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L`UCAD traumatisée par le syndrome du "vendredi noir"

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L`UCAD traumatisée par le syndrome du "vendredi noir"

Dakar, Sénégal, 27/02 - Une semaine après la répression policière sur le campus, les étudiants de l`Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ne sont pas encore prêts d`oublier ce "vendredi noir" où les forces de l`ordre sont rentrées en masse dans les différents pavillons de la Cité des garçons pour imposer le calme.

Depuis la mort tragique, non encore élucidée, de l`étudiant en première année de droit, Balla Gaye, lors de la grève du 31 janvier 2001, l`UCAD n`a plus connu un mouvement d`une telle ampleur.

La porte d`entrée principale, surmontée par une signalétique détruite où il était inscrit "Centre des oeuvres universitaires de Dakar", témoigne encore de la violence des accrochages du 17 février dernier entre des pensionnaires plutôt frondeurs et une police visiblement préparée à contenir une grève qui a failli embraser toute la zone universitaire.

Les odeurs piquantes des gaz lacrymogènes et les caoutchoucs calcinés offrent un spectacle indigne d`un centre du savoir. Les véhicules et pneus brûlés, des bureaux saccagés sont encore bien visibles dans le campus et sont toujours traumatisants.

Dans les couloirs de la Cité, ce vendredi 24 février, les rares étudiants restés malgré la présence discrète des dispositifs policiers et militaires sont devenus subitement muets. Eux qui sont pourtant habitués à vociférer pour faire comprendre leurs problèmes pour, ont-ils l`habitude de dire, "se faire entendre".

Aujourd`hui, personne ne veut s`aventurer à expliquer avec véhémence comment on est arrivé une situation de chaos général dans ce temple du savoir, l`un des plus importants de l`Afrique de l`Ouest francophone avec 55000 étudiants de 40 nationalités.

"Depuis que je suis dans cette Université, je n`ai jamais vu ce qui se passe présentement. Pour un rien, on fait venir la police qui commet des dégâts incalculables. Pourquoi on nous fait ça ? Nous avons quand même le droit d`exprimer notre colère lorsque les choses ne vont pas bien", s`énerve, Ibrahima, étudiant en 2ème année de sociologie, qui a vécu les scènes violentes de ces derniers jours à l`Université de Dakar.

Si notre interlocuteur, qui manque de mots pour dénoncer la "violation des franchises universitaires par la police" est toujours resté sur les lieux, c`est parce qu`il arrive de Ziguinchor, la capitale de la région Sud du pays, et qu`à Dakar, il n`a quasiment "pas où aller". Ses congénères, eux, ont quitté en masse le campus après la grève du vendredi.

Sur les lieux, les traces ne manquent pas pour décourager le monde. Et ce ne sont pas les gros camions de centaines d`éléments du Groupement mobile d`intervention (GMI) qui vont rassurer les plus téméraires. Beaucoup de pavillons sont restés fermés et les travaux se poursuivent pour retaper des chambres complètement détruites. Les restaurants de la discorde sont eux aussi fermés et les contrats résiliés sine die avec les gérants privés.

Selon les pensionnaires, c`est la fourniture par l`un de ces restaurants d`aliments avariés et contenant des vers qui a causé le mouvement. Les étudiants, qui ont organisé une visite express dans les différents restaurants pour sortir la "viande avariée" après la découverte, la veille, de vers dans les plats servis n`en croyaient pas leurs yeux. Surtout que les cas d`intoxication alimentaire sont fréquents à l`UCAD.

La réaction a été rapide et violente. La grande avenue Cheikh Anta Diop, un tronçon névralgique qui donne accès au centre de la capitale, est prise d`assaut par les pensionnaires qui ont y déversé des cartons de "poulets avariés". Débuté dans la matinée, vers 10 heures, les accrochages ont continué jusque tard dans la nuit entre étudiants et forces de l`ordre. Les appels au calme n`ont pas été suivis et la blessure d`un policier va porter la crise à son paroxysme, se rappelle un étudiant.

"Les policiers voulaient venger un des leurs, c`est pourquoi ils sont entrés dans le campus et défoncé les portes. Ils battaient tout le monde, brûlaient et cassaient tout sur leur passage. Le résultat est là", se désole Gisèle, étudiante en licence d`anglais, logeant dans l`un des pavillons de filles sur le campus des garçons. Amy, qui partage la même chambre que Gisèle, lui conseillera de ne pas en dire plus, car "on ne sait jamais, on peut venir nous tuer dans nos chambres parce qu`on a parlé".

Après une centaine d`arrestations, la crainte de voir d`autres actions policières sur le campus hante le sommeil des pensionnaires, qui sont pourtant habitués aux gaz lacrymogènes souvent utilisés par la police pour réprimer leurs grèves.

La course-poursuite du vendredi dernier entre policiers et étudiants sur le campus et dans les couloirs des pavillons où un étudiant après avoir sauté d`un des étages a vu ses quatre membres fracturés, l`obligeant à une évacuation en France, a changé les donnes.

"Je croyais que le Sénégal était un pays démocratique, je me suis lourdement trompé. A présent, je vais devoir faire très attention, ce que j`ai vu le vendredi dernier n`augure pas de bonnes choses pour l`avenir dans cette Université, ni dans ce pays", raconte, entre deux silences, un étudiant en 2ème année de sciences économiques et gestion, qui a requis l`anonymat.

Notre interlocuteur, qui se trouve au premier étage du pavillon G où plusieurs dortoirs ont été brûlés, reconnaît être traumatisé par les évènements. Lorsqu`il se rend à la douche du couloir et qu`il jette un regard vers les chambres brûlées N°28, 36 et 74 de ce pavillon préfabriqué, il se dit que ça peut toujours se reproduire. C`est parce que les flammes consécutives aux grenades lacrymogènes lancées n`ont rien laissé. Tout a été consumé par l`imposant feu qui reste vivace dans les mémoires de ces étudiants qui n`arrivent pas à réaliser ce qui leur était arrivé.

"Les militaires, après avoir défoncé des portes, et y ont lancé des grenades et enfermé les étudiants dans les chambres. Par ce geste, il est évident qu`ils voulaient les tuer", résume Ousmane, du pavillon F.

"Moi, je pense qu`il y a une certaine jalousie à notre égard", enfonce Alassane, qui raconte que les éléments du Groupement mobile d`intervention ont emporté des matériels et beaucoup d`argent des étudiants.

Ces accusations des étudiants ne sont pas les bienvenues chez le personnel du COUD qui les balayent d`un revers de main. "Si on a été obligés de faire appel à la police, c`est parce que la situation était grave. Des étudiants armés de barres de fer, de cailloux, d`objets tranchants ont fait irruption dans les locaux de la direction et menacé de brûler le personnel", explique, avec emphase, à la PANA, Iba Guèye, directeur du Centre des oeuvres universitaires de Dakar.

"Les étudiants exagèrent, on ne peut pas dire que ce sont les policiers qui ont brûlé les chambres, car parmi ceux qui ont été arrêtés, on a trouvé plusieurs personnes qui ne sont pas des étudiants", assure un travailleur du COUD, qui a requis l`anonymat.

"Il est certain que ce sont les politiciens qui ont envoyé des gens pour venir semer les troubles ici", ajoute son voisin d`à côté. L`idée que la grève des étudiants a des mobiles politiques a fait son chemin après la sortie du chef de l`Etat, Me Abdoulaye Wade, qui dès son retour de Paris, a clairement indiqué que les étudiants ont été manipulés par l`opposition.

 



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