La drogue fait des ravages au Sénégal

L’usage abusif de la drogue et de l’alcool devient de plus en plus inquiétant au Sénégal. La pratique se généralise jusque parmi les jeunes garçons et les jeunes filles. Le fait est devenu banal et semble tout d’un coup heurter la conscience du fameux députe Iba Der Thiam. Il vient de déposer a ce propos une question orale a l’Assemblée Nationale. Même si dans le passé l’homme s’est brillamment distingue par ses nombreuses interpellations du gouvernement, cette nouvelle affaire est d’une gravité telle qu’elle ne saurait être traitée avec une légèreté politicienne et un esprit partisan.

L’usage des boissons alcoolisées et des stupéfiants n’est pas a proprement parler un fait nouveau au Sénégal. Ces substances nocives pour la santé étaient consommées autrefois par les marginaux. Pour s’adonner a ces pratiques reprouvées par la société, l’on se cachait dans des bars clandestins qui n’étaient pas nombreux d’ailleurs. Rares sont les personnes qui osaient boire publiquement ou assumer leur ivrognerie. L’alcoolisme était la pire des infamies dans la société d’alors. Mais par quel extraordinaire en sommes nous arrives a ce que l’alcool devienne une boisson tellement banale qu’on se croirait en Pologne lorsqu’on se promène dans certaines villes du Sénégal ? Le phénomène frappe de plein fouet la jeunesse notamment les jeunes filles.

Dans aucune société au monde, même les sociétés les plus libertines, l’alcool, le sexe et la drogue ne sont traites avec légèreté. Même dans les pays frappés par le désenchantement religieux, les lois qui régissent ces différents domaines sont d’une sévérité exemplaire. Le paradoxe réside dans le fait que les sénégalais qui sont entièrement croyants comme ils le prétendent entretiennent de plus en plus une relation permissive avec le sexe la drogue et l’alcool. Nul n’a besoin d’approfondir pour savoir que les alcooliques, les drogues et les pervers sexuels sont improductifs. Le développement dont on parle tant ne peut reposer que sur des hommes saints d’esprits. Pourquoi la police des mœurs existe-t-elle-même dans une république laïque ? la raison en est que, compte non tenu même du facteur religieux, la dépravation des mœurs est un mal en soit. Car il faut être trop peu cultivé pour ignorer que la Jamaïque et la Colombie seraient devenues des puissances économiques avec la commercialisation et l’usage de la cocaïne et du pavot.

En effet, il serait plus que difficile d’omettre la responsabilité des autorités dans la dépravation des mœurs. L’Etat a une responsabilité régalienne de protéger la sante de la jeunesse. Alors que l’eau et l’électricité sont presque inexistantes dans le monde rural, la drogue et l’alcool (de même que le préservatif) sont à portée de main dans les localités les plus reculées dans ce pays. Coïncidence ou hasard ? On ne sait pas trop. En tout cas, il devient de plus en plus apparent quelque chose qui ressemblerait à une volonté politique de rendre disponible sous prétexte qu’il existe une demande. Ainsi de 2001 à nos jours, il existe dans toutes les capitales régionales et presque dans tous les lieux d’affluence dans les régions des points de vente d’alcool du fait du laxisme des autorités et de la non application de la loi. Mieux encore, la loi interdisant la publicité de l’alcool (et du tabac) semble expirer : il n’est pas rare d’apercevoir dans les villes ces panneaux publicitaires placés dans les meilleurs endroits et qui vous montre « les bienfaits de la bière » et le « charme des fumeurs de Marlboro ». Que dire de la drogue devenue une source de revenue d’ailleurs plus rentable que le « gerte caaf », glissée dans les cornettes sur les tables encombrant les trottoirs, à l’attente des clients VIP ? L’alcool est partout et la drogue se grignote chez les jeunes comme du « gerte caaf ». Les saisies de drogue prête à la consommation et à l’écoulement sont en deçà de la réalité telle qu’elle est décrite par les autorités et les différents acteurs intervenants. Il en est de même des drogues détruites ou incinérées. Par ailleurs, les statistiques disponibles a l’hôpital psychiatrique de Thiaroye et a l’hôpital Fann ne reflète pas le nombre réel de toxicomanes selon un article sur la toxicomanie au Sénégal publie par le site mémoire online en 2006.

Selon l’économiste M. Ibrahima Ndiaye, Directeur d’exploitation du Groupe Mutuelle d’Epargne et de Crédit Islamique du Sénégal, il n’existe pas une économie qui s’est construite sur la base de la commercialisation de stupéfiants. Dans sa lecture économique de la situation, cette attitude de l’Etat qui a tendance à autoriser la commercialisation des ces produits est une menace à l’économie. Il n’est pas besoin de l’analyser sous l’angle de la religion mais plutôt sous l’angle économique et éthique dans l’économie, conclut-il. Aux Parcelles Assainies, divers avis sont émis. D’aucuns comme Goudiaby Ousmane sont catégoriques. Ils interpellent l’Etat à prendre ses responsabilités car, défendent t-ils, les taxes que versent ces industries ne servent pas à grand-chose à coté d’une jeunesse « inapte ». Une autre proposition consiste à renforcer le contrôle au niveau du port et des frontières du Sénégal. D’autres par contre comme le barman Joseph Kanji plaide pour que l’Etat augmente les prix afin de diminuer la consommation chez les jeunes au lieu d’une loi interdisant la vente et la consommation.

L’imam Ahmad Guissé très désolé par l’ampleur du phénomène a choisi de ne pas trop aborder le sujet. D’un air triste il a résumé ses propos en ces termes : « si la laïcité cautionne une telle pratique, alors la laïcité est pernicieuse ». Le problème est complexe. Qui est prêt à faire le minimum pour stopper la machine en marche ? Beaucoup de personnes interrogées disent attendre à ce que les choses changent d’elles mêmes.