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ENTRE BENEVOLAT ET PRESTATION DE SERVICE :Les milliards du coxeur

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ENTRE BENEVOLAT ET PRESTATION DE SERVICE :Les milliards du coxeur

Un coxeur gagnerait entre 30 000 F Cfa et 150 000 F Cfa par mois. Pour dire que derrière la pauvreté apparente, les coxeurs mènent une vie acceptable, d’autant que l’argent qu’ils prennent des chauffeurs et des apprentis est évalué, en hypothèse basse, à 1 286. 000. 000 F Cfa par an, et en hypothèse haute, à 4 504. 000 000 F Cfa.

L’affirmation est de Serigne Mbacké Seck, chercheur au département de géographie de l’Ucad et au Centre Universitaire de Recherche et d’étude de la Mobilité, Esp. Son travail qui porte sur : « Transport et territoires : les coxeurs de Dakar, du bénévolat à la prestation de service » a été présenté hier, jeudi 8 juin, à l’occasion des Journées Jeunes Chercheurs organisées par l’Institut de recherche pour le développement (Ird, ex Orstom) et l’Ucad. Il a travaillé sur un échantillon de 70 coxeurs et a visité 218 arrêts et gares, décrochant ainsi, à l’occasion de ces journées, le premier prix de la meilleure communication.

Méfiez-vous de l’apparence ! Cette mise en garde qui se vérifie dans la vie de tous les jours, est aussi valable dans le cadre de la situation des coxeurs. Loin du dénuement et de la marginalisation auxquels on peut penser, les coxeurs ne se plaignent pas. Leur dénuement apparent cache un « vivre heureux » démasqué par une étude du jeune chercheur, Serigne Mbacké Seck, du département de Géographie de l’Université Cheik Anta Diop de Dakar (Ucad), intitulé « Transport et territoires : les coxeurs de Dakar, du bénévolat à la prestation de service ». Ainsi, l’exploitation des résultats d’enquête lui ont permis d’en arriver à la conclusion selon laquelle le revenu de chaque coxeur varie selon sa place dans les organisations. A titre d’exemple, à Grand Yoff(banlieue dakaroise) où le système des salaires est adopté, les coxeurs perçoivent chacun entre 30 000 Cfa et 90 000 F Cfa par mois.

Mais dans d’autres cas, les recettes quotidiennes sont partagées entre les membres, et une partie peut être épargnée pour l’assistance sociale et pour des investissements, surtout pour achat de véhicules. Il arrive que des coxeurs gagnent 5000 à 6000 F Cfa par jour. Faites-le calcul et vous verrez que ce secteur brasse des milliards. « En hypothèse basse, on peut évaluer l’argent que les coxeurs prennent des chauffeurs et des apprentis à 1 286. 000. 000 F Cfa par an, et en hypothèse haute, à 4 504. 000 000 F Cfa. En hypothèse basse, parce que tous les apprentis ou chauffeurs vous disent que ce qu’ils donnent dans la journée varie entre 1000 et 3500 F Cfa. Ceci calculé sur l’année donne ces sommes exorbitantes », souligne Serigne Mbacké Seck.

En effet, organisés en Gie ou en Regroupement avec les chauffeurs sur les sites les plus importants, les coxeurs, selon l’étude, sont passés du statut d’assistants à celui de prestataires de service et aujourd’hui à celui de transporteurs.

Un échantillon de 218 arrêts et gares et 70 coxeurs

Ils ont ainsi réussi à trouver une place dans le système de transport dont ils contrôlent la gestion au niveau des sites plus ou moins importants. Ces coxeurs occupent l’ensemble de l’espace dakarois. Ainsi, ce travail de recherche s’est intéressé aux gares routières de Pompier, Pétersen, Lat-Dior, Pikine, Grand-Yoff, Rufisque, Thiaroye, de même qu’à certains arrêts intermédiaires. Au total, un échantillon de 218 arrêts et gares et 70 coxeurs, « nous a permis de savoir que le groupe des coxeurs n’est pas homogène, qu’il y a plusieurs types de coxeurs, mais en même temps d’aboutir à la conclusion que ce ne sont pas des gens démunis. Au contraire, grâce à leur dynamisme, ils parviennent à amasser beaucoup d’argent », souligne le jeune chercheur.

La transhumance à l’échelle des arrêts

Il n’existe pas cependant de statistiques sur le nombre de coxeurs qui officient à Dakar et ses environs et encore moins à l’échelle nationale. Les difficultés de donner des chiffres tiendraient au fait que les sujets sont considérés comme des marginaux. Autre casse-tête, s’il est facile de dénombrer, au niveau des gare-routières, autrement dit des points fixes, le nombre de coxeurs, le problème majeur se situe au niveau des arrêts. « On voit parfois des arrêts virtuels. Des gens viennent investir des arrêts parce qu’il y a beaucoup d’usagers qui leur permettent de se faire de l’argent. Et quand ce n’est plus intéressant, ces coxeurs vont ailleurs. Ce qui fait qu’ils sont difficilement repérables dans l’espace transport », fait remarquer Serigne Mbacké Seck. Ainsi, les coxeurs se déplacent d’un lieu à un autre, parce qu’ils ne veulent pas être reconnus dans leur quartier.

Il marque son territoire

Par ailleurs, pour être coxeur, il faut être reconnu dans le milieu, avoir du caractère et au niveau des arrêts, il faut être parmi les premiers qui ont identifié ces endroits. Conséquence, le coxeur territorialise l’espace transport.
Ils appartiennent à un milieu plus ou moins structuré. C’est ainsi que l’on trouve, en général, les coxeurs professionnels au niveau des gare-routières. Le chercheur les décrit comme étant de vieux individus, des chauffeurs à la retraite ou inactifs qui, même s’ils ne font rien, à la fin de la journée reçoivent leur part du butin. « A côté de cette catégorie, il y a ceux qui déterminent l’ordre de placement ou de départ de chargements des véhicules. Ce sont les « Roguodiéro ». La troisième catégorie de coxeurs, dont le travail est de charger les bagages, est appelé « Roguorogal ». Quant aux « ralous », ce sont les coxeurs qui se trouvent au niveau des arrêts. Ce sont des gens qui n’ont aucune prétention. Ils reçoivent 25 F par-ci, 50 F par-là », explique-t-il.
A l’image des autres corps, celui des coxeurs est infiltré. Ce qui parfois peut déteindre sur l’image que les usagers se font d’eux. « C’est vrai, il y a des gens qui viennent rançonner les apprentis et les chauffeurs, ce qui fait que tout le monde est mis dans le même sac. Mais, dans la réalité, il y a une très grande différence. Il y a des gens qui considèrent ça comme une fonction noble. Il y a des gens qui ont leur permis de conduire, qui peuvent avoir du boulot, mais préfèrent être coxeur parce que, ce qu’ils gagnent avec ce travail, ils ne peuvent pas l’avoir en étant chauffeur ou apprenti », fait remarquer le chercheur.

Archéologie d’une notion

Le terme « coxeur » a évolué dans le temps. Avant et après les indépendances, il désigne, entre autres, le représentant commercial, la personne qui s’occupe du fret. Mais progressivement, le coxeur va se concentrer davantage sur l’activité de transport et spécifiquement sur le transport urbain. « A l’origine, les coxeurs étaient des bénévoles qui aidaient les apprentis à charger les véhicules. Ensuite, ils ont progressivement monnayé leurs prestations à la faveur de la forte demande de transport liée à la croissance urbaine et à l’augmentation de la mobilité pour répondre à de multiples sollicitations », souligne Serigne Mbacké Seck.

La pauvreté créa le coxeur

Dans le secteur du transport, c’est le coxeur qui s’occupe de la gestion des gare-routières, conditionne et oriente en général l’offre qui se fait dans l’espace. « C’est quelqu’un qui est passé d’un statut de bénévole à un statut de prestataire de service, parce il y a des coxeurs qui ont des véhicules de transport, des télécentres », soutient le chercheur.
En effet, les coxeurs qui étaient là bien avant l’indépendance, ne sont identifiés comme acteurs réels du transport qu’avec l’accentuation des difficultés économiques. Ils ont profité, comme le souligne l’étude, du caractère informel d’une partie de l’offre de transport à Dakar pour s’intégrer dans ce secteur qui a aussi été un terreau fertile au développement et/ou à la naissance progressive de métiers plus ou moins liés à l’activité.
Ainsi, les résultats de la recherche révèlent que sur un échantillon de 70 coxeurs, 73% d’entre eux sont originaires des quartiers pauvres de la ville de Dakar et 21% des régions de l’intérieur.
Les principales raisons évoquées pour être coxeur sont les suivantes : gagner honnêtement sa vie (38%), faire face aux difficultés de la vie (31%) ; ne pas chômer et aider mes parents (10%).

Professionnalisation des sites de transport

Les coxeurs ont imposé des formes d’action qui leur ont permis d’asseoir et de consolider des prérogatives sur les chauffeurs, les apprentis et les usagers.
Ils ont développé, dit Serigne Mbacké Seck, une stratégie qui s’appuie d’abord sur l’accompagnement puis la substitution aux chauffeurs et apprentis (obligés de se reposer) pour l’organisation de certaines fonctions essentielles aux sites de transport : stationnement, ordre de chargement des véhicules, informations aux usagers etc. « Cette stratégie est couronnée par une appropriation plus ou moins poussée de ces fonctions et par une professionnalisation de la gestion des sites de transport relativement importants », soutient le chercheur.

Mort programmée ?

Aujourd’hui la question est de savoir - avec la volonté politique de renouvellement du parc automobile qui doit se matérialiser par la disparition progressive des « Ndiaga Ndiaye » et des « cars rapides » - si les coxeurs ont un avenir ? Serigne Mbacké Seck révèle qu’ils ont essayé de s’imposer aux Tata, mais n’y sont pas parvenus à cause du système de billets. « Mais on constate qu’ils parviennent à se redéployer. Déjà, ils l’ont anticipé en achetant des véhicules. La masse de coxeurs est importante, même si on ne connaît pas le nombre. Et ils ont une stratégie qui leur permettent de s’allier aux chauffeurs, ou aux apprentis. Ce qui fait que si on ne parvient pas à reproduire le même système, ils peuvent constituer un groupe de pression d’autant que le transport est territorialisé aux fins de pousser les autorités ou les acteurs à reproduire le système. D’une façon ou d’une autre, ils seront toujours là », déclare-t-il.

Ils seraient à l’origine de désagréments

Le jeune chercheur n’a pas manqué d’attirer l’attention sur le fait que la présence des coxeurs constitue souvent une entrave pour les déplacements dans un contexte de pauvreté où les prix augmentent continuellement suite aux « sectionnements » des trajets.

 



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