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Il y a 20 ans, disparaissait l’écrivain Birago Diop

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Il y a 20 ans, disparaissait l’écrivain Birago Diop

Dakar, 24 nov (APS) - Il y a 20 ans, le 25 novembre 1989, disparaissait à Dakar, Birago Diop, écrivain sénégalais d’expression française, qui rendit hommage à la tradition orale de son pays en publiant essentiellement des contes et des poèmes.

Né en décembre 1906 ‘’accidentellement’’ à Ouakam, comme il le disait, il reçut une formation coranique et suivit simultanément les cours de l’école française. En 1920, il échoua à l’examen d’entrée à l’école William Ponty, mais obtint une bourse pour le lycée Faidherbe à Saint-Louis. Il fréquenta cette école mixte, de 1921 à 1928.

En 1928, alors qu’il essayait d’obtenir une nouvelle bourse, Diop fut appelé au service militaire. Il fut, pendant onze mois, infirmier à l’hôpital militaire de Saint-Louis.

Pendant ses études de médecine vétérinaire à l’Université de Toulouse (1928-1933) et à l’Institut d’études vétérinaires exotiques à Paris (1933-34), il resta à l’écoute des travaux des africanistes, et s’associa à la fin des années 1930 au mouvement de la Négritude lancé par Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon Gontran-Damas. Birago Diop a collaboré au journal ‘’l’Etudiant Noir’’ fondé par Senghor.

De retour en Afrique il fut nommé à Kayes chef du Service de contrôle du bétail pour l’ouest du Mali. Il occupa ce poste de 1934 à 1937.

Dans l’édition du 27 novembre 1989 du quotidien national Le Soleil, Djib Diédhiou note que ‘’Birago, à cause de son universalisme, fut une lumière, un phare dont le rayonnement s’étend sur une longue distance’’. Diédhiou rappelle la valeur de ses œuvres, l’amour du disparu pour son pays — ‘’à l’heure du choix entre la nationalité sénégalaise et la française, il opta résolument pour la première’’.

‘’Un conte comme ‘Sarzan’ — adapté au cinéma par El Hadji Momar Thiam —, un poème comme ‘viatique’ ne sont autres que des invites qui nous sont adressées pour que les garnitures de la tradition ne soient pas prises pour des ‘manières de sauvages’, du fait d’un cartésianisme de mauvais aloi’’, rappelle le journaliste du Soleil dans un hommage.

C’est à Paris que Birago Diop composa, en 1942, les ‘’Contes d’Amadou Koumba’’ (publiés en 1947), marquant dès ce premier livre sa prédilection pour la tradition orale des griots, ces conteurs populaires dont il ne cessa jamais d’écouter la voix et la sagesse.

Il a rencontré l’animateur et l’inspirateur de ses contes, Amadou Koumba Ngom, âgé de soixante ans, à côté de l’endroit où la rivière Falémé se jette dans le fleuve Sénégal. Cette rencontre déterminante a été possible à une période où, alors qu’il servait à Kayes, entre 1934 et 1937, le vétérinaire parcourait la région à cheval, en canoë et en automobile.

‘’Amadou Koumba m’a raconté les contes qui m’avaient aidé à m’endormir quand j’étais enfant. Il m’en a appris d’autres aussi, tout remplis de maximes et de morales, dans lesquelles se retrouve toute la sagesse de nos ancêtres’’, expliquait Birago Diop.

Pour le critique littéraire Mohamadou Kane, ‘’les Contes d’Amadou Koumba donnent un panorama complet de la vie rurale…Ce souci de réalisme est un héritage du conte populaire qui reflète la façon de vivre et les tristesses les plus profondes des auditeurs’’.

Kane a publié en 1968 à l’Université de Dakar ‘’Les Contes d’Amadou Koumba, du conte traditionnel au conte moderne d’expression française’’, une analyse de l’œuvre de Birago Diop. Il est aussi l’auteur de : ‘’Birago Diop, l’homme et l’œuvre’’ (Présence Africaine, 1971) et ‘’Essais sur les Contes d’Amadou Koumba’’ (Nouvelles Éditions Africaines, 1984).

Le poète Léopold Sédar Senghor, lui, souligne qu’en ‘’disciple fidèle d’Amadou, fils de Koumba, il (Birago Diop) reprend la tradition et renouvelle la fable et les anciens contes dans leur esprit et dans leur style’’. ‘’Mais il les renouvelle en les traduisant en français, et conserve en même temps toutes les qualités des langues négro-africaines’’, ajoute Senghor.

De 1942, année de composition des ‘’Contes d’Amadou Koumba’’ à 1944, Diop travaille à l’Institut de médecine vétérinaire exotique de Paris. Après la Libération de Paris de l’occupation nazie, il rejoint son poste de contrôleur de bétail à Dakar. De 1945 à 1950, il travaille comme vétérinaire en Côte d’Ivoire et en Haute-Volta (actuel Burkina Faso). En 1950, il rentre au Sénégal.

Respectueux de l’oralité, il affine un talent original d’écrivain dans ‘’Les Nouveaux Contes d’Amadou Koumba (Présence Africaine, 1958 — préface de Léopold Sédar Senghor) et ‘’Contes et Lavanes’’ (1963 — Grand Prix littéraire de l’Afrique noire d’expression française en 1964). Son recueil de poèmes ‘’Leurres et Lueurs’’ (Présence Africaine, 1960) est profondément imprégné de culture française alliée aux sources d’une inspiration purement africaine. Au théâtre, il a écrit la pièce ‘’L’Os de Mor Lam’’ (Nouvelles Editions Africaines, 1966)

Les gestes de Birago Diop, rappelle Djib Diédhiou, ‘’n’étaient enveloppés que de simplicité. Il vous regardait derrière ses lunettes, ses petits yeux pétillant de malice, son front brillant d’intelligence, son éternelle pipe calée entre les dents ou accentuant les mouvements majestueux de sa main lorsqu’il engageait la conversation avec ses interlocuteurs’’.

L’ancien ministre Amadou Karim Gaye, cité dans Le Soleil, a dit, dans son oraison funèbre, que Birago Diop avait mené une ‘’djihad’’ par la plume ‘’pour éveiller les consciences, pendant que d’autres s’étaient engagés dans l’action politique, ou la profession d’ingénieur, pour le bien-être de leurs semblables’’.

Sa carrière diplomatique, après l’indépendance de son pays (il a notamment servi en Tunisie entre 1961 et 1964), et son retour à son premier métier de vétérinaire à Dakar, n’ont pas entravé son exploration de la littérature traditionnelle africaine.

Même s’il déclara avoir ‘’cassé sa plume’’, il publia ‘’Contes d’Awa’’ (Les Nouvelles Éditions Africaines, 1977). ‘’La Plume raboutée’’ (Présence Africaine/Les Nouvelles Éditions Africaines, 1978), est le premier volet de ses mémoires dont il poursuit la rédaction avec ‘’A Rebrousse-temps’’ (Présence Africaine, 1982), ‘’Du Temps de...’’ (L’Harmattan, 1987) et ‘’Et les yeux pour me dire’’ (L’Harmattan, 1989). Dans la même période qu’il a publié le roman ‘’À Rebrousse-gens’’ aux éditions Présence Africaine (1985).

Pour Moustapha Tambadou, critique littéraire et actuel secrétaire de la Commission nationale pour l’UNESCO, ‘’entrer dans les contes de Birago Diop est un enchantement et un émerveillement permanents’’.

‘’On ressent toujours cette impression, à nulle autre pareille, d’avoir toujours été là, tant tout semble facile et a sa place’’, témoigne Tambadou dans un hommage publié par Sud-Hebdo trois jours après l’inhumation de l’écrivain.

Le critique estime que Birago Diop, en perfectionniste, écrivait avant tout pour les autres. ‘’C’était un homme limpide. Et comme tous les purs, il vouait une sorte de culte au peuple pour lequel il écrivait et duquel il désirait être compris (...)’’

Moustapha Tambadou ajoute : ‘’Thématique et écritures populaires, volonté de subversion de l’ordre politique répressif, refus de l’hypocrisie et, fondamentalement, tension permanente vers l’Autre, allant jusqu’à l’oubli de soi, c’est tout cela qui caractérisait Birago Diop qui était avant tout un Ecrivain, c’est-à-dire un homme libre’’.

Le siège de l’Association des écrivains du Sénégal (AES), sis au Point E (quartier résidentiel de Dakar), porte son nom.



ADC


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