Dans l’architecture économique sénégalaise, la participation des femmes est massive mais inégalement reconnue. Présentes dans tous les pans de l’économie informelle, elles constituent une force de travail indispensable, tout en restant largement marginalisées dans les secteurs structurés. Ce paradoxe reflète les barrières structurelles du marché du travail, mais aussi les angles morts persistants des politiques économiques et sociales.
Selon une étude conjointe de l’ANSD et d’ONU Femmes, 95 % des femmes en emploi au Sénégal travaillent dans l’économie informelle. Une prédominance particulièrement marquée dans la transformation agroalimentaire, le commerce de détail, la restauration de rue, ou encore la couture artisanale. Ces activités, souvent de survie, se déploient hors du périmètre des filets sociaux et échappent aux statistiques fiscales, tout en représentant une part significative du tissu économique local.
Dans ces secteurs, le travail féminin est omniprésent mais rarement valorisé. Faibles marges, accès limité au crédit ou à la formation, précarité statutaire : les obstacles sont nombreux. La charge du travail reproductif (domestique et familial) renforce par ailleurs la fragmentation du temps de travail productif, ce qui limite les possibilités d’élargir ou de structurer une activité. Cette position périphérique entrave non seulement l’autonomie économique des femmes, mais freine également le potentiel de formalisation du secteur informel dans son ensemble.
Dans le secteur dit formel, la sous-représentation est tout aussi persistante. Les femmes y sont minoritaires, tant dans l’emploi salarié que dans les postes à responsabilité. Elles demeurent peu présentes dans les chaînes de valeur à forte intensité capitalistique, notamment dans l’industrie, la finance, ou les technologies. L’écart se creuse également sur l’accès aux marchés publics, aux financements structurants, ou à l’entrepreneuriat à grande échelle.
Ces dernières années, quelques programmes publics ont visé à soutenir l’inclusion économique des femmes, notamment par des fonds dédiés ou des facilités de crédit. Mais leur portée, souvent limitée, ne permet pas encore d’inverser les tendances lourdes observées dans les données.
La condition économique des femmes au Sénégal reste ainsi à l’image de leur position institutionnelle : indispensable, mais périphérique. L’économie informelle leur offre un espace d’initiative, mais dans des conditions de grande vulnérabilité. À l’inverse, le secteur formel, porteur de reconnaissance et de protection, demeure difficile d’accès. Ce déséquilibre structurel, s’il persiste, continuera d’affaiblir à la fois les perspectives d’égalité et la capacité du pays à mobiliser pleinement son capital humain.
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