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LAMINE DIACK, PRESIDENT DE L’IAAF HIER, JOKER DE SENGHOR..., AUJOURD'HUI, JOKER DU PEUPLE?

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LAMINE DIACK, PRESIDENT DE L’IAAF HIER, JOKER DE SENGHOR..., AUJOURD'HUI, JOKER DU PEUPLE?

Dakar, 1969. On sortait d’une année de tourmente, marquée par des troubles sociaux d’une grande ampleur. Et la cassure était encore là, béante, entre le pouvoir de Léopold Sédar Senghor et les franges jeunesses de la population sénégalaise, particulièrement dakaroise. Une période de désamour qui coïncide aussi avec des moments de difficulté pour le sport national. Et l’on comprend que ce secteur, qui mobilise tant les jeunes, apparut à l’époque comme la priorité d’entre les priorités pour l’Etat. Aussi, le chef de l’Etat se concentra-t-il sur la recherche de la formule-miracle qui devait le réconcilier aux jeunes. Des conseils avisés l’orientèrent vers un jeune cadre de la Fonction publique, inspecteur des Impôts et Domaine, chef du Bureau d’enregistrement, qui se trouvait aussi être un sportif, ancien pratiquant de niveau international, reconverti dans l’encadrement quelques années plus tôt après avoir raccroché ses godasses. Une cible nommée Lamine Diack.

Condisciple d’Abdou Diouf, Diack a réalisé, en son temps, une performance peu courante qui est très révélatrice de sa forte personnalité : concilier des études brillantes jusqu’au niveau supérieur avec la pratique de deux disciplines sportives (football et athlétisme) de niveau international.

Coqueluche de la jeunesse dakaroise à l’époque où il pratiquait le football sous les couleurs du club phare, le Foyer France Sénégal (qui deviendra le Jaraaf), Lamine Diack avait conquis le cœur de bien d’autres Sénégalais. Des Sénégalais qui ne s’intéressaient pas particulièrement au sport, mais qui ne pouvaient rester insensibles aux exploits de cet athlète, spécialiste du saut en longueur, qui, par ses bonds à l’occasion des compétitions internationales, faisait franchir à la peau noire des distances impressionnantes dans la course vers l’égalité des races.

Ayant mis un terme à sa carrière de pratiquant, Diack, qui était devenu entre-temps un haut fonctionnaire du ministère des Finances, s’est engagé dans l’encadrement sportif au sein de son club, le Jaraaf, puis au service de l’Equipe nationale de football.

Ce pedigree semble avoir impressionné et convaincu Senghor qu’il tenait là la solution à ses problèmes avec la jeunesse.

Nommé ministre pour effacer les séquelles de Mai 68 

Ainsi, Lamine Diack se retrouva à la tête du département de la Jeunesse et des Sports. Le bilan de ses quatre années comme ministre est positivement historique, et plus de trente ans après, l’on se réfère encore à son œuvre à chaque fois que la situation est nébuleuse. L’autorité morale qu’il exerce encore sur le sport sénégalais vient d’être confirmée par la médiation réussie qu’il a effectuée entre les différents clans du football qui se déchirent entre eux depuis plusieurs mois.

Si l’objectif de la nomination de Lamine Diack dans le gouvernement, en 1969, était d’apaiser les rapports entre le pouvoir et les jeunes, la finale de la Coupe du Sénégal de la même année offre une manifestation éloquente de la réalité de cet apaisement. Pour la première fois depuis longtemps, le Président Senghor a pu se rendre à une manifestation publique de la jeunesse et, au lieu d’être hué, il fut ovationné chaleureusement grâce à son guide du jour, son ministre des Sports qui, après l’avoir convaincu d’effectuer le déplacement, est allé le chercher au Palais pour le conduire chez les jeunes. Ce jour-là, Lamine Diack avait amplement justifié sa présence à son poste, mais en même temps, il venait de susciter beaucoup d’inquiétude chez les hommes politiques jaloux de leur domaine et prompts à écraser toute menace de concurrence. Ainsi, la réussite du jeune ministre avant terme fut également la source des ennuis qui le poursuivront pendant le quart de siècle qu’il passera dans l’espace politique. Lamine Diack faisait peur et était une cible prioritaire pour les politiques ; ceux-ci ne se privèrent pas. Et son engagement en politique en ces temps où les fonctions gouvernementales étaient politisées de fait n’y changea rien. Les complots et guet-apens ne manquent pas sur son parcours. Après quatre ans de services remarquables au département des Sports, il migra au ministère de la Promotion humaine où il ne connut pas davantage de repos.

En 1976, Lamine Diack est finalement emporté par les manœuvres de ses adversaires ; il quitte le gouvernement pour retourner au ministère des Finances où les caciques de l’Ups (actuel Ps), loin de le lâcher, décidèrent de l’enterrer définitivement.

Successeur du docteur Samba Guèye 

Sportif avec un esprit de compétition très ancré, Diack engage la résistance, renforcé par les populations de Dakar, sa base politique où il occupa longtemps le statut de second d’une figure emblématique du système senghorien : le docteur Samba Guèye. Cette même année 1976, Lamine Diack accède aux fonctions de Président du Conseil municipal de Dakar (maire), à une époque où la commune de Dakar couvrait l’ensemble des agglomérations urbaines de l’actuelle région de Dakar. Une position que les intrigants de la politique ne pouvaient se résoudre à lui laisser. Les travaux de construction de l’Hôtel de ville de Dakar vont servir de prétexte, car disait-on, on les a engagés sans autorisation de la tutelle. C’est une faute de gestion qui justifie une révocation. Et la révocation est prononcée en 1978. Pour autant, la situation n’était pas rassurante pour les adversaires de Diack. Parce que surtout, l’alibi était plus que branlant. En effet, en ces temps-là, la réforme de 1984 n’était pas encore intervenue, et dans les communes, capitales de région, la gestion du budget municipal relevait du gouverneur de région et non du Président du Conseil municipal. Donc, s’il y avait faute de gestion, elle ne saurait être nullement imputable au maire. On réorienta les efforts de neutralisation vers le ministère des Finances. Lamine Diack étant un fonctionnaire des Finances et ayant passé toute sa carrière administrative dans ce ministère, on devrait bien trouver là-bas quelque chose, même un petit détail, pour le mettre hors d’état de nuire. Les témoins parlent d’un dossier fabriqué grossièrement et dans lequel Lamine Diack sera piégé, se retrouvant à devoir rembourser au Trésor public, pour combler un «trou savamment creusé», une somme d’argent hors de sa portée. Le temps qu’il comprit qu’il s’était fait avoir, c’était trop tard. Pour autant, avec ce courage qui le caractérise, il fit face, notifiant à qui de droit qu’il ne remboursera aucun franc, parce que n’en devant aucun. Malgré les pressions et les menaces, il refusa de se laisser ligoter et poursuivit son action politique à la base, étant conscient qu’il ne pouvait plus attendre de la politique autre chose que ce que lui donnerait le vote des militants. Aux élections législatives suivantes, il est élu député. Un mandat qui sera renouvelé jusqu’en 1993, année à laquelle Dakar tombe dans l’escarcelle du Pds.

Le Perchoir contre un coup de fil 

Durant cette période où il a exercé des activités parlementaires, Lamine Diack connut, pour la première fois de sa carrière politique, une certaine accalmie sur le front des intrigues et menées déstabilisatrices. Il occupera les fonctions de Questeur à l’Assemblée nationale, puis celle de Premier Vice-président de l’Institution. Et c’est sous cette fonction qu’il reçut dans ses mains, en 1989, la lettre de démission de Daouda Sow, quittant le Perchoir suite à une pétition, orchestrée disait-on, par Jean Collin. «On avait pressé Lamine Diack d’appeler Collin au téléphone pour le rassurer, et la présidence de l’Assemblée nationale lui revenait de droit. Il refusa, par principe, disait-il, même s’il précisait qu’il n’avait aucun contentieux personnel avec Collin. C’est ainsi qu’on est allé chercher Abdou Aziz Ndao à la Questure pour en faire président de l’Assemblée, alors que tout indiquait que Lamine Diack allait occuper le fauteuil», témoigne un ancien membre du groupe parlementaire socialiste.

Dans la même période, fut amorcé le processus de refondation du Ps, opération à laquelle Diack n’avait pas voulu adhérer. En 1993, à la veille du triomphe des Refondateurs au sein du parti, en pleine campagne électorale, son domicile fut attaqué, saccagé et brûlé. «J’ai toujours inscrit mon action politique dans le cadre du service de mon peuple. Et j’ai toujours pensé que le peuple appréciait positivement cette action. Si des gens en sont arrivés à perpétrer une telle atteinte contre ma vie et celle de ma famille, dans le cadre de ce qui devait être une simple adversité politique, cela signifie peut-être que mon action politique n’est pas perçue par l’opinion avec ce sens que, moi, je lui donne. Aussi, je pense qu’il est temps que j’arrête. Je n’ai pas de motivation personnelle en politique et s’il s’agit de servir mon peuple, il y a d’autres voies pour le faire, sans avoir à gérer la passion qui caractérise le monde politique.» Tel serait le discours d’adieu de Lamine Diack à la politique, délivré à ses proches venus lui témoigner leur solidarité en ce jour de sinistre. Pendant les deux ans qui suivirent jusqu’au congrès du 30 mars 1995 qui devait marquer la prise du pouvoir au sein du Ps par Ousmane Tanor Dieng et les siens, le fauteuil de Lamine Diack au Bureau politique du Ps sera continuellement et désespérément vide. La rupture était définitive entre Diack et la politique. C’était le temps du retour aux sources ; le militantisme sportif reprenait ses droits usurpés pendant 25 ans par le militantisme politique. En 2001, après 25 ans de vice-présidence à l’Iaaf, Lamine Diack est élu président et se retrouvait ainsi patron de l’Athlétisme à l’échelle planétaire. Plus jamais de politique, répondait-il toujours à ceux qui venaient le solliciter pour un retour en scène. Mais, en 1969, c’est plus à l’appel de l’Etat et de la Nation que le chef du Bureau d’enregistrement avait répondu qu’il n’a pas réagi à l’attraction de la politique. Quarante ans plus tard, l’histoire va-t-elle se répéter ? Lamine Diack quitte volontairement l’Iaaf en 2011, un an avant une élection présidentielle qui devrait sceller l’avenir d’un Etat républicain et démocratique que lui, Diack, a contribué à bâtir, qui se révèle aujourd’hui menacé à un degré inquiétant. Une menace qui l’a poussé d’ailleurs à sortir ses griffes et à avertir : «Nous ne l’accepterons pas !» Jusqu’à quel point ce refus s’exprimera-t-il ? Un engagement direct dans l’arène, au nom du salut national ? En tout cas, dans ce contexte où les politiques inspirent de moins en moins confiance, on y pense de plus en plus, ne serait-ce que pour un mandat de transition. Et dans certains cercles, il commence déjà à faire peur, comme en 1969.



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