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[ Opinion ] Emprisonnement de El Malick Seck : Le délit de l’oubli

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[ Opinion ] Emprisonnement de El Malick Seck : Le délit de l’oubli
J’ai été voir El Malick Seck, directeur de publication de 24 heures Chrono au Camp Pénal. Mais, je l’avoue : après notre entretien, je n’étais pas fier de moi. Encore moins de ma corporation. Ce jour-là, il faisait bon de faire la sieste en prenant ses trois normaux, mais c’était plus fort, quelque chose au fond de moi me disait d’aller voir El Malick au Camp Pénal.
Il déboule dans la salle d’entretien escorté d’un malabar haut comme trois Pommes, la démarche fière, très digne dans sa condamnation, El Malick Seck vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon kaki garde encore le sourire et serre fortement la main. Sur ses conditions de détentions. «On rend grâce à Dieu, c’est difficile mais on tient le coup», souffle-t-il d’un débit lent, il semble gagner du poids en prison. «Je dors beaucoup», avoue-t-il. Un sommeil qui cache mal sa colère contre ses collègues journalistes : «Les confrères m’ont laissé tomber, mais je reste avec ma dignité.» le décor est pitoyable et suffit à vous arracher les larmes. Des gardes pénitentiaires circulent entre les détenus et leurs hôtes de quelques minutes. Bientôt le journaliste sera seul. Seul dans sa cellule.
Le journaliste du quotidien 24 heures Chrono croupit à la prison de Camp Pénal depuis pratiquement 5 mois. Son tort : diffusion de fausses nouvelles, actes et manœuvres de nature à troubler l’ordre public et créer des troubles politiques graves, recel de documents administratifs et offense sur la personne du Président Abdoulaye Wade. Bref, le principal reproche c’est d’avoir sorti dans ses colonnes un papier «incendiaire» mettant en cause le président de la République sur une affaire de blanchiment d’argent. Il purge une peine de trois ans ferme au Camp Pénal. Son recours à la cour d’appel a été rejeté sans gants. Il va payer parce que force reste à la loi, à la justice. Trois ans, sans activité, sans moyens de ressources, sans cette passion que le bonhomme avait chaque jour de remplir la page de son ordinateur. 3 ans.
Silence fermez le banc ! C’est trop ! Et ils ne sont pas nombreux les journalistes qui le disent tout haut. Ils ne sont pas nombreux ceux qui sont prêts à se battre pour ce jeune homme qui a eu «l’outrecuidance» de s’attaquer à «notre chef de l’Etat bien aimé», à Me Wade. Qui dans le calme et l’opulence de son palais royal ignore royalement les misères qu’il fait à toute une famille. A beaucoup de jeunes sénégalais qui travaillaient pour le compte de El Malick Seck.
Combien d’actions ont été entreprises pour sauver le journaliste des geôles de ses bourreaux ? Pourquoi la corporation s’est emmurée dans un silence assourdissant ? Tout simple. C’est parce que El Malick selon certains donneurs de leçons de la profession (ils sont nombreux) «El Malick a commis une erreur. Car, il ne devait pas sortir cette information», «il a prêté le flanc et le pouvoir lui a cassé les côtes », «Il est tombé dans le piège d’un journal qui voulait se faire rapidement un nom» etc. Alors, la bonne attitude à adopter face à ce confrère «encombrant» c’est de lui tourner le dos, de le laisser dans la solitude de sa cellule, de lui faire payer sa faute. Non ! Même si dans le principe, une erreur est imputable au journaliste, la corporation doit montrer sa solidarité envers un confrère «égaré ?» qui peut bien revenir aux normes d’éthique et de déontologie qui régissent la profession. Où va la profession quand un des leurs est emprisonné pendant que ses confrères applaudissent des deux mains ? La solidarité qui devait être le ciment de nos relations confraternelles se fissure grave dans nos rédactions, dans nos groupes, mais aussi entre nos rédactions et entre nos groupes. Et la presse perd de son pouvoir de manière sournoise. C’est plus grave encore. Car, on ne voit rien venir. Parce que dans ce métier, on aime se faire admirer le nombril, on aime détenir le monopole de la vérité, on aime le manichéisme. Tout court.
Mais, l’heure est grave. Au moment où, les crises économiques et les dangers de toutes sortes guettent nos rédactions et nos groupes, le moment doit être à l’unité, à la solidarité, nos rangs ne doivent pas se fissurer. La brèche ouverte par notre manque de solidarité risque de donner l’occasion à nos ennemis de s’y engouffrer et de nous jeter en pâtures à l’opinion. Oui à l’auto-flagellation ! Nous ne devons pas toujours nous caresser dans le sens des poils, ni aussi se maudire dans les places publiques. N’acceptons pas de céder au diktat et aux donneurs de leçons de tout acabit qui parce que conscients de notre rôle cherchent à discréditer le confrère d’à côté ou le concurrent d’en face. Refusons cela pour cette noble profession que nous avons en commun.
Et puis, dans l’emprisonnement d’El Malick Seck, le président de la République Me Abdoulaye Wade n’a pas le beau rôle. On a vu pire. Pourtant, pas trace d’une moindre menace. Voulait-t-on fermer le journal 24 heures Chrono qui commençait à gêner en haut lieu ? En tout cas, un ancien ministre de la République a été contraint à la démission parce que cité dans l’affaire de la casse des journaux 24 heures chrono et l’As. Jusqu’à présent, il vaque tranquillement à ses occupations sans être inquiété. Le moins du monde. L’on voudrait maintenant qu’un journaliste pour un papier qu’il aura publié dans son journal soit mis au gnouf. Et silence pour tout le monde. Où sont passés les agresseurs de Talla Sylla ? Des personnalités politiques ont dit pire que El Malick Seck mais ils ne sont inquiétés le moins du monde ? Un cortège d’un candidat a été attaqué par des nervis d’un marabout bien connu mais où en est-on dans ce dossier ? Alors on voudrait qu’un jeune journaliste parce qu’il a écrit un papier sur notre «cher président» et qu’il n’a pas daigné apporter des preuves, qu’on veuille réduire toute une corporation au silence. Réagissons vite. Car, si nous ne faisons rien, nous ne serons pas nombreux demain à nous regarder fièrement devant une glace.

Mor Talla GAYE journaliste <11>[email protected]


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