La thèse de doctorat de 3è cycle de Hamady Bocoum, chercheur à l’Ifan-Cheikh Anta Diop et directeur du Patrimoine culturel, a remis en cause l’existence objective des castes qui résultent, selon lui, d’une grosse faute de méthodologie au niveau des approches d'anthropologie sociale.
Il a fallu à Hamady Bocoum, chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), pas moins d’une vingtaine d’années pour à la fois synthétiser et systématiser ses recherches dans le cadre d’une thèse de doctorat de 3è cycle soutenue le jeudi 14 décembre à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar sur le thème : «Histoire technique et sociale de la métallurgie du fer dans la Moyenne vallée du fleuve Sénégal». Thèse sanctionnée par la «Mention Très honorable et félicitations du jury» composé des professeurs Abdoulaye Bathily, Directeur des recherches (Ucad); Boubacar Barry, Président du Jury (Ucad) ; Philippe Fluzin, Belfort (France) ; Paul Benoit (Sorbonne, France) ; Augustin Holl, (University Ann Arbor, Michigan, Usa); Papa Malick Ngom (Ucad, Faculté des Sciences et Techniques).
Le travail de M. Bocoum, par ailleurs Directeur du Patrimoine culturel sénégalais, a consisté à dérouler un complexe de facteurs qui ont façonné le visage de la moyenne vallée pour aboutir à quelques conclusions essentielles, voire révolutionnaires sur bien des aspects. C’est le cas lorsqu’il remet en cause une croyance bien établie et qui, encore aujourd’hui, constitue un déterminant fort des rapports inter-individuels dans nos sociétés. Le chercheur nie en effet l’existence «réellement» d’un système de castes, même si, concède-t-il, les inégalités sont réelles. «Il apparaît, note le professeur en guise d’exemple, que les artisans du fer ont créé le premier Etat connu au Moyen-Sénégal, avant de perdre le pouvoir politique par le jeu des forces politiques et sociales internes». Cependant, poursuit-il, le point d'inflexion le plus significatif dans le reflux des artisans du fer doit être mis en connexion avec le développement de la Traite atlantique qui, en apportant la barre de fer opère, de fait, une césure dans la chaîne opératoire technique dont les moments stratégiques seront progressivement transférés en Europe, créant les conditions objectives d'une dépendance structurelle. «Les artisans du fer subiront les conséquences de cette intrusion qui les mettra progressivement hors du jeu de la performance technique. Il s'en suivra une inversion de la pyramide sociale qui mettra les artisans du fer, tout comme les autres segments de la société sous la férule de monarchies violentes fortement inféodées au commerce atlantique qui, trois longs siècles durant, sera aux commandes d'une véritable économie de la violence avec son lot d'instabilité économique, politique et un coût démographique dont les effets ne sont peut-être pas encore totalement résorbés». Malgré ce reflux qui n’a pas manqué d’avoir des conséquences sociales importantes, «(nous) n’avons pu aboutir, dans notre appréciation globale, en la validation d’un système de castes. Les inférences sur la dominance, les altérités et la clientélisation ne sont pas, à notre avis, suffisantes pour valider un tel système qui, par définition pose comme principe fondamental la nécessaire impureté des uns pour la pureté des autres et implique, sans exclusive, toute la société», argumente le chercheur. Le système des castes ne correspondrait donc pas à aucune réalité objective et serait une construction politico-stratégique sur la base d’«une grosse faute de méthodologie au niveau des approches d'anthropologie sociale car elles (Ndlr : ces approches) ont procédé par projection diachronique», explique M. Bocoum.
Par ailleurs, le chercheur nous fait savoir que la perte de l'initiative technique est la principale cause de la dépendance structurelle de l'Afrique et affirme dans le même ordre d’idées que l'ingénieuse Afrique n'est pas celle de la récupération des pots de tomates et autres bricoles, mais celle de l'invention de la sidérurgie, principale mamelle, selon lui, de la révolution industrielle. A son avis, il faudrait donc aujourd'hui plus qu'hier, «réhabiliter l'Afrique inventive et cultiver ce goût dès le plus jeune âge»
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