FANATISME RELIGIEUX, MILICES PRIVÉES...: Péril confrérique

Ancien directeur de l'Ifan/Cheikh Anta Diop, Vincent Monteil s'était converti à la dernière des religions révélées avant sa mort. Vincent Monteil était surtout devenu célèbre après la publication d'un de ses ouvrages intitulé «L'Islam noir» qui fit grand bruit car certains trouvaient ce titre-là provocateur voire blasphématoire. Chez nous, ce qu'il est convenu d'appeler confréries est une des spécificités de l'Islam sénégalais. La question confrérique, pour ainsi dire, est revenue au-devant de la scène politico-médiatique depuis que certains se sont mis à douter de la sincérité du mouridisme affiché de Me Abdoulaye Wade, président de la République de ce Sénégal où, selon les statistiques, plus de 90 % des citoyens sont des musulmans.

D'après plusieurs historiens, la religion du Prophète Mohamed (PSL) est présente dans notre pays depuis le dixième siècle de l'ère chrétienne. Si l'on en croit ces historiens, la Khadrya fut la première «tarikha» installée chez nous. Par ailleurs, on connaît le rôle de premier plan que jouèrent des Sénégalais pour la diffusion de l'Islam dans la sous-région ouest africaine. Parmi ceux-là, entre autres, on peut citer El Hadji Oumar Foutiyou Tall, adepte de la guerre sainte, héraut de la Jihad.

Définie par l'athée allemand Karl Marx comme idéologie et comme opium du peuple, la religion est considérée par les sociologues comme étant l'un des faits de société les plus constants. Dans le même registre, on pourrait rappeler que l'idéologie, en général, a la réputation d'être oublieuse de ses bases et racines existentielles. C'est dans ce cadre-là que le communiste italien Antonio Gramsci avait produit toute une littérature consacrée à ce qu'il visait comme appareils idéologiques d'Etat qu'il distinguait des appareils régressifs d'Etat. C'est dans la postérité théorique d'Antoine Gramsci que Christian Corilon parlait de replâtrage sociologique à propos des confréries, des «tarikhas» qui, comme rappelé ci-dessus, sont une spécificité de notre Islam.

On le sait, au sein de la communauté islamique, la célèbre UMMAH, il y a des écoles, des conflits d'interprétation. Pour être bref, on pourrait rappeler les lignes de fractures qui séparent les Sunnites et les Chiites. En Irak occupé, Sunnites et Chiites s'entretuent au quotidien, des mosquées sont profanées. Il suffit de regarder les télévisions pour savoir que le fanatisme religieux peut mener loin. L'Europe ne connut-elle pas des siècles durant des guerres de religion ? N'y eut-il pas la Saint Barthélemy sur le vieux continent ? La révocation de l'Edit de Nantes ? On nous dira, peut-être, que tout ce qui précède n'a que de vagues liens avec un improbable péril confrérique. Loin de là !

Tout le monde garde en mémoire les graves incidents qui eurent lieu, ici au Sénégal, lors de notre première participation à la phase finale de la Coupe du monde de football organisée en Asie.

C'est évident, il ne s'agit pas pour nous de remuer le couteau dans la plaie, ou de réveiller de vieux démons. Cependant, tout un chacun devrait garder à l'esprit que les démons peuvent somnoler mais ils ne dorment jamais.
Il faillit y avoir une véritable guerre des «tarikhas» lors de l'édition asiatique de la phase finale de la Coupe du monde de football. Des talibés du plus que controversé Cheikh Béthio Thioune avaient, au propre comme au figuré, agressé la «tarikha» tidjane. Serigne Maodo Sy, petit-fils de El Hadji Malick et khalif de Abdou Aziz Sy Dabakh avait cru devoir riposter en des termes d'une rare violence. Maodo Sy rappelait que dans la langue wolof classique, Béthio et petit pagne sont synonymes. Tout le monde sait à quoi sert le petit pagne. Le petit pagne est un linge nocturne.

On garde en mémoire l'épisode que fut l'affaire dite du Ranch de Doli. Un Ranch qui couvre plusieurs hectares et qui avait été imaginé par le président Léopold Sédar Senghor pour le développement de la zone sylvo-pastorale. Des choses gravissimes avaient été dites au cours de cette séquence de notre histoire nationale récente, post-alternance. Que se passe-t-il encore dans le terroir de Alioune Souané et qui oppose frontalement des frères, des coreligionnaires ? Dans ce terroir-là, une mosquée avait été détruite et il y eut des morts, des estropiés et beaucoup de calomnies, d'anathèmes. Ce n'est pas pour rien que le fanatique est défini, sous toutes les latitudes, comme étant celui-là qui a la passion d'avoir raison, d'avoir toujours raison. À une autre époque, on disait : «Point de salut hors de l'Eglise».

(La voix du senegal du 13 au 19 juillet 2006)