Le «mbaraan», comprenez l’art de plumer son prétendant, renvoie à la frivolité et surtout à une inconstance volontaire dans les relations amoureuses. Les «mbaraan-kat» disons-le tout net, ne sont pas des prudes. En face d’elles, dans ce jeu de dupes, les coureurs de jupons, dont le principal argument est l’argent, prêts à tout pour assouvir leur insatiable appétit sexuel. Bienvenue dans un microcosme où tous les coups sont permis.
Les filles qui s’y adonnent en général, sont celles qui choisissent de vivre dans un monde onirique, croient en leur beauté, et n’ont qu’une caisse enregistreuse à la place du cœur. Alors ne vous étonnez pas de croiser une adolescente, ou dans le meilleur des cas, une toute jeune femme, à peine sortie de l’adolescence, en train de fricoter avec un homme de l’âge de son père, parfois de son grand-père.
En cette période de veille de fête, le modus opérandi est tout trouvé pour nombre de filles et jeunes femmes pour assouvir leurs désirs matériels en perspective de la Tabaski. Et, la coïncidence entre la rentrée scolaire, la Tabaski, les réveillons de Noël et Saint Silvestre à venir aidant, c’est parti pour une longue période de jeu de dupes (jusqu’à la fin de l’année) entre les «mbaraan-kat» et ces coureurs de jupons, dont le principal argument est l’argent, prêts à tout pour assouvir leur insatiable appétit sexuel.
Selon les besoins du moment, elles ont à faire avec des enseignants, des commerçants, des vendeurs de tissus, de produits cosmétiques, de mèches et greffages, des tailleurs, etc. Objectif, obtenir tout ce qu’elles désirent pour un mieux paraître et la réussite de la fête, le tout sur fond de tromperie ou en échange d’une «copie» du cœur, donc sans bourse délier.
Trouvée sur les allées des Parcelles assainies, Awa Camara avoue avoir deux mecs : «j’ai deux petits amis, l’un est catholique, depuis cinq ans on est ensemble et il n’a pas réagi, et je me suis trouvé un autre. Je vis avec mon beau-père, et il est retraité ; ma mère est femme au foyer, et mon beau-père ne peut pas tout régler pour moi. C’est pour cette raison que je me suis dit que je peux avoir un autre mec. Elle ajoute : «je les gère comme il faut ; l’un vient pendant la nuit, l’autre dans la journée et je ne pense pas que cela soit de la prostitution» a-t-elle martelé.
M. Wagne, 24 ans, étudiante, s’en coltine un peu plus : «J’ai trois mecs que je gère sans problème, vu que l’un est en dehors du pays. La vie est dure, c’est pourquoi je ne peux pas avoir un seul petit ami. Un seul ne peut pas satisfaire tous mes besoins. Tout ce que veux, c’est qu’ils me financent». Elle poursuit : «ce n’est pas de la prostitution déguisée car jusque là, je reste vierge», précise-t-elle dans un éclat de rire.
Lans, 34 ans, infographe porte un jugement plutôt sévère sur cette pratique : «les filles qui font cela savent réellement que c’est de la prostitution. Elles pensent que les hommes sont des fous et c’est tout à fait le contraire».
Iba, quant à lui, est plus sceptique : «les filles aiment la facilité. Il y a, certes, des hommes qui offrent de l’argent sans échange ; mais il y en a d’autres qui pratiquent le donnant-donnant, sinon, «da fay yomb torop» (ce serait trop facile). Elles ignorent les conséquences auxquelles elles sont exposées».
Cette dame qui dépasse la cinquantaine, allongée sur son lit prend la parole sans être interrogée. « Les filles d’aujourd’hui n’ont pas froid aux yeux, bien au contraire, on les voit en compagnie des hommes qui ont l’âge de leur père ; elles ignorent les maladies qu’elles peuvent attraper en jouant à ce petit jeu à la mode», déplore-t-elle. «Il ne faut pas assimiler le «mbaraan» à de la prostitution. Car, nous avons aussi nos «thiamigne» (frères ou amis) qui donnent un coup de pouce dès fois», relativise Maty, étudiante à la faculté des Lettres.
Sortie de crise
Selon le sociologue Tidiane Ndoye, «le mbaraan est une stratégie de sortie de crise. Donc, au premier sens, «mbaraan» veut dire une multiplication des partenaires pour drainer des ressources. Quand une jeune fille dit que c’est mon «mbaraan», ce n’est pas l’homme qu’elle aime mais plutôt un homme qui a des ressources économiques financières, qu’il peut mettre à la disposition de la femme moyennant d’autres biens que ce soit sexuel, de prestige parce qu’elle est belle et présente bien. En somme, c’est un échange de biens socio-économiques naturels, entre un homme et une femme. De telles pratiques, visant à détenir des biens auxquels ses seuls moyens ne permettent pas toujours d’accéder exposant tout le monde au VIH/sida et ces femmes en premier».
Il y a certes des solutions pour lutter contre le «mbaraan», professe le sociologue «mais, des solutions très difficiles à trouver, parce qu’elles sont à la fois micros et macros. D’abord, développer le Sénégal peut être considéré comme une solution (c’est une bien grande entreprise), la restauration de l’autorité parentale au niveau de la famille mais il y en a d’autres aussi. Mais il faut parler aussi de ces hommes qui poussent ces filles vers le «mbaraan», parce qu’ils n’ont d’autres arguments à prévaloir ; ils se posent eux-mêmes en «mbaraan» potentiels. Il ne peut y avoir d’appâtés sans appâts», tranche Tidiane Ndoye.
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