Emigration clandestine : L’Espagne sous la psychose d’une nouvelle avalanche de clandestins

On en parlait dans la presse, mais personne n’y accordait une grande importance, jusqu’à ce que l’eurodéputé Patrick Gaubert le mentionne hier, à Tenerife : 80 000 Africains sont sur le point d’envahir l’Europe à partir des côtes sénégalaises, mauritaniennes ou gambiennes.

(Correspondant à Madrid) - L’accalmie notée ces jours derniers sur les côtes Canaries où le nombre de clandestins enregistrés a considérablement diminué (118 arrivés en quatre jours), loin de faire baisser la tension, a plutôt mis la pression sur les autorités chargées de la lutte contre l’émigration clandestine. Et pour cause, depuis avant-hier, des sources policières font état du départ de 30 pirogues depuis les côtes du Sud du Sénégal, de la Gambie et de la Guinée-Bissau, en direction des Iles Canaries. D’ailleurs, à en croire le journal el Mundo, proche de l’opposition, à bord de ces embarcations ont pris place quelque 1 800 personnes, en raison de 60 passagers par pirogue. Et citant un bulletin d’information des services de renseignement, el Mundo parle de plus de 4 000 pirogues prêtes à ramer en direction de l’Archipel, à partir des eaux du Sénégal, de la Gambie et de la Guinée-Bissau.

Une information vite démentie aussi bien par le gouvernement des Iles Canaries que par le ministre de l’Intérieur espagnol. “Nous n’avons pas encore reçu d’informations par rapport à une nouvelle avalanche de clandestins subsahariens sur nos côtes”, a déclaré hier Adan Martín, sur les ondes d’une radio locale. Mais c’était avant l’arrivée sur l’île de Tenerife de l’eurodéputé Patrick Gaubert. Ce dernier qui effectuait, hier soir, une visite de reconnaissance au centre d’accueil et de détention de las Raices, a affirmé sans sourciller que 80 000 Africains attendent depuis la Mauritanie, le Sénégal et deux autres pays africains, le moment opportun d’émigrer vers l’Europe au moyen d'embarcations de fortune.

L’eurodéputé français qui a terminé sa visite à Tenerife par une conférence de presse, est d’avis qu’aucun gouvernement ne peut résister ni faire face à une telle situation. Aussi a-t-il demandé au vice-président de la Comission européenne, Franco Frattini, et au président du Parlement européen, Joseph Borrel, de travailler dans les politiques communautaires pour le développement de l’Afrique. “Il faut que nous trouvions des solutions pour les pays d’où partent ces émigrés, mais aussi pour les pays qui les accueillent”, a plaidé Patrick Gaubert qui a aussi révélé que la vice-présidente du gouvernement espagnol, Maria Teresa Fernandez de la Vega, sera mardi prochain devant le Parlement européen pour débattre du problème de l’émigration clandestine.

Un phénomène qui ne cesse de donner du fil à retordre au gouvernement central au point que les services de renseignement ont été envoyés en éclaireurs au Sénégal, en Mauritanie, en Gambie et en Guinée-Bissau. ”On n’a jamais pensé, ne serait-ce qu’un instant, que des pirogues remplies de clandestins partiraient des côtes sénégalaises pour aller à l’assaut des eaux canariennes”, confie un agent du service de l’immigration espagnole qui se plaît de rappeler les efforts énormes que consentaient, il y a de cela moins d’un an, les jeunes sénégalais candidats à l’émigration clandestine pour traverser les eaux dangereuses du Détroit de Gilbratar, ou pour aller à l’assaut des barbelets des enclaves de Ceuta ou Mellila.

Chat échaudé craignant l’eau froide, l’Espagne n’écarte plus aucune hypothèse de départ des clandestins africains. C’est ainsi que certaines sources policières ont fait état ces jours de jeunes ivoiriens, maliens, guinéens qui auraient rejoint la Casamance, plus particulièrement Elinkine qui est situé à l'embouchure, dans l’espoir d'embarquer dans une pirogue à destination de l’archipel des Canaries. Cette région africaine de l’Espagne où plus de 9 800 émigres clandestins ont débarqué depuis le début de l’année contre 9 900 durant toute l’année 2002.