EMIGRATION CLANDESTINE. : Le parquet requiert entre 1 et 2 ans avec sursis

Ils voulaient se rendre en Espagne. Après quelques jours entre les quatre murs de la citadelle du silence de Thiès, la dizaine de prévenus s’est présentée à la juridiction régionale pour s’expliquer sur les délits d’organisation de voyage, complicité, aide et assistance.

THIÈS - C’est le nommé Mamadou Ndiaye alias Madou qui est l’instigateur de cette expédition. Ce dernier réclamait la somme de 400.000 francs pour effectuer le voyage. Massamba Diouf a mis la main à la poche en débloquant 800.000 francs pour ses deux frères, puis 450.000 francs pour faire voyager un de ses parents. Idem, pour Ibrahima Loum qui a remis 200.000 francs, avant de compléter le reste, quelques jours plus tard.

Touba Ndiaye également a mordu à l’hameçon, comme certains de ses camarades, notamment Cheikh Mbacké Sène, Papa Loum, Yéri Ndour, qui ont embarqué à bord de la pirogue. Le seul qui est resté en dehors de cette affaire, c’est Tamsir Ndiaye, chauffeur de camion frigorifique. Il n’était pas à Joal ce jour-là mais à Dakar. Un autre aurait sorti le véhicule à son insu pour transporter les candidats au voyage. D’après les explications fournies par le chauffeur, le camion appartient au frère de l’instigateur de ce voyage. Aujourd’hui, la pirogue achetée à six millions, les moteurs, les gilets de sauvetage, les vivres, carburants, et le camion ont tous été confisqués.

Entendu à la barre, Mamadou Ndiaye dit Madou reconnaît sans ambages avoir organisé ce voyage dans le seul but d’aider ces jeunes. Toujours dans ses explications, il affirme avoir encaissé 13 millions ; ce qui lui a permis de d’acheter la pirogue et les deux moteurs en question. La pirogue n’arrivera pas à destination. Et c’est au sortir de Saint-Louis qu’elle a commencé à prendre de l’eau de toutes parts. Cheikh Mbacké Sène, un des candidats au voyage, s’explique : « nous n’étions plus en sécurité, eu égard au nombre impressionnant des passagers (80 au total) pour une embarcation qui devait contenir 40 personnes ». Et c’est Yéri Ndour qui enfonce le clou en déclarant qu’il y avait100 passagers à bord. Selon le procureur, la somme de 13 millions annoncée par Madou n’est pas la bonne si l’on tient compte du nombre de passagers, à savoir, 80 voire 100 personnes. Pour le parquet, Madou avait organisé le voyage avec les personnes incriminées alors qu’il savait qu’il commettait un délit. Une fois le voyage avorté ce fut le retour de l’équipage à la case départ. Chaque candidat s’est mis à réclamer son dû. Selon Ibrahima Loum, devant l’instance des uns et des autres, un marché a été finalement conclu consistant à liquider un des moteurs pour deux millions. La somme encaissée a été partagée entre les plaignants. C’est au dernier que Alioune Diop dit Djinné décide de vendre la mèche auprès des hommes en bleu. Celui qui croyait avoir bien fait, sera pris dans les mailles des pandores avec toutes les autres personnes incriminées. Ce qui avait tous les relents de l’histoire de l’arroseur arrosé.

Me Samba Thiam, assurant la défense des prévenus attraits à la barre pour avoir prêté aide et assistance à Madou, s’est d’abord apitoyé de l’état dans lequel se trouvent les prévenus dont le seul tort, selon lui, est de vouloir voyager pour subvenir aux besoins de leurs familles. Me Thiam a demandé au tribunal de relaxer ses clients. En défendant l’accusé principal, en l’occurrence Mamadou Ndiaye « Madou », Me Alioune Sène pointe du doigt Alioune Ndiaye alias Djinné d’avoir été à l’origine de tous les problèmes après le retour des candidats au voyage. Et d’ajouter que son client a été victime de sa générosité, lui qui voulait aider ses semblables en leur trouvant du boulot moyennant quelques modiques sommes. Qualifiant l’émigration de phénomène de société rampant, Me Sène trouve qu’il est tout à fait normal que ces jeunes usent de tous les moyens pour survivre. Dans la même foulée, il a clamé l’innocence du chauffeur Tamsir Ndiaye qui a été éclaboussé dans cette affaire par un parent de Madou. Qui plus est, son camion a été saisi par les gendarmes, lui occasionnant un manque à gagner considérable. Me Sène a demandé au tribunal d’accorder une application bienveillante de la loi à son client ou bien de lui fixer une amende assortie de sursis. C’est aujourd’hui que les prévenus seront fixés sur leur sort.