EMIGRATION CLANDESTINE – LE CRI DU COEUR DE ASS : “Arrêtez d’envoyer vos fils à la mort et demandez que le gouvernement du Sénégal prenne ses responsabilités”

“ Arrêtez d’envoyer vos fils à la mort et demandez que le gouvernement du Senegal prenne ses responsabilités”.
Ce cri du coeur de Ass, originaire de Rufisque et qui vit en Espagne depuis trois mois, en dit long sur le calvaire de ceux qui ont répondu, sans réfléchir, tête baissée, à l’appel des sirènes. Notre correspondante permanente en Espagne (Madrid) a rencontré certains de nos compatriotes dont la vie est un vrai enfer. Cela est loin de décourager les candidats à l’émigration qui continuent toujours de braver la mer. Cette émigration aurait des conséquences sur l’activité de pêche, surtout au niveau de Yarakh.

(Madrid- Correspondance) Le gouvernement du Sénégal s’est-il véritablement penché sur la question de l’émigration clandestine afin de lui trouver une solution efficace et rapide ? Les autorités se sont-elles vraiment investi dans la recherche d’une solution véritable à ce mal qui prend de plus en plus de l’ampleur? Deux questions qui attirent l’attention et que se posent la plupart des personnes qui vivent au pays de Cervantes au moment où des centaines et des centaines de jeunes continuent de risquer leurs vies sur des embarcations de fortune pour réaliser le rêve de débarquer sur l’Eldorado Européen. Gageure, disent certains, mais pour ces jeunes “c’est l’unique solution face au désoeuvrement et à la pauvreté accrue qui ne laisse parfois pas le choix à certains”. Ils arrivent fatigués, hagards, ankylosés et vaincus par le froid impitoyable. Certains débarquent sur le quai, sans vie, dans des positions choquantes pour toute personne ancrée dans sa foi, les membres raidis, le regard perdu . Des cadavres ballonnés sont aussi montrés à la télévision. Vraiment pathétique. Combien ont perdu la vie dans cette odyssée? Nul ne saurait le dire.

Mais que fait le Senegal pour arrêter cette saignée et conscientiser ces jeunes sur les risques et méfaits de cette aventure qui laisse des séquelles à vie? Le plan mis en place par l’Union Européene est en marche et le pays de la Teranga n’a pas encore signé un accord de rapatriement avec l’Espagne. Les centres d’accueil sont débordés, les plages sont devenus infréquentables, fulminent certains qui n’en peuvent plus de voir arriver ces “ morts de faim”. C’est une telle humiliation de les voir en file indienne, dépouillés de tout ce qui leur restait ( leurs habits et effets personnels sont mis à part pour éviter tout risque, pour reprendre l’expression d’un membre de la Croix Rouge espagnole), se disputer des morceaux de pain et des verres de lait chauds. Toute dignité est égratignée.

On en est arrivé à voir des Sénégalais dire tout simplement qu’ils sont africains, honteux qu’ils sont de voir ces embarcations parfois avec un drapeau du Sénégal flottant bien en évidence, prises en photos par tous les médias du monde à leur arrivée à quai. C’est le cas de cette embarcation de plus de trentre mètres qui a accosté à El Hierro avec à son bord quelque 172 subsahariens et en trés bon état. Une embarcation bien équipée et pilotée de main de maître. Cela pose un autre problème plus grave, les mafias sont de plus en plus organisées et le prix de la traversée atteint parfois les 1200 euros selon un sans-papier que nous avons accroché. Les embarcations sont dotées de Gps, de bouteilles de Gasoil et de nourriture. Malgré cela, il y a des morts en haute mer et des sans-papiers qui arrivent vaincus par l’hypotermie.
Au total, depuis le debut de l’année sont arrivés quelque 16000 sans papiers. Pour le seul mois de juillet, 2979 d’entre eux sont dans les centres aux îles Canaries selon des donnés du Ministère des affaires étrangères Espagnol.

Dans un journal de la place, Adan Martín, président de la Coalition des Canaries a assuré que la situation est arrivée à la limite, il urge de trouver une solution. Selon lui, la vigilance des côtes ne va pas régler ce problème, il faudrait que l’Europe s’arrange pour que la rapatriement soit possible. En attendant, le président Jose Luis Rodríguez Zapatero qui a visité les Canaries le mardi dernier, s’est félicité du bon traitement reçu par les immigants de la part des habitants de l’île. Il demeure, par ailleurs, convaincu que le problème de l’immigration est un phénomène d’une grandeur et ampleur telles que cela nécessite d’exiger de tous beaucoup de tenacité et de temps. Tout le contraire de Mariano Rajoy, principal opposant, qui l’accuse de faire de l’Espagne le paradis du trafic illégal de personnes. Il affirme que le pays est devenu le site préféré des mafias. Bref, le gouvernement n’a et ne fait rien pour régler ce qui est devenu le principal problème d’Espagne, a t-il ajouté.

Marqués à jamais

Voilà un jeune qui de prime abord donne l’allure d’une personne saine, correcte, en phase avec la société. Fausse impression. El Hadj est poursuivi par les démons des flots et de l’aventure d’une traversée soldée par la mort de ses amis qui désormais, dorment au fond de la mer, à la merci des poissons et autres animaux des fonds marins. Hallucinations, rêves cauchemardesques et encore. C’est leur destin, disent les autres. Peut-être, mais ce destin aurait pu être autre. Il est marqué à jamais et ne sent pas la force de se battre pour le fameux euro qui fait courir tout le monde. Baye Fall est quant à lui décontracté et plein d’espoir, mais depuis son arrivée au mois de mai, il n’a pas encore trouvé de travail. Il vit au jour le jour, grâce à la solidarité des uns et des autres. Il réussit à manger un plat par jour et dort dans un parc avec des Sdf espagnols et autres drogués. Cette solution temporaire, il la préfère, pour pouvoir trouver une place dans les refuges pendant le froid qui d’ailleurs s’annonce par de petit vents nordiques qui n’augurent rien de bon. Il y a bien d’autres Baye Fall qui vivent dans des conditions effroyables. Ceux qui n’ont pas la chance d’aller dans les zones agricoles pour travailler dans les champs souffrent et pour de vrai. Les Sénégalais de Madrid ont fait de leur mieux pour leur venir en aide, mais la vie en Europe est à l’image de celle des Européens. Fini les maisons avec de grands espaces, ici chacun se cherche un petit coin pour vivre tranquillement et ce n’est pas possible d’inviter chez soi pour une longue durée un parent qui ne travaille pas, qui dépend totalement de toi et pire, ne parle pas un seul mot espagnol. Les réalités sont différentes et on comprend parfaitement certains qui ont préféré fermer leurs portables au lieu de recevoir leurs parents qui sont arrivés par la mer. En vérité, il y en a qui ne veulent pas qu’on découvre leur mode de vie, ni ne peuvent partager leur petit espace.

Ass vient de Rufisque, il est arrivé voilà trois mois en Espagne. Il vend des copies de Cd dans les rues de Madrid, dans certains coins de la ville plus exactement, car cette activité est illicite et on encourt une peine de prison, si on est pris par les forces de l’ordre. Les journées de Ass sont des parties de cache-cache . Hier, il a failli être pris dans le métro, c’est pourquoi, il est sur le qui-vive, regardant de gauche à droite et expliquant dans un espagnol maladroit à ses clients les nouveautés sur le marché. Il regrette cette venue au pays de la torture, risquant sa vie dans une embarcation qui a fait 15 jours en mer. Amer, désabusé, il lance un appel du coeur à tout le Senegal et particulièrement à toutes les mères pour lutter contre ce mal. Car nous avoue-t-il, c’est sa mère qui lui a remis les sous pour entreprendre cette aventure périlleuse. Il ajoute qu’il voudrait leur crier : “ Arrêtez d’envoyer vos fils à la mort et demandez que le gouvernement du Senegal prenne ses responsabilités”. Des promesses comme celles de Jesús Caldera de régulariser les sans-papiers qui ne seront pas rapatriés sont, entre autres, un mirage. Il n’y a pas de travail pour tout ce monde en Espagne, il n’y a pas d’avenir au ryutme où vont les choses pour des sans-papiers, c’est une vie de marginal qui attend beaucoup d’entre ceux qui sont là..