IDEES, INVENTIONS, INNOVATIONS AU SENEGAL : La magie des mots cache un profond malaise

Idées, inventions et innovations : trois très notions simples pour les scientifique, mais qui ne semblent pas dire la même chose pour le grand public. La conférence-débat, qui a eu lieu, vendredi dernier, dans la petite salle de réunion de la librairie Clairafrique, atteste encore cela. Des représentants du grand public et des universitaires, des chercheurs comme l’architecte Mbacké Niang ont essayé de faire le lien entre ces trois concepts, pour expliquer que les pays africains ne sauraient faire l’économie de grandes inventions pour aborder les problèmes de demain.

La réflexion sur le thème « Idées, inventions et innovations au Sénégal : quelle articulation dans le processus de recherche-développement », a permis de situer un certain nombre d’obstacles culturels, sociopolitiques et économiques qui les limitent encore.

Que veulent dire, d’ailleurs, inventions et innovations ? Sur l’invention, MBacké Niang a dit simplement que le concept a été longtemps ignoré, dans les discours officiels, mais aussi dans les médias. Pourtant, l’idée qui est au centre de tout effort de recherche, c’est elle.

L’ingénieur du bâtiment, qu’il est, explique encore que tout ce qui a été fait par les chercheurs n’a pas été bien expliqué et exploité par l’Etat, le secteur privé et les inventeurs eux-mêmes. Le contexte politique y est sans doute pour quelque chose. Car depuis la disparition des deux grands prix du chef de l’Etat pour les sciences, pour l’invention et l’innovation technologique, l’animation de la recherche est dans l’impasse.

D’ailleurs, qui se rappelle encore que Sanoussi Diakité a été l’un des derniers lauréats, avec l’invention de la machine à traiter le fonio ? Mbacké Niang, lui-même, n’a-t-il pas été l’inventeur de la fenêtre à Claustra facilitant une bonne ventilation et la pénétration du rayonnement lumineux dans la chambre ?

Un contexte peu propice aux inventions

Cette technologie, qui existe depuis des années, n’est pas bien connue, au Sénégal Or, elle est réalisable, selon la volonté de tout investisseur. Cela vient aussi de manque de collaboration entre les inventeurs et les entreprises, selon lui.

A l’en croire, rien que pour breveter sa découverte, le chercheur souffre de tous les maux du monde, à plus forte raison protéger le brevet et le mettre à la disposition du pays. Il lui faut encore parcourir un long chemin pour en arriver à convaincre l’Etat qu’elle devrait être protégée par lui pour les générations actuelles et futures.

Pour dire, selon lui, que « l’inventeur ne peut être seul avec son œuvre. Il vit en société et a besoin de partager son projet, depuis l’idée jusqu’à la livraison du résultat aux entreprises ou utilisateurs. Ce qui permet de le mettre dans un réseau national, d’abord, et international, par la suite. »

Mais, aujourd’hui, déplore le chercheur, la principale difficulté, qui est le propre des adeptes des idées, de l’invention et de l’innovation, semble être liée à un contexte non encore propice aux échanges d’arguments sur un produit.

Ce qui a fait dire au docteur Boubacar Mbodji, de la Faculté des Sciences de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, « qu’il existe un réel problème, dans nos pays, entre l’environnement de le recherche et l’univers politique. Il faut dire qu’il existe des problèmes de cohérence entre les deux mondes ; il y a même un décalage entre le monde de la recherche et les réalités politiques. Par exemple, soutient le chercheur, pourquoi éclairer la corniche avec des lampadaires électriques, alors que le solaire pouvait être une solution facile pour tout le monde. »

Alors, le chercheur s’emploie à battre aussi en brèche tout le tapage qui a été fait autour des biocarburants, secteur érigé en ministère de plein exercice, cela, sans aucune concertation entre le monde de la recherche et le président de la République.

Et Boubacar Mbodji conclut par cette formule : « Avec les biocarburants, on risque bientôt de devenir tous des traitants du ’abanani’, telle l’époque coloniale, où l’arachide, la principale culture de rente, était proposée aux riches colons !