l’usine.

Derrière, se trouve le poste de dessablage avec son pont et ses dégraisseurs qui font des allers-retours en isolant, en même temps, la graisse et le sable. En bas de ces installations, des ouvriers entassent des sachets en plastique et autres objets extraits du circuit de traitement. Après, les eaux poursuivent le chemin et font un break d’une durée d’un temps « T » dans les deux décanteurs de forme cylindrique. L’agitation reprend dans le bassin d’aération des 6 aérateurs et deux agitateurs. C’est l’étape du traitement biologique. Le traitement tertiaire se fait dans des bassins dont la base est couverte de gravier et de sable. A partir de ce niveau, on remarque une nette différence de la couleur et l’odeur de l’eau de la station de relèvement et celle des bassins de traitement tertiaire comme d’ailleurs le témoignent les échantillons gardés par le chimiste Idrissa Diallo dans un frigo du laboratoire. Parce que dans leur cheminement, ce liquide a aussi fait détour au clarificateur. L’eau obtenue au bout de la chaîne de traitement est épurée et répond aux normes recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (Oms) pour l’arrosage des plantes, des cultures maraîchères comme il en existe plusieurs périmètres aux alentours de la station.

Mais, par mesure de sécurité et par souci de préserver la santé des éventuels utilisateurs, l’Onas (Office national de l’assainissement du Sénégal) met du chlore dans ces eaux épurées. « L’eau obtenue au bout de la chaîne de traitement répond aux recommandations de l’Oms. Mais, pour prévenir d’éventuels accidents, nous y mettons du chlore. Même si l’utilisateur oublie et boit l’eau chlorée, cela n’aura pas d’effets néfastes sur sa santé », laisse entendre le chef du laboratoire chimiste, Ibrahima Mbor Dione.

La réutilisation des eaux usées n’est pas une déclaration d’intention à la station d’épuration. Charité bien ordonnée commence bien dans cette station. Au milieu de ce tapis de gazon, plusieurs robinets font des mouvements giratoires et charrient sur plusieurs dizaines de mètres de l’eau épurée. « Nos espaces verts sont arrosés par l’eau épurée », affirme le chef de l’usine El hadj Lô. Au total, ce sont 2000 mètres cubes d’eau traitée qui sont réutilisés pour l’arrosage des espaces verts dans le Golf, dans la construction de l’autoroute à péage. Un important volume est rejeté dans la mer. Rien qu’au mois de mars, c’est seulement 11259 mètres cubes qui sont utilisées sur les 64180 mètres cubes d’eau traitées.

Pas d’utilisation à grande échelle

La réutilisation des eaux usées ne se fait pas à grande échelle au Sénégal, malgré les potentialités et malgré les opportunités. « Il faut de la sensibilisation pour l’utilisation à grande échelle des eaux épurées au Sénégal », indique Ibrahima Mbor Dione. Toutefois, les autorités affichent une réelle volonté de saisir toutes les opportunités offertes par le recyclage des eaux usées pour développer notre agriculture et faire face au déficit de la disponibilité des ressources en eau potable. « Notre pays a très tôt compris, dans le cadre de la politique sectorielle en assainissement liquide, qu’outre les objectifs sanitaire et environnemental, il faut contribuer à l’amélioration de la gestion de l’ensemble des ressources en eau disponibles. Mais aussi aider à conserver les ressources naturelles et à contribuer à l’affectation de l’eau potable aux besoins exclusifs de consommation de la population », soutient le directeur de l’Onas, Amadou Lamine Dieng.

Une telle expérience a apporté des résultats plus concluants ailleurs. Ce n’est pas pour rien que partout dans le monde les surfaces cultivables irriguées par les eaux usées ne cessent d’augmenter de façon exponentielle. 275000000 ha sont irrigués avec les eaux usées à travers le monde en 2000. Des pays comme la Jordanie, la Californie, Israël et la Tunisie utilisent respectivement 11%, 64%, 25% et 10% des eaux traitées pour l’agriculture et le maraîchage.

Sensibilisation

Au Sénégal, on estime à 3% les eaux épurées dans la station de Cambérène réutilisées. Ce faible taux indique que l’utilisation de ces eaux n’est pas encore entrée dans nos mœurs. Ce qui constitue une des contraintes à relever. « Force est de noter que dans certains pays, la réutilisation des eaux résiduaires reste confrontée à des contraintes telles que l’acceptation socioculturelle de cette pratique et également la difficulté à convaincre les exploitants des risques encourus », estime le directeur de l’Onas lors de la journée mondiale de l’eau de l’année dernière. C’est pour cela que le chef de service d’exploitation de Dakar 2, Aliou Diop soutient qu’il faut une sensibilisation pour une bonne et une utilisation à grande échelle de ces eaux. Le volume d’eau traitée pourrait constituer une aubaine pour la relance ou le renforcement de la culture maraîchère dans les Niayes et dans les autres zones à vocation agricole. Mais, il faut au préalable résoudre le problème de l’acheminement des eaux de la station jusqu’à une distance de 50 km voire au-delà. « Nous faisons face à une pressante demande. Les maraîchers des zones de Sangalkam, de Sébikhotane, ont exprimé la demande d’avoir l’eau épurée, mais ce sont les infrastructures pour conduire ces eaux vers cette zone qui font défaut », souligne Papa Ibrahima Mbor Dione. L’espoir suscité par ces eaux épurées se heurte à un manque des installations pour porter le liquide précieux sur de longues distances pour le bonheur des agriculteurs qui ne demandent pas plus.

Production énergétique : 2000 à 3000 mètres cubes de méthane par jour

Le système de traitement des eaux de la station de Cambérène produit 2000 à 3000 mètres cubes de méthane par jour et fournit ainsi une certaine autonomie énergétique. Cela permet une réduction de 10.000.000 millions de F Cfa de la facture électrique tous les mois.

Au bout de la chaîne de traitement, nous avons l’eau épurée, au milieu de la chaîne, le système produit du méthane. Chaque jour, la quantité de méthane produit oscille entre 2000 et 3000 mètres cubes. Le digesteur est l’un des maillons centraux de la production de méthane. C’est à cette étape que les bactéries aspirent l’oxygène et rejettent le gaz carbonique. Les micro-organismes vont consommer de la matière organique et dégager le méthane. « Les bactéries prennent de l’oxygène et libèrent du gaz carbonique. Dans ce milieu sans air, des micro-organismes vont consommer de la matière organique et respirer du méthane », explique le chef de division du laboratoire, Ibrahima Mbor Dione.

Le méthane est stocké dans le gazomètre isolé des autres installations pour éviter d’éventuels accidents. Il sert à alimenter le groupe électrogène de 350 kva qui fonctionne 24 h/24, une chaudière, entre autres. Ce qui permet à la station de disposer d’une certaine autonomie énergique. « Ce méthane stocké dans le gazomètre fait fonctionner un groupe électrique et une chaudière », explique Ibrahima Mbor Dione.

Le méthane couvre environ 40% des besoins en énergie de la station et contribue ainsi à la réduction de la facture d’électricité qui tourne autour de 25000000 F Cfa. Avec cette production de l’énergie, la station dépense moins 10 000 000 de F Cfa par mois.

Sous-produits de l’eau : Des affaires au bout ... de la boue

Des ouvriers sont à pied d’œuvre au milieu des monts et des machines. Ils travaillent pour le compte d’un Gie ayant la charge de l’exploitation de la boue, une activité qui procure des devises et génèrent de l’emploi.

Après quelques mètres sur un sentier sinueux ravalé par les arbustes, on se retrouve nez à nez dans la zone de lits de séchage. Ce sont des bassins de forme rectangulaire, qui occupent un grand espace. La surface de boue séchée de certains bassins est fissurée. Dans d’autres, il y reste un peu d’eau noire. Les hérons avec leur plumage blanc sont perchés sur les rebords de lits de séchage faits de ciment. A l’extrémité gauche de ces installations, se trouve une plaque noire avec des inscriptions blanches qui indiquent le nom du Gie qui a la charge de l’exploitation de ces sous-produits des eaux épurées.

Les tas de boue pointent leur pic aux rayons incandescents du soleil. Au milieu de ces monts, trois ouvriers armés de pelle, et avec beaucoup d’adresse lancent à intervalle régulière la boue séchée à travers les grilles pour la tamiser. La poussière s’élève. Les employés ont la tête et la bouche couvertes de foulards pour se protéger. Le site ressemble fort bien à une carrière de mine où se trouvent des broyeurs.

Les feuilles des arbustes des alentours sont couvertes de poussière. C’est une petite unité d’exploitation. Le Gie emploie cinq personnes. Même si les ventes n’ont pas atteint les effets escomptés. « Si cette boue n’est pas transformée, c’est un problème environnemental qui va se poser.

Pour le moment, nous n’avons pas de moyens. Nous avons besoin d’un coup de pouce des autorités pour faire la promotion de ces matières qui peuvent servir à fertiliser nos sols », indique l’exploitant, Moustapha Ndiaye.

Selon Madieumbe Diouf, directeur commercial et de la clientèle de l’Onas, la vente de la boue a rapporté 650.000 F Cfa en 2006 celle de l’eau dépassait largement le cap des millions avant la rupture de contrat avec le Golf Club qui payait une facture de 700.000 francs par mois.

Ici, les camions, les charrettes, viennent transporter de cette boue transformée en humus dans ce coin de la station.

Les techniciens de la station font savoir que cette boue a des effets nutritifs pour les plantes qui peuvent servir à enrichir et récupérer des sols pauvres dans certaines régions de l’intérieur.

Témoignages - Horticulture et floriculture dans les Niayes : Les avantages de l’eau épurée

Plusieurs façades de la station d’épuration de Cambérène sont bordées par des haies de fleurs, de cultures maraîchères. Ici, comme partout dans le monde, l’eau régule l’activité des fleuristes, maraîchers, qui souhaitent bénéficier des eaux épurées de la station.

Dans les vergers, l’heure est repos. Le soleil darde ses rayons sur les vastes étendues de plantations de fleur, et des haies de choux, de salades, des cultures maraîchères. Diègane Sène se prélasse dans son hamac sous un arbre et entre ses bassins remplis d’eau épurée. Ce jardinier se livre à ses activités avec moins de souci. « Je fais mon travail avec une grande indépendance. J’ai mes bassins d’eau épurée qui me permettent d’arroser toutes mes plantations », confie Diégane Sène, un des rares jardiniers qui bénéficient des branchements de l’Onas. Chaque mois, il débourse 21000 francs Cfa pour la facture d’eau. Le mètre cube s’échange à 100 francs Cfa. Diégane témoigne du bienfait de l’eau épurée. « L’eau traitée présente plusieurs avantages pour nous les jardiniers des Niayes. J’ai constaté que mes plantes se développent plus vite avec cette eau et elles produisent plus », rapporte Diégane Sène dont le potage est entrecoupé par des mares.

La parcelle de Kalidou Doucouré est délimitée par une rigole d’eau de surface comme il en existe plusieurs dans les Niayes.

L’air est embaumé. Kalidou cultive des bougainvilliers, une variété de fleur sous l’ombrage des arbres et arbustes où le feuillage commence à jaunir du fait du fort de salinité à partir du mois de mai jusqu’à la tombée des premières pluies dans la capitale. « L’eau est l’un des problèmes que nous rencontrons pour entretenir nos plantes. A partir du mois de mai, avec la remontée de la nappe phréatique, l’eau est salée, ce qui empêche une bonne croissance de toutes nos plantes », indique Kalidou Doukouré.

Dans cette zone de prédilection de culture maraîchère et florale, des plantes aquatiques, des cocotiers se dressent majestueusement aux alentours des bas-fonds couverts de l’eau. Au-dessous voltigent des oiseaux. Cette forêt de plantes aquatiques, des plantations de fleurs se dégradent au fur et à mesure que l’on s’approche de la nationale 1. L’entrée de la station d’épuration est bordée par des pépinières de fleurs, des pieds de plantes ensachés ou mise dans une vase. Ici, en plus de ces petits tas humus qui pointent leur pic au ciel, on croise des jardiniers qui attendent des moments recommandés pour arroser certaines catégories de plantes et qui espèrent aussi bénéficier de l’eau épurée de l’Onas. « Peu de maraîchers et fleuristes utilisent cette eau épurée dans cette zone. Beaucoup ne savent pas comment l’avoir », estime Alioune Ndiongue.

Il se relève et poursuit la discussion à bâtons rompus sans se faire prier. « Les exploitants des terres des Niayes sont prêts à utiliser cette eau pour nos cultures », poursuit-il. De l’autre côté, de la route qui passe devant l’entrée principale de la station, on aperçoit derrière les fleurs et les arbustes, une petite mare.

A quelques mètres de là et sur la pente, près de la route, on voit des jardiniers se reposer après une demi-journée de dur labeur. Aliou Ndiongue et Ngoye Sène devisent sous arbre qui trônant dans leurs périmètres et souhaitent aussi avoir des branchements à partir de la station d’épuration de Cambérène. « Nous utilisons l’eau des puits, quelques jardiniers arrosent leurs plantes avec cette eau. Nous aimerions aussi avoir ces branchements », souhaite Aliou Ndiongue.

Ces propos sont repris par Ngouye Sène. Avec la diminution de l’eau de surface dans les Niayes du fait de l’urbanisation galopante et de la spéculation foncière, il est évident que les maraîchers et les fleuristes feront de plus en plus recours à l’eau épurée de la station de Cambérène.

Docteur Seydou Niang, chercheur à l’Ifan : « L’eau usée mal traitée peut contaminer les poissons et les légumes »

L’eau usée mal épurée versée dans l’océan pollue la zone de frayage. Certaines matières de ces eaux peuvent provoquer la contamination des poissons dont la consommation par les populations n’est pas sans conséquence. C’est la thèse avancée par le chercheur Seydou Niang de l’Ifan qui soutient que les eaux usées ne sont pas la seule porte d’entrée de la contamination des légumes.

Le traitement des eaux usées au Sénégal répond-il aux normes de l’Organisation mondiale de la Santé ?

La station de Cambérène est l’unique station qui fonctionne, selon les normes. Si elle n’est pas surchargée, elle devrait fournir de l’eau qui répond aux normes de traitement. Mais, souvent cette station reçoit plus d’eau. Parfois, les clandestins déversent de l’eau, de l’huile dans le réseau. Ce qui peut perturber le fonctionnement et faire que les performances prévues ne peuvent pas être atteintes.

Quel est l’impact environnemental de l’eau épurée rejetée dans l’Océan ?

L’eau qui n’est pas entièrement traitée peut causer plusieurs impacts négatifs. Les eaux usées ont plusieurs matières en suspension, des polluants minéraux et organiques. Tous les polluants peuvent créer des dommages sur l’océan. Dakar est entourée par la mer. Les réseaux d’égouts ont été configurés pour déverser les eaux vers la mer. Les matières en suspension vont recouvrir les zones de frayage des poissons. Le pauvre pêcheur artisanal qui utilisait 10 à 20 litres d’essence pour pêcher sont obligés d’aller plus loin parce que les zones de frayage sont recouvertes. Et par conséquent, ils dépensent plus d’argent pour aller pêcher en haute mer. A l’arrivée, ce sont les poissons qui deviennent plus chers pour les consommateurs.

L’autre conséquence, c’est que les poissons adultes consomment les matières nutritives des eaux usées qui sont versées dans l’océan. Ils sont contaminés par les polluants minéraux. Si vous manger ces poissons vous risquez d’être contaminé.

Quels sont les risques pour l’utilisation des eaux usées pour l’arrosage des légumes ?

Il n y a pas de risque, si les polluants organiques, les micro-organismes, les matières en suspension sont éliminés. En principe, on n’élimine pas les matières minérales comme les nitrates, le phosphore qui sont intéressantes pour l’agriculture.

Mais, s’il reste des micro-organismes, des bactéries ou des parasites, il y a un fort risque de contamination des légumes. Mais, nous travaillons depuis 15 ans sur les techniques alternatives de traitement des eaux usées. Nous avons fait beaucoup de recherche sur la contamination des légumes par les eaux usées. Il ressort de ces études que l’utilisation des eaux usées peut contaminer des légumes. Mais, d’après nos études, ce n’est pas la seule porte d’entrée de la contamination.

Nous avons fait l’analyse des légumes vendues dans le marché, nous avons vu que les légumes étaient encore beaucoup plus contaminées quand ils ne sont pas arrosées avec les eaux usées. Il y a un problème d’hygiène général.



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