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ENTRETIEN AVEC...Boucar Diouf, Professeur de néphrologie à l’Hôpital Aristide Le Dantec de Dakar : «Les Sénégalais ne savent pas ce qu’est un rein et ses dangers»

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ENTRETIEN AVEC...Boucar Diouf, Professeur de néphrologie à l’Hôpital Aristide Le Dantec de Dakar : «Les Sénégalais ne savent pas ce qu’est un rein et ses dangers»

La journée internationale de la femme célébrée jeudi dernier a été une occasion saisie par le ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Aïda Mbodj, pour tenir un point de presse au poste de santé de Touba Khaïra. Cette journée qui est aussi consacrée aux reins et qui marquait la célébration du 113ème anniversaire du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, a permis de discuter de l’insuffisance rénale chez les femmes. En marge de cet événement, le professeur Boucar Diouf, néphrologue de son état, nous a accordé un entretien. Histoire de faire connaître cette maladie qui continue de faire beaucoup de victimes au Sénégal.

Professeur, qu’est-ce qui motive votre présence à Touba ?

Ma présence à Touba a une triple signification. D’abord, je viens en pèlerinage, en plus le 8 mars coïncide avec la journée mondiale de la femme et disons qu’elles ne donnent pas l’opportunité de les oublier. Mais aussi, ce 8 mars est célébrée la journée mondiale du rein qui est une instruction de la fondation internationale de néphrologie et fêtée tous les deuxièmes jeudis du mois de mars. Bref, nous sommes là pour le magal, la journée de la femme et du rein.

Est-ce à dire que le rein pose problème au Sénégal ?

Effectivement, le rein pose beaucoup de problèmes. En plus, les Sénégalais ne savent pas ce qu’est un rein. Quand on dit rein, les gens pensent à la colonne vertébrale alors que c’est un organe pair qui se trouve en dessous des côtes et chaque individu en a deux. En forme de haricot, il joue un rôle extrêmement important à tel point que si un rein ne fonctionne pas, on ne peut pas vivre parfaitement. Puisqu’il a trois fonctions essentielles dans l’organisme humain. D’abord, le rein est un régulateur interne. Parce que quand on mange, on avale des choses dont notre organisme n’a pas besoin et c’est le rein qui est chargé de les éliminer. Quand on mange des aliments, il faut les transformer et éliminer les déchets. Ces déchets sont éliminés par le rein qui a une fonction d’éliminateur. Enfin, le rein est producteur d’hormones avec des substances qui sont indispensables à l’organisme. Ainsi, il régule la pression artérielle et normalise les hormones qui augmentent le taux de globules rouges.

Quand parle-t-on d’insuffisance rénale ?

L’insuffisance rénale, c’est quand les fonctions rénales sont déficitaires. Il y a deux formes : l’insuffisance rénale chronique aigüe. C’est un blocage brutal des fonctions rénales et cette insuffisance rénale est présente chez la femme. En général, la forme la plus classique, c’est qu’on ne pisse plus. Et la principale cause est que le rein est bloqué. Si on n’arrive pas à pisser et que l’on a pas mal, c’est que le rein est bloqué. Souvent les pieds se gonflent parce qu’il y a une croyance générale qui dit que quand on a mal au rein, il faut beaucoup boire, mais si on boit beaucoup sans pisser, c’est normal qu’on ait des oedèmes. Il faut aussi dire que 50 % des patients proviennent des femmes, après leur accouchement. Malheureusement, elles sortent des statistiques de la maternité. Elles sortent des maternités, mais vont mourir après. Cela traîne, cela traîne, après on la sort pour le baptême et elle nous arrive tardivement. Il faut y aller très vite. La particularité de l’insuffisance rénale aigüe, c’est qu’elle est réversible si on s’y prend tôt. On peut faire revenir le rein à la situation normale. Si on l’envoie à un spécialiste, il saura qu’il faut changer le rein, si elle a perdu beaucoup de sang. Il faut remplacer le sang très vite. Si cela ne marche pas, on peut faire la dialyse pour solutionner le problème.

Mais, on constate que le traitement est trop cher, qu’est-ce qui explique cela ?

Effectivement le traitement est onéreux, mais je crois qu’on peut toujours prendre les femmes en charge dès le début. Mais ce qui fait la cherté, c’est que le matériel utilisé est importé et est à usage unique. Donc, il faut que quelqu’un paie quel que part. Pour le moment la subvention n’est pas suffisante pour prendre tout le monde en charge. 50% de nos insuffisances rénales proviennent des femmes enceintes et les autres du paludisme. Et ce qui est dramatique, 60% de ces gens meurent. C’est un signe de sous-développement car en Europe, la maladie n’existe plus chez les femmes enceintes. Ces différentes raisons font que nous avons profité de l’opportunité de la Journée de la Femme qui se trouve en concomitance avec la Journée mondiale du rein pour sensibiliser et peut-être initier un plaidoyer pour essayer de prendre en charge correctement ces affections. C’est une manière de sensibiliser les femmes puisqu’elles sont victimes de beaucoup de croyances et d’ignorance. Quand, elles rentrent chez elles et qu’elles ne pissent plus, on dit que «méret bi da yeek». On l’amène chez le guérisseur ou bien elle fait une crise, on dit qu’elle a une crise d’épilepsie, on dit qu’elle souffre des rab ou des pangols. Et tout cela fait que le diagnostic est retardé. Voire mortel.

Et le cas des paludéens ?

Le paludisme des enfants, la drépanocytose aussi dans une forme particulière peut donner naissance à une insuffisance rénale aigüe. On a des enfants qui ont des formes de ce genre. Mais, le gros problème demeure les médicaments traditionnels. Et c’est la troisième cause d’insuffisance rénale aigue. De plus, les Sénégalais ne connaissent pas une maladie chronique. Ils ne peuvent pas concevoir de prendre des médicaments tout le temps. On va les traiter, les stabiliser, mais ils vont voir une voisine qui leur dit : allons voir le marabout. C’est pourquoi, nous leur demandons maintenant de prendre des bains mystiques ou des gris-gris, mais de ne jamais boire de médicaments traditionnels. Ce sont des raisons simples pour éviter de boire. Quand vous avez une insuffisance rénale même avec les médicaments de la pharmacie qui sont bien dosés, on adapte la posologie à votre fonction rénale.

Par rapport à la sensibilisation, quel est le programme de lutte ?

Par rapport à la néphrologie, nous avons la Société sénégalaise de néphrologie. La néphrologie est une discipline jeune, née dans les années 60. Au Sénégal, elle est introduite depuis les années 90. Donc, là nous sommes en train de mettre les choses en place et c’est justement le sens de cette action qui nous permette d’avoir des partenaires et des plaidoyers. A côté, il y a l’Association des insuffisants rénaux qui ne sont pas très actifs malgré toutes les injonctions qu’on leur fait. Dans les jours à venir, nous allons nous insérer dans la quinzaine de la femme. Ensuite, nous allons essayer d’organiser au mois d’avril une journée entière où il est même prévu un renforcement des capacités des journalistes pour qu’ils comprennent le langage technique. Et plus, nous faisons des dépistages.

Comment est-ce qu’on fait le dépistage ?

D’habitude, on examine et on consulte et puis on cherche dans les urines s’il y a des traces de globules et s’il y a du sang dans les urines. Un certain nombre de choses qui, si on les analyse, on saura s’il y a possibilité d’insuffisance rénale ou une infection urinaire. Puis on l’oriente vers le centre pour une réévaluation.

Qu’attendez-vous du ministère de la Femme, de la Famille, de l’Entrepreneuriat féminin et du Développement social ?

Nous avions été honorés de la présence du ministre Aïda Mbodj et nous pensons trouver un partenaire dans la bataille. Quelqu’une qui est engagée pour la cause des femmes et qui veut continuer le partenariat en luttant contre ce problème. Les différents programmes de santé maternelle infantile, vous interrogez sans les informer en leur demandant si vous avez des insuffisances aigües chez les patients, la statistique c’est zéro. Alors que c’est nous qui les recevons et eux ils le savent.

Indépendamment des statistiques, ils savent qu’il y en a plein et je ne comprends pas pourquoi ces statistiques n’apparaissent pas. Et du coup, le malade meurt ailleurs et ils disent qu’ils ont réduit ceci ou cela. Certes, ils ont réduit leur taux de mortalité mais nous, ils nous augmentent nos morts.

Est-il prévu une collaboration entre les néphrologues et les médecins de la santé maternelle ?

Il faudra forcément qu’on se parle. En Europe, cette maladie n’existe pas. Pourquoi ? Parce qu’on s’occupe des femmes enceintes et on sait comment la prévenir. Pour savoir comment elle se présente, il faudra passer par nous mais sauf de manière informelle pour des gens disposés à se parler. Dans l’enseignement de la gynécologie, il n’y a aucun programme qui enseigne le nôtre. Alors, ce n’est pas normal. Ce n’est pas de leur faute, c’est plutôt un défaut académique. Ils ont plein de problèmes comme cela, mais ils ne sont pas formés à la base.

L’insuffisance rénale est alors une cause de mortalité post-maternelle ?

Cela fait partie des causes de mortalité post-maternelle. L’insuffisance et la grossesse sont ce qu’on appelle un échange de procédés. La femme qui avait une insuffisance modérée avant une grossesse aura une grossesse difficile et l’insuffisance peut se compliquer. Une grossesse anormale aussi peut retentir sur le rein. C’est pourquoi, il faut dès la grossesse vérifier son état rénal et tout au long de la grossesse.

 



1 Commentaires

  1. Auteur

    Lari

    En Octobre, 2011 (09:01 AM)
    c'est important la sensibilisation et l'appel qu'a fait le docteur boucar, dans un pays comme l'espagne oú le systéme de santé est publique et gratuit, les femmes ne meurent á cause des problemes d'insuffisance rénale
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