Dakar connaît actuellement une nouvelle pénurie de gaz. Une situation dont certains profitent. La scène se passe dans un télécentre situé au cœur de la Scat urbam, en ce déjà chaud mercredi matin. Un jeune vendeur de gaz, ruisselant de sueur, parvient à s’extirper de la meute coiffée de bonbonnes, amassée autours d’un camion de livraison de la précieuse marchandise, afin de passer un coup de fil important. «Il faut plus de marchandise», aboie-t-il dans le téléphone, avant de retourner précipitamment à sa tâche sans faire attention à la remarque du gérant.
«Ils font de la spéculation, annonce-t-il, je lui ai dit que ce n’était pas honnête mais il n’en a rien à faire», explique ce dernier. Il semble, en effet, que les affaires soient florissantes et ce, malgré l’augmentation du prix, qui est passé de 1 600 à 2 000 francs Cfa. «Même si c’est plus cher, il faut acheter, explique Lamine, venu en voiture sur les lieux. Utiliser du charbon, c’est cher à la longue.» Un raisonnement qui a d’ailleurs fait accourir un grand nombre d’habitants du quartier, ameutés par une rumeur dépassant largement les limites de la rue. «Gaz amna ! gaz amna ! (Il y a du gaz, il y a du gaz !)»
Certains, de passage sur les lieux, s’engouffrent dans le premier télécentre en vue, afin d’appeler des proches en renfort, «pour ne pas laisser passer une si belle occasion de se ravitailler en précieux combustible», explique avec empressement une cliente. Mais, tous n’auront pas cette chance. En effet, après une demi-heure d’immobilisation, le camion, qui n’a finalement pas reçu de provision de renfort, s’en va, en laissant un charretier, ayant récolté une partie du chargement, subir «les assauts» d’un groupe de femmes désireuses de troquer leurs bouteilles vides contre le précieux combustible.
Alors que le calme revient peu à peu, dans le télécentre, on s’interroge. «Ils gagnent 400 francs par bouteille, s’indigne Babacar, qui a assisté à toute la scène, ils n’ont pas le droit de le faire.» Visiblement agacé, il ajoute : «En plus, ce sont des grossistes. Ce camion, qui doit livrer dans les stations Total, je ne sais pas ce qu’il fait là.» Une suspicion que Mamadou, gérant du local, partage tout en échafaudant cependant sa propre théorie. «Je suis sûr qu’ils provoquent les pénuries de gaz, ça leur permet de faire monter les prix.»
Une indignation générale qui ne va cependant pas pousser les habitants à se passer de gaz. Trois heures plus tard, au niveau de la station Total de Liberté 6, c’était une foule encore plus impressionnante, qui, en pleine chaleur du milieu de journée, avait «intercepté» un camion. Et la scène de recommencer. Et elle s’est répetée en plusieurs endroits de la ville, car il semble que les distributeurs ont décidé de se passer des petits revendeurs et de toucher directement les consommateurs en faisant circuler plusieurs camions dans la ville. Cependant, outre que cela ne résoud pas les problèmes, la situation conforte ceux qui parlent de spéculation. Car, auprès de ces camionneurs, il est inutile d’espérer acquérir une bouteille de 7 kg de gaz à moins de 2 000 francs Cfa. Ce qui pousse à se demander avec insistance, à qui réellement profite cette pénurie actuelle, qui semble bien partie pour durer…
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