KANDIALON: Un village oublié dans la forêt casamançaise

Dans le cercle des plus grands foyers religieux du département de Sédhiou figure kandialon. Une localité dont la simple évocation du nom rappelle à bien des égards toute la déférence et le savoir faire d’un pouvoir maraboutique dans cette partie méridionale du pays. Kandialon, bourgade à majorité Diakhanké (ethnie locale de la zone), est aujourd’hui estimée à près de quatre 4000 habitants.

Elle est située à une soixantaine de kilomètres dans le Nord Ouest de Sédhiou à deux kilomètres et demi de la route nationale N°4 qui relie Ziguinchor à Sénoba dans l’arrondissement de Bounkiling. le rayonnement au plan religieux du village de Kandialon, remonte à son passé glorieux sous le magistère de feu El hadji Madiba Diaby Gassama. Ce natif de la Guinée Bissau vers les années 1900 s’est tour à tour exilé en Guinée Konakry puis en Gambie suite à l’éclatement de la guerre de libération au pays de Amical Cabral. C’est ainsi qu’il est allé définitivement s’installer à Kandialon vers 1944 où il a fait prospérer les vertus de l’islam et de la sunna. En son temps, seules quatre concessions meublaient le décor du village.

Aujourd’hui, le prestige y est tel que les événements religieux prennent une dimension sous régionale en témoignent les nombreuses délégations venues du mali, de la Guinée Bissau, de la Mauritanie, de la Sierra Léone, de la République de Guinée et de la diaspora des talibés à travers le monde à l’occasion du grand gamou de la localité le samedi 07 avril 2007. Des prières y avaient été ardemment formulées pour un Sénégal de paix et de prospérité dans le concert des nations. Le gouvernement du Sénégal était représenté par une forte délégation composée de Ministres de la République, d’élus locaux et des administratifs de la région de Kolda.

Un manque cruel de services sociaux de base

L’actuel khalife général de Kandialon Chérif Salimina Diaby Gassama a trois frères (Yacoub, Cheikh Mohamad Khair et Ibrahima). Tous se félicitent de la bonne cohabitation du spirituel et le temporel « promue et activée » selon eux par le chef de l’Etat Me Abdoulaye WADE.

Dans le même temps, ils déplorent le manque criard de services sociaux de base dans la localité qui, pourtant, enregistre de très grands mouvements de populations tout au long de l’année. Le regret du porte-parole du khalife, Yacoub Diaby est qu’ « Au-delà de ses 4000 âmes qui le peuplent, le village de Kandialon compte à ce jour plus de huit cents talibés dont deux cents femmes. Mais, nous manquons presque de tout. Kandialon est sans routes, sans électricité, sans téléphone de tonalité stable. Nous n’avons pas de forage nous permettant d’avoir en permanence de l’eau potable et au regard de la grande mobilité des populations et de leurs besoins, nous redoutons constamment des maladies diarrhéiques comme le choléra. Yacoub Diaby de conclure, « Dieu merci nous ne l’avons pas encore connu, au cas contraire ce serait la catastrophe car comment comprendre qu’une si grande localité qui abrite des événements religieux de grande envergure sans structures de santé. Le poste qui nous est plus proche se trouve à Bona alors qu’il n’est même pas bien fonctionnel depuis l’assassinat de l’infirmier-chef de poste de la localité par des hommes armés en 2002. Nous évacuons nos malades vers le centre de santé de Sédhiou à soixante kilomètres de là ou à la région médicale de Ziguinchor située à plus de quatre vingt kilomètres », a déclaré Yacoub Diaby Gassama, porte parole de la famille religieuse.

Il ajoutera à ce propos, « C’est avec amertume que nous constatons ces vagues de jeunes qui prennent le large pour se rendre en Espagne ou ailleurs en occident. Cela est peut être le résultat de la pauvreté qui sévit dans beaucoup de localités du pays. Ici à Kandialon, nous avons plusieurs centaines de talibés et nous souhaitons leur donner une éducation religieuse et professionnelle susceptibles de les orienter vers des activités propres à même d’éviter la mendicité et ce drame de l’émigration clandestine. A l’en croire, Pour y parvenir avec succès, nous demandons à l’Etat de nous aider à construire une darra moderne (école coranique) et un centre de formation professionnelle. Figurez-vous que celui qui y gagnera environ soixante mille francs le mois ne pensera pas forcément à se jeter à l’aventure », a expliqué toujours Yacoub le porte parole de la famille.

Et d’ajouter : « Le khalife général de Touba sérigne Saliou M’backé qui envoie chaque année son fils Sérigne Moustapha Saliou venir participer au gamou est bien au fait de la situation. D’ailleurs, il a soutenu cette idée de centre de formation pour prendre en charge ces nombreux talibés. Nous osons espérer que les pouvoirs publics nous appuierons pour la réalisation de ces projets qui nous tiennent à cœur, » a-t-il conclu.