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LE GNAM DIODO, MYTHE OU REALITE ? : Au début était un plat de «bissap» mélangé à la sauce gombo

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LE GNAM DIODO, MYTHE OU REALITE ? : Au début était un plat de «bissap» mélangé à la sauce gombo

Le «gnam diodo» est le nom donné à un plat, spécialité koldoise, fait de feuilles de «bissap» et de gombo. Un plat qui sert à assaisonner et relever le goût de tous les mets présentés par les femmes du Fouladou. Aussi bien le riz au poisson que les autres plats à base de sauce sont accompagnés de «gnam diodo». Le plat est si succulent que les femmes se vantaient en soutenant que tout étranger qui y goûte repoussera à plusieurs reprises son retour, s’il ne reste pas carrément. Mais le mythe a fait du «gnam diodo», un artifice que les femmes du Fouladou utilisent pour retenir leurs hommes. En effet, par extension, le «gnam  diodo» est devenu tout gris-gris, eau bénite ou décoction utilisée par les femmes pour obliger un homme à rester à ses côtés.

«Gnam diodo» est composé de deux mots peulhs,  «gnam» qui signifie manger et «diodo» qui veut dire rester. C’est le nom que les femmes du Fouladou ont donné à un plat (une sauce) à base de feuilles de bissap et de gombo. On fait bouillir les feuilles et les fruits de gombo dans un récipient. On les met ensuite dans un mortier pour les écraser pour en faire une pâte gluante agrémentée d’une mousse blanchâtre. On ajoute ensuite des assaisonnements de manière à relever le goût. Cette pâte est ensuite ajoutée aux mets (riz au poisson, «mafé», «domoda»…) qu’on sert. Un plat qui ressemble au «beuguedie» qu’on utilise dans les plats de riz au poisson blanc. Sauf qu’au Fouladou, on utilise le «gnam diodo» dans tous les plats.

La succulence du plat est telle que l’étranger qui y goûte une première fois en redemande. Ce qui fait que les femmes l’ont baptisé «gnam diodo», convaincues qu’elles sont que l’étranger qui en goûte voudra en profiter le maximum possible, quitte à repousser son retour s’il ne reste pas carrément.

Des artifices multiples

Plus tard, le «gnam diodo» a été dévoyé de son sens après que beaucoup de fonctionnaires affectés au Fouladou eurent fini par y prendre femme, fonder des foyers et rester carrément dans cette localité, coupés de leurs familles d’origine. On a alors commencé à donner au «gnam diodo» des pouvoirs mystiques.

On pense que c’est à travers le lait caillé que les femmes parviennent à retenir leurs hommes. D’autres pensent que c’est une poudre blanche ajoutée à la cuisson. Il y en a qui pensent même que c’est lors des flirts entre amants que la fille parvient à verser une poudre sur la tête de son partenaire et ainsi détourner ses pensées.

Mais nombre de personnes interrogées, dont des «victimes du gnam diodo», pensent que si les hommes, surtout les fonctionnaires, restent c’est parce que le milieu est clément.

Facilité de la vie

Selon A. Sabaly, un homme trouvé à la gare routière de Kolda, le «gnam diodo», tel qu’on le perçoit, est une fabrication de l’esprit. C’est une croyance populaire héritée des anciens fonctionnaires.  «Les ‘victimes du gnam diodo’ sont en fait des gens charmés par l’hospitalité des gens et la clémence du Fouladou. En effet, dans cette localité, les fonctionnaires et les saisonniers sont bien traités. On les adopte vite, allant jusqu’à leur donner des femmes en mariage. Sous l’influence du milieu où ils ont désormais des attaches pour y avoir pris femme, certains vont jusqu’à perdre leurs origines, surtout que faire la ville de Kolda n’est pas une sinécure si on vient de loin», dit-il.

Aïda Traoré, une commerçante native de Kolda, abonde dans le même sens. Selon lui, le «gnam diodo» n’est qu’un plat comme il en existe ailleurs.  Ce sont, selon elle, les adeptes de la solution facile qui ont écorné l’image du Fouladou, faisant croire à leurs familles d’origine que ce sont les femmes du Fouladou qui les ont maraboutés au point de les retenir définitivement. «Diom moy touki, foula moy gnibi» (il faut être un aventurier pour voyager, mais il faut beaucoup de force pour rentrer), cet adage, selon elle, trouve tout son sens au Fouladou avec tout ce qu’on raconte sur le «gnam diodo».

Double lit à 100.000 Fcfa

Boubacar Baldé, lui aussi, pense que le «gnam diodo» n’existe pas. Si beaucoup de personnes, surtout des fonctionnaires, s’installent définitivement à Kolda, c’est parce que la localité, bien que considérée comme l’une des régions les plus pauvres du Sénégal, est très accueillante et dispose de beaucoup d’avantages naturels.

«Il y a du bois pour fabriquer des meubles. La viande est bon marché. Il ya beaucoup de poissons. On trouve des fruits et légumes en toutes saisons. Un fonctionnaire avec un salaire moyen, s’il est bien organisé, peut vivre décemment et s'équiper très rapidement. Ce qu’il ne peut pas faire ailleurs. Aussi, les filles sont très belles et leurs parents ne sont pas trop compliqués puisque la région est éminemment religieuse. Donc ils peuvent se marier sans trop dépenser. Autant de facilités qui font que beaucoup de fonctionnaires qui n’avaient pas beaucoup d’attaches dans leurs localités d’origine ont fini par s’installer au Fouladou», explique un vieux greffier à la retraite, originaire de Thiès, «victime de gnam diodo», dit-il  en plaisantant. Tout ce qu’on dit du «gnam diodo» n’est pas vrai, selon lui.

«On peut avoir un double lit à 100.000 francs, une armoire 4 battants au même prix, une table à manger avec des chaises assorties à 50.000 francs, bien traiter son épouse et s’occuper convenablement de ses enfants avec un salaire moyen. Allez voir dans les autres régions et vous comprendrez pourquoi les fonctionnaires restent souvent à Kolda», ajoute le vieux greffier.

Appartement 4 pièces à 40.000 Fcfa

Un enseignant natif de Saint-Louis d’ajouter qu’à Kolda, on trouve des fruits durant toute l'année. «Il n’est pas difficile de trouver quelque chose à manger et à bon prix. Il y a du miel. La viande et le lait, n’en parlons pas. Kolda abrite le quart du cheptel national selon les statistiques. Le litre de lait varie entre 200 à 250 Fcfa. Aussi, on peut avoir un appartement quatre pièces à 40.000 Fcfa par mois», renseigne-t-il.

Une autre «victime du gnam diodo», un mécanicien originaire de Diourbel, marié à une Koldoise et père de 6 enfants, lui aussi dément le pouvoir mystique conféré au «gnam diodo».

«La première fois que je suis arrivé ici, j’étais jeune. J’étais mécanicien et apprenti chauffeur. Je m’y suis installé pour exercer mon métier de mécanicien vers les années 80. Je me suis vite plu ici. J’ai rencontré une belle Peulh, nous nous sommes aimés et je l’ai demandée en mariage. Depuis, je suis ici et je ne suis pas prêt à retourner chez moi. J’y allais toutes les fêtes de Korité et Tabaski, mais maintenant je suis père de 6 enfants et j’ai une maison à Kolda. C’est ici que j’habite. Il faut que les gens arrêtent. Nous sommes des Sénégalais et nous pouvons nous installer dans toutes les régions, pourvu qu’on s’y sente bien. À Kolda, j’ai pu obtenir ce que je n’ai jamais eu ailleurs», se justifie-t-il.

Beauté de la Koldoise

Aussi, les hommes interrogés relèvent un détail important, Kolda regorge de femmes aussi belles les unes que les autres au point qu’on l’a baptisé «saré soukabé» (la ville des jeunes filles).

Un militaire de 32 ans, rencontré au camp militaire Moussa Molo Baldé et qui vient de se marier, pense que les Koldoises sont irrésistibles et sont très bien éduquées. Elles sont de bonnes épouses, alliant beauté et soumission. «Tous les hommes veulent avoir de bonnes épouses. Si on en trouve ici, pourquoi s’en priver ?», dit-il.

Pourtant, malgré ces témoignages, il y en a qui croient encore que le «gnam diodo» est bien réel. «Nous sommes des Africains. Effectivement, il y a des femmes qui maraboutent des hommes pour les obliger à les épouser. Ce n’est pas qu’à Kolda que cela se passe. C’est partout. Allez chez les marabouts, vous verrez que leurs clients sont des femmes. Donc ces choses-là existent. Mais aller jusqu’à dire que tout fonctionnaire qui épouse une Koldoise et reste dans la localité est victime de ‘gnam diodo’, c’est exagéré», explique cette dame de 70 ans, vendeuse de friperies au marché de Kolda, épouse d’un fonctionnaire à la retraite



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