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IDY, SALIF BA, AZIZ TALL, KHADY DIAGNE, MBAYE DIOUF DIA... : Secrets de prison

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IDY, SALIF BA, AZIZ TALL, KHADY DIAGNE, MBAYE DIOUF DIA... : Secrets de prison

Le 7 février dernier Idrissa Seck, ancien Premier ministre sortait de prison après un séjour de près de sept mois. Il clôture (provisoirement ?), la longue liste de personnalités (ministre, directeurs généraux, syndicalistes, douaniers...) à avoir séjourné à Rebeuss depuis 1998. Mais comment ces personnalités ont-elles vécu leur séjour carcéral. Mademba Sock, considéré comme l’un des détenus les plus solides que Rebeuss ait jamais connu et un ancien directeur général de société témoignent sur la plus grande peur des Sénégalais.

La Maison Centrale d'arret de RebeussArrêté le 15 juillet 2005, pour entre autres délits, atteinte à la sûreté de l’Etat, détournement de deniers publics dans les chantiers de Thiès, Idrissa Seck sera libéré le 6 février 2006, au moment même où démarrait la demi-finale Sénégal-Egypte. « Même s’il était isolé des autres détenus et faisait l’objet d’une surveillance permanente, on n’a jamais senti la détention peser sur lui », confie un de ses conseils, sous le sceau de l’anonymat. L’ancien homme fort du Pds est « resté égal à lui-même : serein. Il était toujours souriant et détendu ». Le journal « Le Quotidien » n’a pas manqué de souligner que l’ancien Premier ministre manifestait quelques signes d’agacement à quelques jours de sa sortie de prison, craignant que ses négociations avec Wade n’échouent. Salif Bâ, l’ancien ministre de la Construction, de l’Habitat et du Patrimoine bâti, a été moins résistant. Incarcéré à Rebeuss dans le cadre des chantiers de Thiès et ne supportant manifestement pas la vie dans cet univers carcéral, il a été rapidement transféré au pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec, avant de se retrouver à la clinique Brévié de l’hôpital Principal, dans la même chambre où sa mère a rendu l’âme. Ce qui décuplait son angoisse. Après une nuit passée à Rebeuss, Abdourahim Agne, leader du Parti de la réforme (Pr), a séjourné lui aussi pendant une quinzaine de jours, au Pavillon spécial. Mahmoud Saleh, après une altercation avec des gardes pénitentiaires suite à l’interpellation de Madiambal Diagne, a passé trois semaines à Rebeuss. Depuis sa sortie, il est devenu presque aphone.

Le corps de la Police, n’a pas non plus été épargné par les arrestations. Sur la liste, figurent l’ex-adjoint du commissaire des Hlm, Ndiack Sarr, Assane Sall, adjoint au commissaire Abdoulaye Niang de l’Ocrtis qui devait passer le 16 février 2006, devant le Tribunal correctionnel. L’affaire a été renvoyée au 16 mars, à la demande de l’une des parties adverses. Au cours d’un entretien accordé au quotidien « Le journal », Assane Sall, avait confié que se retrouver dans le même milieu que des individus qu’il avait fait déférer, l’avait fortement ému. Sa rencontre avec Ino, « qui, malgré sa réputation de bandit de grand chemin, ne ferait pas de mal à une mouche », sera à jamais gravée dans sa mémoire. De cette expérience, le commissaire Sall a retenu que « la détention devrait faire partie de la formation du policier ». Mody Ndiaye, également agent de l’Ocrtis, a été arrêté. Plus récemment, Coumba Ngouye Thiam, inspectrice de Police a été incarcérée dans le cadre du dossier d’Idrissa Seck. Selon un de ses proches, l’inspectrice de police a « mal vécu » cette épreuve et en est sortie « très éprouvée et traumatisée ».

La prison et le Coran

En juillet 2004, le scandale des « faux-bons à enlever de la douane » éclate. Parmi les douze personnes arrêtées, deux ont bénéficié d’une liberté provisoire. Sous le couvert de l’anonymat, un des conseils des mis en cause confesse :« Avec un sentiment mitigé de croyant, certains se montrent fatalistes et supportent l’incarcération sans broncher. Ils se disent que c’est le Bon Dieu qui avait prévu cela. C’est l’exemple de Tafsir Malick Sylla ».Tout le contraire de son père et de sa femme qui ne dissimulent pas leur rancoeur. D’autres détenus, remarque le spécialiste en droit, « trouvent injuste d’avoir été arrachés à tout, du jour au lendemain : femme, enfants, travail, liberté ». C’est d’autant plus difficile à supporter, tente d’expliquer cet avocat, qu’ils demandent sans cesse ce qu’on leur reproche. Mbaye Diouf Dia, un des principaux douaniers mis en cause pour complicité d’importation de marchandises prohibées et complicité de faux et usage de faux, a vu lui, son état de santé se détériorer à Rebeuss. « Il se sentait responsable du groupe et faisait tout reposer sur lui. Avec le stress, il a commencé par souffrir d’hypertension. Il a été mis en liberté provisoire pour raison de santé ». Saliou Mbow est le second, parmi les douze détenus, à avoir bénéficié d’une liberté provisoire. Nos confrères de la presse, n’ont pas été épargnés. Le jour de son jugement pour diffamation, au sujet d’un article sur deux sœurs, Pape Daouda Sow, directeur de publication de l’hebdomadaire « Mœurs », a vraiment manqué de pot. Deux femmes siégeaient en qualité de Présidente et de Procureur. Un mandat de dépôt a été décerné contre lui. Les menottes lui ont été mises, séance tenante, dans la salle d’audience. A en croire des personnes qui l’ont côtoyé, Pape Daouda Sow, qui n’hésitait pas dans « Mœurs », à relater les « parties de jambes en l’air » dans les moindres détails, a mis de l’eau dans son « bissap », une fois sorti de prison. N’empêche, au bout de six mois de détention, PDS, ainsi que le nomment ses proches, a remis cela avec « Nuit et jour », qui fera long feu dans les kiosques. Toujours chez les journalistes, le directeur de publication du « Quotidien », Madiambal Diagne, victime de l’article 80 du Code pénal, comme l’opposant Abdoulaye Wade durant les années de braise, a été inculpé et placé sous mandat de dépôt. Une expérience enrichissante pour le journaliste qui a profité de son séjour carcéral pour faire des reportages mémorables. Le jugement devait passer vendredi 17 février en audience spéciale, mais a été renvoyé au 21 mars 2006. A sa sortie de prison, le premier geste du syndicaliste Cheikh Diop, de la Cnts-Fc, arrêté dans le cadre de l’incendie de la Bourse du travail, a été d’aller à la mer prendre une douche. Peut-être avait-il besoin de se laver de toute la souillure de ce lieu tant redouté des Sénégalais. Son second acte a été de s’offrir un petit-déjeuner dans un hôtel. Après des mois au régime forcé du « diaga » (plat à base de riz et de poisson séché) servi à Rebeuss, Cheikh Diop voulait sans doute s’offrir un vrai repas en toute liberté. Le procès des inspecteurs du trésor, en audience spéciale les vendredi 19, samedi 20 et dimanche 21 novembre 2005, a été un vrai marathon. Incarcérés depuis 1999, pour des détournements estimés à près de 3 milliards par l’Etat du Sénégal, ils ont été condamnés à 6 ans, une peine égale à leur période de détention. Présenté comme le cerveau de la bande, Mamour Diack, a confessé, en aparté entre deux pauses du Tribunal, alors qu’il était assis dans le box : « Le plus dur, ce sont les premiers jours. J’ai perdu ma mère et mon père en moins de deux mois. C’est en prison que j’ai appris à lire le Coran. Tous les vendredis, nous faisions un récital de Coran. Il était écrit que j’allais passer par là. Je me suis dit que je sortirais quand le Seigneur le déciderait ». Poursuivi, puis emprisonné au sujet des anti-rétroviraux, qu’il aurait commercialisés alors qu’ils étaient destinés à des dons, Latif Guèye de l’Ong « Jamra », est sorti de prison en chaise roulante, complètement métamorphosé. Manifestement très diminué par son séjour, il a été transféré au Maroc, pour y subir des soins du fait d’une maladie décelée en prison. L’ancienne directrice de la Sodida, Khady Diagne, n’a pas besoin de le crier sur tous les toits, pour faire savoir que son séjour carcéral l’a particulièrement traumatisée. « C’est deux ans de ma vie, je ne peux pas le raconter ainsi. Je veux bien en discuter avec vous en tant que femme, mais il faut que j’avise mon avocat. La quatrième partie du Code pénal prévoit les conditions de détention, mais c’est loin de se passer ainsi. J’ai beaucoup de choses à dire à ce sujet. La prison des femmes et celle des hommes, ce n’est pas la même chose. J’ai bel et bien subi des cours de maîtrise de soi, mais... » Selon un de ses proches requérant l’anonymat, Khady Diagne a « littéralement disjoncté » en prison. Sinon, poursuit notre source, comment expliquer, que consciente des répercussions, elle ait décidé de renoncer à son droit de faire appel ? Khady Diagne, qui a fait deux ans de détention, a fait un bref passage, après son incarcération à « Magic Land », en qualité de gestionnaire. Après un bref passage dans cette structure de loisirs, elle travaille à son propre compte.

TEMOIGNAGE D’UN EX-HAUT FONCTIONNAIRE : « Il faut le vivre, pour le comprendre »

Comme pour le fait de mettre un enfant au monde, aucune femme ne peut en parler, tant qu’elle n’est pas encore passée « sur la table ». « Il faut le vivre ; on ne peut l’expliquer au point qu’on le comprenne », ainsi pourrait se résumer le témoignage d’un ancien détenu, haut fonctionnaire. « L’erreur à ne pas commettre, c’est de franchir le seuil de la prison, en se disant qu’on est Dg ou ministre. Il faut se mettre dans la tête qu’on est juste un détenu, et se comporter comme tel », raconte cet ancien détenu, ex-agent de l’Etat, qui a séjourné dans le cinquième secteur. Dans cette partie de la prison de Rebeuss, on raconte encore des anecdotes sur les anciens directeurs généraux du « Soleil » Ibrahima Gaye et de la « Lonase », Abdou Aziz Tall. « Le calme de ces deux-là m’a impressionné, témoigne l’ex-fonctionnaire ». Il se souvient du jour de l’arrivée d’Abdou Aziz Tall. C’était le jeudi 20 décembre, jour du décès du Président Léopold Sédar Senghor. « Il est venu comme il est parti : calme et serein. Le jour de son départ, il partait au même moment où on apportait son déjeuner. Je pense qu’il se doutait qu’il allait sortir, mais il n’a rien voulu dire à sa femme, par crainte de lui donner de faux espoirs ». Une fois, raconte l’ancien pensionnaire de Rebeuss, Moussa, un détenu du premier secteur, avec qui Abdou Aziz Tall était particulièrement généreux comme du reste avec les autres détenus, l’a croisé en train de sortir son linge. Le voyant avec des bagages, il a cru qu’Aziz sortait et s’est alarmé à l’idée de ne plus bénéficier de ses largesses. Aziz l’a rassuré qu’il partait juste pour le linge mais lui a quand même demandé de prier pour qu’il sorte ». De l’avis de cet ancien haut fonctionnaire de l’Etat, le seul jour où il s’est senti vraiment faiblir, a été celui du naufrage du bateau « le Joola ». « J’ai entendu la nouvelle dans la cour. Cela m’a particulièrement choqué par ce que j’avais rêvé deux fois de la catastrophe. Contrairement aux idées qui sont véhiculées à l’extérieur, la prison est un lieu de concentration, où baigne une relation avec Dieu, aseptisée de toutes les souillures de la société. On y apprend plutôt le recueillement et on se sent plus proche de Dieu. Nous étions de nombreux détenus à faire des rêves. D’ailleurs, les livres qui parlent des interprétations des rêves y sont très prisés ». Les autres moments difficiles, sont les jours de Tabaski, Korité, Gamou... « Sans vouloir me jeter des fleurs », raconte notre source, qui dit avoir été stoïque, je me suis dit que je suis un musulman et que c’est le moment de le prouver. Il s’agissait d’un test à dimension réelle. Ensuite, beaucoup d’exemples dans ce monde comme les Prophètes Youssouf et Mouhamed (Paix et salut sur lui), Serigne Touba, Nelson Mandela, ont subi des épreuves ou séjourné en prison. Dès que l’on se dit cela, la bataille psychologique avec soi-même est gagnée. Cela ôte 80 % de la détresse ». Ensuite, ajoute notre source, « aujourd’hui, je discute de mon séjour carcéral avec aise parce que j’ai la conscience tranquille, celle de n’avoir pas fauté. On m’a arrêté pour des raisons politiques, parce que je n’ai pas accepté de transhumer, lorsque l’Alternance est survenue ». C’est pour cela, poursuit-il, que maintenant, quand il regarde la télé avec ses enfants, ils n’ont aucune honte à lui demander, par exemple : « Papa, est-ce que tu portais une tenue comme cela quand tu étais à Rebeuss ? ». Pour ne pas donner de raison à ceux qui l’avaient brimé, d’éprouver le sentiment de le priver de quelque chose, l’ancien fonctionnaire mettait un point d’honneur à être toujours tiré à quatre épingles. « Je mettais des boubous amidonnés, des costumes et des parfums haut de gamme ». C’était surtout lors des visites-contacts, dont bénéficiaient en particulier les détenus du cinquième secteur, qu’il prenait le plus soin de sa personne. « En tant que prisonnier, on se dit toujours que ceux qui sont à l’extérieur souffrent plus que nous. Je devais donc rassurer mes proches, pour ne pas leur donner l’impression d’avoir dépéri. Pas par orgueil, mais pour ne pas les chagriner ». Comme pour donner le mot de la fin, l’ancien détenu qui dit n’éprouver aucun ressentiment envers ceux qui l’ont mis en prison déclare : « On ne peut expliquer ce qui se passe en prison, au point qu’on le comprenne : il faut le vivre ».

 



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