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[ A U D I O ] Jour de Tabaski!

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[ A U D I O ] Jour de Tabaski!

Au Sénégal, on célèbre la Tabaski, ce mardi. Pour l’ensemble des familles, c’est la fête la plus importante de l’année. Celle où chacun égorge un mouton. Plus qu’un simple animal, cet ovin est d’ailleurs un véritable symbole qui fait l’objet de toutes les convoitises. Chacun y met donc le prix, même si par ces temps de difficultés économiques, la fête s’annonce un peu morose, dans la capitale comme à l’intérieur du pays. Reportage.

Dakar. Samedi 6 décembre. La ville a des allures de foire agricole. Les moutons ont tout envahi : les places, les ruelles et jusqu'au moindre trottoir laissé vacant par les vendeurs ambulants. Dans le quartier de Liberté 5, les bêtes s'entassent par milliers sur le rond point principal. Il est 17 heures. La nuit vient de tomber, mais les négociations se poursuivent. C'est la dernière ligne droite avant le grand sacrifice. Les pieds enfoncés dans un matelas de foin, Moustapha Mbengue discute le prix. « Celui là, me plait bien », dit-t-il en tapotant affectivement un jeune mouton blanc tacheté de marron. Ndiaye, le vendeur, observe les yeux rieurs. « On n'a pas encore conclu, mais c'est une belle bête. Regardez : sa queue est longue, il a de belles cornes, des bonnes dents et de gros testicules ».

Choisir son mouton, n'est pas une mince affaire. C'est même une mission de spécialistes qui peut durer des heures. Vendeurs ou acheteurs, hommes ou femmes, chacun a son avis sur les critères. La seule constante dans les goûts, c'est le gros bélier. Blanc de préférence, avec de longs poils et une croupe bien dodue, il fait l'objet de toutes les convoitises. « Pour les gens de la ville, la taille du mouton est un moyen de montrer qu'on appartient à une certaine classe sociale », explique le sociologue Djiby Diakhaté. « Plus il est gros, plus cela veut dire que la personne est importante. Aujourd'hui, c'est un véritable enjeu de société et le problème c'est que les ménages sénégalais dépensent plus que leurs budgets pour se l'offrir. Même en cette période difficile ».

« Un business comme un autre »

Cette année, il faut compter environ 70 000 francs Cfa pour un mouton, soit le double du salaire minimum au Sénégal. Les plus gros, eux, s’achètent parfois 500 000, voire un million de francs Cfa. Des sommes astronomiques qui créent souvent des remous dans les familles. « Moi je veux un mouton normal comme le dit la religion », maugrée Ngor Sarr, la tête enfoncée dans ses épaules, « mais y’a mes beaux-frères là qui me fatiguent. Eux ils cherchent la qualité, un gros mouton à 140 000. C’est des dépenses inutiles. On dirait qu’ils ne se rendent pas compte que c’est la crise ».

Les éleveurs le savent bien : la vente de mouton à Dakar est un bon filon. Beaucoup n'hésitent d'ailleurs pas à faire des milliers de kilomètres pour se rendre dans la capitale. Certains sénégalais lambdas, eux, se transforment en revendeurs, le temps de la Tabaski. « C'est un business comme un autre », confie Cheikh Fall, un jeune banlieusard de Guediawaye. « On fait ça depuis cinq ans car on n'a pas de travail. Ça permet de nourrir la famille pendant un à deux mois », poursuit-il, en désignant quelques amis, assis autour d'un thé sous un petit abri de fortune, construit au milieu du rond point. « Mais cette année, les affaires ne marchent pas très bien », s’inquiète Pape Abdourahmane Ndiaye, le vendeur d’à-

Soghi Sow, sur le marché de N'Doukouré (région de Thiès) : « Nous remercions Dieu parce que nous vendons petit à petit les moutons alors que nous savons qu'il n'y a pas d'argent cette année ».
(Photo : RFI/Laurent Correau)

côté.

Plus un mouton à 18h00


 

A plusieurs heures de route de la capitale, dans la région de Thiès, les préparatifs de la Tabaski ont duré jusqu’à la dernière minute. « Les acheteurs viennent au dernier moment parce qu’ils craignent qu’on leur vole leur mouton, ou parce qu’ils ne souhaitent pas le nourrir ! », indique El Hadj Birame Sow, le responsable du marché de N'Doukouré, à la sortie de Mékhé, assis sur un lit de camp installé dans sa case en paille. Il est resté là, raconte-t-il, jour et nuit depuis une semaine. Il a dû régler les litiges entre acheteurs et vendeurs ou les problèmes de vol. Et ses équipes ont dû veiller à ce que les éleveurs ne gavent pas leur bête avec de l’eau et de l’aliment pour bétail « pour donner au mouton un plus grand ventre ». Mission accomplie. A 18 heures, dit-il, il n’y avait plus une bête à vendre sur le foirail.

Le succès du marché n’était pourtant pas gagné d’avance. Trônant au milieu de ses bêtes, l’un des éleveurs, Soghi Sow se montrait prudent, hier à la mi-journée, et confiait : « Nous remercions Dieu parce que nous vendons petit à petit les moutons alors que nous savons qu’il n’y a pas d’argent cette année ».

« Pas d’argent cette année »

L’argent manque. Des mots souvent entendus. Les cultivateurs de la région de Thiès décrivent ainsi une Tabaski un peu morose.  Les maraîchers, par exemple, ont dû faire face dans le même temps aux dépenses de la fête et au financement de leurs intrants agricoles (semences, engrais, produits phytosanitaires…) « C’est la réunion de ces deux préparatifs qui a été difficile », explique Matar Ndiaye, le président de la communauté rurale de Darou Khoudoss, qui rassemble 55 000 habitants, beaucoup d’entre eux maraîchers.

Morosité également chez les producteurs d’arachide, mécontents du prix au kilo fixé par les autorités : 165 francs Cfa. Des producteurs qui hésitent entre conserver leurs récoltes et passer sur le marché parallèle « Sur le marché parallèle, il est possible d’obtenir 200 francs Cfa du kilo », explique Samba Mbaye, animateur rural et producteur d’arachide, « mais même cela c’est encore vendre à perte… 200 Cfa, c’est ce que me coûte la production du kilo d’arachide. »

Certains ont du coup décidé de ne pas vendre leur récolte et de financer l’achat du mouton sur leurs ressources vivrières. Assis sur une branche à l’ombre d’un arbre, Modou Gaye, un producteur d’arachide, explique qu’il a dû vendre plus du quart de son stock de mil pour financer le mouton de la Tabaski. Du mil qu’il devait utiliser pour sa propre consommation. « Du coup, dit-il, c’est la période de soudure entre les deux récoltes qui sera encore plus longue et encore plus difficile ».



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