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KHADIA BÂ DE MATAM : Dans l’intimité de Miss Sénégal

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KHADIA BÂ DE MATAM : Dans l’intimité de Miss Sénégal

C’est une jeune Matamoise de 21 ans qui a été consacrée Miss Sénégal 2006. Nos reporters sont allés à sa rencontre dans son quartier natal de Soubalo où vit sa famille.

Il faut se lever de bonne heure pour voir la nouvelle icône de la beauté sénégalaise. Miss Sénégal est Matamoise. Pour arriver à ce qui est la capitale régionale la plus éloignée du pays, le visiteur doit avaler plus de 700 kilomètres de route dont certains fort défoncés, particulièrement sur l’axe Aéro Lao-Matam. Quand enfin surgit Ourossogui, il reste à bifurquer à gauche du carrefour pour attaquer les trois ponts qui ne laissent passer des voitures que dans un seul sens en même temps. Etangs en contrebas qui font le bonheur du bétail et végétation ragaillardie par l’hivernage ajoutent au décor une bonne dose de pittoresque. Mais pour qui prend la peine de supporter une telle « épreuve », la récompense est au bout du voyage.

Quoique confrontés à un climat particulièrement chaud, l’hospitalité ne fait pas défaut aux Matamois. La onzième région du pays, plus gros village que ville, est encore un endroit où les gens n’ont pas les tares des métronomes de la capitale. Après quelques minutes dans une rue étroite du quartier Soubalo, ravinée par la pluie, voilà la demeure de Khadia Bâ. Une Miss Sénégal de surcroît, ça ne passe pas inaperçu. Encore moins ici. Il n’a pas fallu longtemps pour retrouver la maison dans ce quartier, où l’on doit savoir sur quel toit de maison crèche le chat qui passe.

Soubalo est un quartier populeux où presque toutes les maisons se ressemblent. Couleur de terre pour la plupart, dont certaines en banco. Celle de la famille de la Miss est peinte en blanc. C’est une maison simple de gens simples comme presque toutes celles qui l’entourent. Avec cette particularité qu’elle a les pieds presque dans l’eau. Deux bâtiments y sont disposés en forme perpendiculaire dont l’un sert de véranda tournant le dos au fleuve situé à quelques mètres et qui sépare la Mauritanie du Sénégal. Les deux rives sont tellement proches que de l’autre côté, les voisins Mauritaniens peuvent, si cela les tente, lorgner la Sénégalaise désignée la plus belle de l’année.

Après les salamalecs, c’est sur le père que nous tombons, il rentre tout juste de son travail. Venus à l’improviste, nous n’en sommes pas moins bien accueillis et priés de nous installer. IKN, le grand reporter tout terrain a les yeux qui s’impatient. « La Miss est sortie, mais elle ne devrait pas tarder à être là », rassure son père.

C’est bientôt le crépuscule, les derniers rayons de soleil reflètent agréablement sur le fleuve une couleur plus agréable quand soudain une voiture se gare devant la maison. La Miss est à bord. En robe gris-blanc, coiffure « beyonce » au vent, l’on ne peut pas dire qu’elle ne mérite pas son titre. Elle est ravissante et d’un généreux sourire, son père qui a fini de rattraper ses prières nous rejoint. On fera ensemble celles du crépuscule, ensuite débutera l’entretien. « Je ne vous ai pas fait trop attendre », s’inquiète Khadia Bâ, consacrée depuis le 06 août 2006, Miss Sénégal. Mais cela en valait la peine, parole d’IKN, à l’esprit sur le point de flancher comme tous ceux que le coup de foudre envahit, depuis que la porte de la famille Bâ a été franchie.

Un père pour idole et admirateur

Il n’y a pas qu’IKN qui est dérangé. Dans cette maison où vit une famille monogame, les choses ne sont vraiment plus comme avant. La mère Faty, la quarantaine, supporte mal cet intérêt soudain pour sa famille et d’être interpellée régulièrement comme la maman de Miss Sénégal. Plutôt timide, cette talibé Tidiane est une disciple de Thierno Samassa, un guide religieux très célèbre à Matam. Elle aurait préféré que tout soit comme avant le 06 août. « Si seulement je savais…. », semble-t-elle regretter. Elle a vite fait de disparaître d’ailleurs. Tout le contraire du père, Thierno Bâ. Ce syndicaliste et « militant de la Société civile » ne cache pas que la victoire de sa fille lui a fait plaisir, même s’il a beaucoup craint la déception qu’elle risquait en posant sa candidature.

Cadre administratif à la délégation régionale de la Saed, c’est lui qui a poussé sa fille à tenter sa chance. « Une de mes cousines, Fatimata Bâ, était la première dauphine de Miss Sénégal 2005, elle m’a demandé de me présenter, ce que j’ai refusé. C’est alors que mon père est entré en jeu pour me dire que si je le voulais, il n’y avait aucun problème de son côté mais en précisant que si je devais m’engager dans la compétition, je ne devais le prendre que pour un jeu. J’ai ainsi cédé aux pressions », raconte Khadia.

La future Miss Sénégal fait alors partie d’un lot de quatre filles de Matam, avant d’être consacrée Miss Matam par le comité régional d’organisation. Et vint la compétition nationale. « C’est là vraiment que j’ai commencé à prendre les choses au sérieux. Il y avait un bon climat au sein du groupe de filles que nous étions, même si chacune avait pour ambition de remporter le titre ». Le jour J, l’ambassadrice de la plus jeune région du pays reconnaît qu’elle était stressée pour deux raisons. « D’abord parce que c’était le jour de mon anniversaire ; ensuite, parce qu’il y avait la pression de la compétition ». Mais l’épreuve de culture générale, traditionnellement révélatrice des faiblesses intellectuelles des candidates, lui fit rapidement retrouver son assurance. S’exprimant sans difficulté en français, Khadia a de quoi surprendre son interlocuteur. En plus d’avoir un joli minois, elle a, à l’entendre parler, quelque chose aussi dans la tête. Au lycée de Matam, elle s’est déjà essayée aux planches en faisant du théâtre et du récital de poèmes aussi. Elle a même l’air incollable quelquefois, face à certaines questions.

« Je considère tout juste que je représente la beauté sénégalaise, il y a beaucoup de filles qui auraient pu gagner à ma place et qui n’ont pas daigné se présenter. Tout au plus, je suis une ambassadrice de la beauté sénégalaise », répond-elle quand on demande à cette personne de teint clair et à l’allure mince, si elle se prend pour la plus belle fille du Sénégal.

Avec son père, « mon meilleur ami », dit-elle, elle a déjà écrit un scénario sur le Sida, intitulé « La peur brisée ». Autant d’expériences qui lui ont été très utiles le jour de la compétition. « Après l’épreuve de Culture générale, j’étais sûre que je monterai sur le podium, sans savoir cependant à quelle place ».

Certains, parmi ceux qui ont suivi cette cérémonie à la télé, commentent encore sa prestation assez remarquée. Elle considère d’ailleurs que la curiosité est un trait de caractère chez elle.

Quand vint le moment ultime de la compétition et qu’elle fut désignée vainqueur : « j’ai ressenti beaucoup de joie, se rappelle Khadia ; j’étais venue chercher la couronne, Dieu me l’a donnée avec l’aide de mes parents et de mes amis qui m’ont poussée vers la victoire ».

Le retour à Matam, le 19 août dernier, a donné lieu à une grande fête, avec parade dans les rues et comme celle que l’on voit souvent lorsque les lutteurs rentrent dans leurs fiefs après un combat victorieux. Celle qui a pu arracher la couronne à toutes les citadines de la capitale ou d’ailleurs est une fierté pour sa région.

Fête au siège du Conseil régional, avant la grande ripaille dans la maison familiale envahie par les griots, rien n’a vraiment été de trop pour célébrer le retour de la fille prodige. Pendant que l’entretien se déroule dans la cour de la concession, des visiteurs débarquent souvent. Dans un Pulaar parfait, Khadia répond aux salutations et met à l’aise les arrivants. Assise derrière, sa cousine Aïda Tall suit discrètement l’entretien. Elle fait partie de ceux qui l’ont fortement encouragée à se présenter et avoue aujourd’hui être « flattée » de voir sa cousine devenir Miss Sénégal.

« Je n’ai pas changé »

Depuis son couronnement un soir d’août, a commencé une nouvelle vie pour la fille de Soubalo. Même si elle se pavane à bord de sa voiture, une petite Asiatique remise lors de son couronnement, elle écarte tout changement de comportement. « Elle n’a pas changé, mais j’ai l’impression que ce sont les autres qui veulent qu’elle change. Heureusement qu’elle ne suit pas cette voie », analyse son père. « Je suis la même. Une Miss ne doit pas changer. Elle doit être tout le temps souriante, le Sénégal est le pays de la Téranga », renchérit Khadia. « Au contraire, poursuit son père, cela crée plus de problèmes. Le titre est pompeux. Les gens pensent qu’il y a beaucoup de millions derrière. Nous sommes obligés de partager non seulement ce qu’il y a mais en plus d’y aller de notre propre poche ».

Une vie de Miss, c’est aussi des exigences auxquelles il faudra se soumettre durant toute une année. Comme le fait de solliciter l’autorisation du Comité d’organisation avant de s’engager dans quoi que ce soit. « Parfois, c’est un peu difficile, mais il faut toujours faire des efforts pour respecter ses engagements », dit-elle en reconnaissant avoir tout un staff derrière elle pour l’encadrer. Mais ce qui tient particulièrement à cœur Miss Sénégal 2006 est son engagement dans la lutte contre le Sida dont elle a choisi de faire son thème de travail.

« A cause du danger que représente cette maladie au sein de la jeunesse », justifie-t-elle. En plus de diverses actions qu’elle souhaiterait entamer dans ce domaine, elle rêve d’un centre d’accueil pour les enfants atteints du Sida. Elle a particulièrement de l’admiration pour « ceux qui aident les autres », et abhorre l’hypocrisie et adule les gens sympathiques. Quid de ses défauts ? « Je suis très directe ; cela n’est pas toujours une bonne chose », reconnaît-elle. Dans son entourage, Khadia est surtout présentée comme une fille affable et polie, comme en témoigne son amie, Mame Ndaga Thioub.

Le père qui répond aux questions aux côtés de sa fille aînée, cela peut avoir quelque chose de surprenant… Sauf que nous l’avons nous-mêmes invité à prendre part à l’entretien et à entendre Khadia expliquer leurs relations, on en comprend toute l’opportunité. « Nous avons toujours été proches, mon père et moi. C’est mon confident à qui je parle de tout. Même étant plus jeune, quand j’ai été confrontée aux réalités de la puberté, c’est à lui que je me suis confiée. De tout temps, on a toujours été complices, nous le sommes restés ».

A 56 ans, Djibril Bâ est un père omniprésent dans le discours de sa fille. Ainsi quand on demande à celle-ci le plus beau jour de sa vie, ne vous attendez surtout pas à ce qu’elle vous parle de son élection à Miss Sénégal. « C’est lorsque j’ai eu mon entrée en Sixième ; parce que mon père y tenait beaucoup ».

Idem, quand elle évoque son plus grand regret : « c’est de n’avoir pas connu mes grands-parents paternels », confie-t-elle.

La Miss ne sait pas nager

Après la consécration de sa fille, le père est vite monté au créneau pour fixer certaines règles du jeu liées à l’habillement, notamment. Rien d’ostentatoire ou de choquant pour la pudeur à laquelle on tient beaucoup en milieu Hal pulaar. Mais il l’a surtout mise en garde « contre la grosse tête ». « Dès l’année prochaine, il y aura une autre Miss Sénégal. Je lui ai donc dit de profiter le maximum possible pour faire parler de Matam pendant une année ». Lui-même membre du Comité régional de développement, président d’une association locale et du Comité régional de lutte contre la pauvreté, son militant de père qu’est Sidy Bâ voit plus loin que les ors et paillettes. Sa fille, qui a milité à l’Alliance des Jeunes du Fouta de Demain, doit, dans son entendement, avoir un rôle d’ambassadrice de sa région, « surtout pour propulser notre commune », précise-t-il.

En plus du véhicule, Khadia a reçu « un peu d’argent », dit-elle pudiquement, sans vouloir être plus précise. Elle assure que le comité d’organisation de la compétition a tenu ses promesses. « Celles qui n’ont pas encore été exécutées vont l’être prochainement et dépendent de facteurs externes », dit-elle.

Mais ce dont se soucie le père de Miss Sénégal, c’est l’avenir scolaire de sa fille. « L’argent, c’est tentant ; mais il faudra tout arrêter durant l’année scolaire. C’est pour cela que j’aurais préféré que ses études soient faites ici ». Mais le père devra se plier aux exigences de la vie de Miss. A la prochaine rentrée, Khadia, jusque-là élève en Première L prime, quittera ses quatre frères et sœurs pour descendre passer son bac dans son lycée de la capitale où elle est née, il y a 21 ans.

La vie de Miss a des exigences assez contraignantes, qui ont poussé ses oncles à convaincre son père de la laisser partir. Résolue à décrocher ce sésame vers les études supérieures qu’est le bac, elle espère pouvoir faire des études de communication et de marketing. Mais si Khadia a tous les atouts pour faire la pub de n’importe quelle marque de bikini, ne comptez surtout pas sur cette riveraine du fleuve Sénégal au bord duquel elle a tant gambadé, pour faire des prouesses à la plage : Miss Sénégal ne sait pas nager. Craignant la bilharziose, son père lui a toujours interdit de se baigner dans le fleuve. Ce qu’en fille sage, elle se fit fort de respecter.

Côté cœur, Miss Sénégal n’est pas très diserte sur la question. C’est une réponse à l’Auvergnat quand il s’agit de parler de l’existence ou non d’un copain. Cette amatrice de « Soupkandja » et de « Yassa » dit ne pas suivre de régime particulier pour garder la ligne. « Je mange du tout comme avant », assure-t-elle. Surtout que la bouillie de mil la horripile, ce n’est pas demain que le « Diay fondé » l’envahira.

PAR MALICK M. DIAW ET IBRAHIMA KHALILOULLAH NDIAYE



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