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L’historien Mamadou Diouf relève ‘’ une extraordinaire culture de l’impunité’’ au Sénégal

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L’historien Mamadou Diouf relève ‘’ une extraordinaire culture de l’impunité’’ au Sénégal

Dakar, 25 juil (APS) – L’historien sénégalais Mamadou Diouf, enseignant au Columbia University (Etats-Unis), a relevé ‘’une extraordinaire culture de l’impunité’’ qui s’est installée au Sénégal depuis une dizaine d’années, de sorte qu’on peut faire ce qu’on veut sans être inquiété

‘’Il y a une extraordinaire culture d’impunité (dans ce pays) et c’est ça aujourd’hui le problème. Le problème c’est ça : on peut faire tout ce qu’on veut’’, a dit M. Diouf dimanche au cours de l’émission ‘’Remue-ménage’’ de la Radio Futurs médias.

‘’Je n’habite pas là, mais je lis les journaux. Quelquefois je suis fasciné : on voit quelqu’un, on l’enlève d’un poste, le lendemain ses militants se mobilisent, on lui retrouve quelque chose. En particulier, l’idée c’est qu’il devient ministre auprès du président de la République’’, a-t-il indiqué.

Pour Mamadou Diouf, le ’’pêché originel’’ de l’alternance (survenue il y a un peu plus de dix ans), ’’c’est de n’avoir pas sanctionné les gens qui ont fait certaines choses’’ sous le régime socialiste.

L’historien a rappelé que ‘’c’est Ousmane Tanor Dieng (ancien ministre socialiste), qui est dans l’opposition aujourd’hui, qui a sorti, ici, la chose la plus abominable à propos des directeurs de sociétés publiques’’. ‘’Et aujourd’hui, dit-il, si on continue la même chose, si je suis directeur de société publique, j’use et j’abuse parce que je sais que rien ne va m’arriver. C’est ça le problème.’’

Prié de dire si Samuel Sarr, actuel ministre de l’Energie et ancien directeur général de la SENELEC (société publique d’électricité), doit démissionner en cette période de fréquents délestages, Mamadou Diouf a dit que ‘’le grand drame c’est que ce n’est pas la culture politique de ce pays’’.

Il a ajouté : ‘’Moi ce que je remets en cause c’est toute la culture de ce pays. Quand on dit : +on ne gouverne pas l’Etat comme on gouverne la rue, c’est déjà là où on a un problème. Moi j’adore le +ministère de la Parole+. Il faut que les paroles se libèrent. Il faut que les gens puissent dire ce qu’ils pensent, parce qu’il faut que la rue soit écoutée. Je suis désolé, mais la rue n’est pas écoutée.’’

‘’Au lieu de la responsabilisation, soutient M. Diouf, on est dans un monde qui est dominé par l’impunité. On fait quelque chose, on va se trouver un marabout qui va vous protéger et on ne vous touche pas.’’

‘’Pourquoi quand les gens ont abusé du pouvoir qu’on leur a confié, on ne devrait pas les punir ?’’ s’est interrogé l’enseignant, estimant que c’est la sanction, positive ou négative, qui fait qu’une société fonctionne. ‘’C’est quand les règles du jeu sont applicables à tout le monde et respectées par tout le monde ; c’est quand il y a une logique, qui est la logique de la sanction.’’

Mamadou Diouf a relevé le paradoxe dans le discours des autorités du pouvoir dit de l’alternance qui disent qu’ils ont fait ‘’tout ce qu’ils ont fait, ils ont mis ce pouvoir (socialiste) à genoux, pour ensuite, non seulement coopter une partie de ces gens, et quelquefois les gens les plus corrompus de l’ancien pouvoir, mais aussi disent : +on ne vous touche pas+’’.

L’historien reconnaît au pouvoir dit de l’alternance d’avoir réalisé, depuis 2000, ‘’des choses extraordinaires’’ dans la construction d’infrastructures scolaires et sanitaires notamment, soulignant que sa critique ‘’n’est pas une critique politique ou idéologique’’.

‘’J’essaie de comprendre et j’essaie d’analyser. Le président Wade a fait des choses extraordinaires : il a renouvelé la classe politique’’, dit-il, estimant que même s’il est ‘’contre la manière dont les histoires de parité sont manipulées, la plus grande victoire du président Wade ça a été d’amener un nombre extraordinaire de femmes dans le système politique.’’

‘’Mais là où le bât blesse, et là où il y a des problèmes, soutient l’universitaire, c’est effectivement en termes de gouvernance. Et c’est ça que je ne comprends pas.’’

Précisant sa pensée, il a dit qu’il n’y a plus de conseiller au Sénégal. ‘’Les gens pensent que conseiller c’est aller dire au ministre ce qu’il veut entendre’’, poursuit-t-il, rappelant qu’avec le président Abdou Diouf (1981-2000) - qui avait ‘’une vraie culture administrative’’ - ‘’il y avait une séparation : le chef de cabinet était toujours le politique, mais le directeur de cabinet et le secrétaire général étaient des administratifs et faisaient le boulot.’’

Pour Mamadou Diouf, ‘’le conseiller doit dire au ministre : +vous voulez faire X, il y a trois solutions. Pour chaque solution voilà les faits. Mais c’est vous qui avez la responsabilité politique, vous prenez votre décision.’’

Mamadou Diouf est un spécialiste de la période coloniale. Il porte régulièrement un regard critique sur l’évolution sociopolitique de l’Afrique. Il est l’auteur de nombreuses publications sur le Sénégal, son histoire, sa gouvernance.

D’abord enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop, Mamadou Diouf a dirigé le département de recherche et de documentation du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA), de 1991 à 1999, date à laquelle il s’installe aux États-Unis.

Il enseigne alors à l’Université du Michigan et participe aux travaux du Centre d’études africaines et afro-américaines. En juillet 2007 il prend la tête de l’Institut d’études africaines à l’École des affaires internationales et publiques de l’Université Columbia à New York.

 



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