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LEADERSHIP, DISPERSION, ACCUSATIONS... : La difficile cohésion du mouvement syndical enseignant

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LEADERSHIP, DISPERSION, ACCUSATIONS... : La difficile cohésion du mouvement syndical enseignant

Le mouvement syndical enseignant est mis à rude épreuve. Entre dispersion, accusations, retrait de l’intersyndicale, querelles de clochers, problème de leadership, le militantisme syndical accuse un sérieux coup. Et, avec lui, le système éducatif.

Depuis quelques mois, le front syndical enseignant est en pleine effervescence, mettant le système à rude épreuve. Débrayages, grèves, marches, points de presse, tapage médiatique, marches sont les actions que mène l’intersyndicale. Mais, son travail n’est pas aisé et risque même d’être sapé, eu égard au nombre important de voix qui se lèvent en son sein pour critiquer soit la stratégie, soit contester le porte-parole, Mamadou Diop « Castro » dont le syndicat, l’Union démocratique des enseignants et enseignantes du Sénégal (Uden) assure la coordination pour le premier trimestre de l’année 2008. Des syndicalistes l’accusent de « mener un combat politique » et non de se battre pour « l’intérêt de l’école ». S’y ajoute le refus de de suivre le mot d’ordre de grève ou de participer à une quelconque action. Ce fut le cas lors du 3e plan d’action. « Sur les 18 syndicats que compte la structure, 2 avaient décidé de ne pas signer le préavis de grève », avait précisé Mamadou Diop « Castro ».

Cela n’est que l’arbre qui cache la forêt. En réalité, le mouvement syndical enseignant traverse une crise. Elle souffre d’un manque d’entente. La volonté d’aller ensemble se heurtant souvent à des questions de leadership. En 2006, on avait assisté à la naissance de 2 intersyndicales (A et B) et chacune des parties réclamait la paternité des accords signés avec le gouvernement. En janvier 2007, un séminaire a permis de se retrouver dans le cadre de la grande intersyndicale unifiée regroupant les 2 intersyndicales et le Cadre unitaire des syndicats de l’Enseignement moyen secondaire (Cusems). « Malheureusement, le communiqué conjoint n’a pas été suivi d’effet. Le Cusems ne s’étant pas impliqué dans le préavis suivant », explique Mamadou Diop « Castro ». Le coordonnateur du Cusems, Mamadou Mboji, explique leur retrait par « le discrédit » que l’intersyndicale jetait sur le Cusems, après que sa structure eut signé un accord avec le gouvernement sur l’indemnité de documentation compensatrice de surcharge de travail. « Le 21 décembre, à la rencontre du Cnds, il a avait été retenu, entre autres, que l’indemnité de documentation soit accordée au Cusems. Lorsque nous avons signé cet accord, les autres ont demandé son élargissement à l’élémentaire sans la surcharge de travail. C’est donc une attaque en règle contre le protocole signé par le Cusems. Ce qui a créé un hiatus entre l’intersyndicale et nous », explique-t-il. De l’avis de Mamadou Mbodji, cette extension à l’élémentaire est « logiquement impossible ». Car, poursuit-il, « elle aura des conséquences sur le temps de travail des enfants. Ce qui n’est pas possible”, proposant de trouver une autre manière d’augmenter les salaires.

Outre le Cusems, on a assisté au retrait, le vendredi 21 septembre 2007, du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels). L’émiettement s’accentue, déjà que le corps compte “21 à 22 syndicats”, confie le coordonnateur du Cusems qui signale que sa structure travaille à unifier tous les enseignants du moyen secondaire. Lors d’une conférence de presse tenue par son syndicat, le vendredi le 22 février dernier, Gougna Niang de l’Union des enseignants du Sénégal (Ues) a déploré « l’émiettement du mouvement syndical » qui, à son avis, contribue à créer « l’anarchie ». A son avis, cet émiettement ne fait pas l’affaire du gouvernement, encore moins celle des enseignants. « Dans une telle situation, chacun part aux négociations avec le gouvernement en ayant des points de revendication spécifiques », dit-il.

De nombreux autres griefs

Les griefs par rapport au fonctionnement de l’intersyndicale sont légion. Expliquant les raisons qui ont guidé leur départ, le Sg du Sels, Souleymane Diallo, souligne que l’intersyndicale se charge des aspects généraux, alors que le Sels avait à régler des questions spécifiques : avancements, reclassements, arrêtés d’admission aux examens professionnels (Ceap et Cap). S’y ajoutent, poursuit M. Diallo le fonctionnement informel et l’absence de démocratie interne et surtout un compagnonnage malsain avec des tentatives de diabolisation et de dénigrement de tout syndicat ayant une pensée contraire à celle de l’Uden qui fait de l’intersyndicale sa chasse gardée. Pour preuve, « au moment où les gens se battent pour régler le problème de l’école, d’autres travaillent à saper cette dynamique. En plus, depuis 2005, le Sels frappe aux portes de l’Internationale de l’éducation (Ie), mais des syndicats comme l’Uden travaillent à ce qu’on ne puisse pas nous accepter », avance Souleymane Diallo.

Le Sg du Sels rejette aussi la « méthode et les moyens de lutte », en d’autres termes, « la démarche » de l’Intersyndicale enseignante. « Le Sels a une démarche de rupture qui s’éloigne de la contestation à tout bout de champ. La nôtre repose sur le dialogue et la concertation pour améliorer les conditions de travail et d’existence des enseignants tout en sauvegardant les intérêts des élèves », affirme M. Diallo.

Les mêmes accusations ont été notées du côté de l’Organisation des instituteurs du Sénégal (Ois) de Youssou Touré. Même si, aujourd’hui, les divergences semblent aplanies entre l’Ois et l’Uden, il est à noter que les accusations entre les 2 syndicats avaient porté un sacré coup au fonctionnement de l’intersyndicale enseignante. L’Ois n’exigeait ni plus ni moins qu’une « introspection » pour repenser la stratégie de lutte. « Il n’est point besoin d’établir une longue plate-forme revendicative. En tout cas, pour l’Ois, c’est l’indemnité de recherche qui demeure l’urgence », indique Youssou Touré, rappelant que, certes, les autres points sont importants, mais ne peuvent pas être des sources de blocage. « L’intersyndicale n’a pas besoin d’agitation et de propagande pour propulser les gens au-devant de la scène, au détriment des millions d’enfants qui sont dans l’élémentaire », soutient M. Touré.

Soulignant que le gouvernement ne saurait être un « ennemi » pour l’Ois, il demande l’ouverture des négociations. « Il faut mettre fin à ce dialogue de sourds ». Il a précisé que dans la recherche de solution, l’Ois est prête à rencontrer toutes les bonnes volontés, qu’elles soient politiques ou religieuses. Une démarche entamée auprès du khalife général des Mourides, El H. Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. Youssou Touré note qu’il faisait l’objet de « campagnes d’intoxication, de dénigrement, d’insulte et de menace de mort » pour ses prises de positions. Accusé de faire de « Castro » un fonds de commerce et de ne jamais assister à la plénière des secrétaires généraux de l’intersyndicale, Youssou Touré répond que “Castro” ne saurait être un fonds de commerce pour lui, parce que “nous ne partageons pas les mêmes convictions”, fulmine M. Touré. Pour la plénière, « l’accusation est fantaisiste et insensée. Une structure ne se résume pas à la personne du secrétaire général. L’Ois est toujours présente aux commissions techniques et plénières. C’est de l’intoxication. La priorité de l’Ois reste et demeure l’indemnité de recherche. Ces querelles de clochers nuisent au bon fonctionnement du système éducatif », tonne M. Touré. Il indique que la position de l’intersyndicale sur l’indemnité de recherche sans contrepartie horaire n’est pas partagée par l’Ois. « Nous sommes absolument d’accord pour la contrepartie horaire », dit-il, pensant qu’en s’insurgeant contre la contrepartie horaire, l’intersyndicale semble remettre en cause l’accord signé par le Cusems avec le gouvernement. Or, signale-t-il, « c’est un acquis que les autres syndicats doivent respecter ».

L’autre point de désaccord avec l’intersyndicale porte sur la question des parcelles. « Cela n’est pas notre priorité. Nous demandons à l’Etat d’engager une bonne politique d’habitation - puisque les 60.000 enseignants ne peuvent pas tous disposer d’un terrain - à travers des prêts conséquents de Dmc (Direction de la monnaie et du crédit) qui pourront être remboursés par l’indemnité de logement », rappelle Youssou Touré qui se dit prêt à signer « une trêve » avec l’Etat si l’Ird leur est octroyée.

La politisation, autre source de divergence

La politique est l’autre élément qui grise la machine de l’intersyndicale enseignante. Elle paraît l’élément fondamental de blocage de son bon fonctionnement.

Ils sont nombreux, ces enseignants et mêmes leaders syndicaux, à admettre que le mouvement syndical est très politisé. « La lutte est politisée », estime Souleymane Diallo du Sels. Quant à Youssou Touré de l’Ois, il est encore plus formel. « Le phénomène existe bel et bien. Or, la lutte ne doit pas avoir de coloration politique », dit-il. Il martèle : « la politisation de l’intersyndicale est dangereuse pour nous, car le gouvernement peut l’utiliser contre nous. Aujourd’hui, l’opinion publique n’est pas suffisamment édifiée par rapport à nos revendications ». Quant à Mamadou Mbodji du Cusems, il soutient que l’intersyndicale est formée en majorité de « syndicats politiquement marqués : certains ouvertement proches du Pds, les autres des partis d’opposition ». Cette politisation, pensent certains membres de l’intersyndicale, peut annihiler tous les efforts. « La force du Cusems réside dans le fait qu’il s’est éloigné des partis. C’est pourquoi beaucoup de nos militants l’ont rejoint », déplore cet enseignant de l’Uden qui préfère garder l’anonymat.

« Castro », une personnalité envahissante ?

Le chargé de l’administration de l’Uden, Ibrahima Mané, comprend que l’opinion ne puisse pas faire la différence entre syndicalisme et politique. Mais, s’empresse-t-il de préciser, « il n’y a pas un seul syndicat qui ne renferme pas d’hommes politiques. C’est simplement à « Castro » qu’on ne pardonne pas cela ». Il pense que les pouvoirs publics ne doivent voir dans les actions de l’intersyndicale que les revendications et non la personnalité de « Castro ».

En réalité, au sein de l’intersyndicale enseignante, la personnalité du secrétaire général de l’Uden, Mamadou Diop « Castro » apparaît comme gênante. On l’accuse de trop de choses, surtout d’une « certaine mainmise » sur le mouvement. Mais, du côté de l’Uden, on rejette cette « prétendue mainmise » de leur syndicat sur l’intersyndicale ainsi que le manque de démocratie. De l’avis du secrétaire chargé de l’administration de l’Uden, Ibrahima Mané, c’est la personnalité de Mamadou Diop « Castro » qui est un peu « envahissante dans le système » au moment où les jeunes syndicats veulent coûte que coûte s’affirmer. M. Mané de préciser que son syndicat n’a pas demandé à coordonner l’intersyndicale. « L’Ues, le Sneel, le Sudes l’ont coordonné avant nous dans le cadre du principe de la coordination tournante qui, jusque-là, est respecté. Seulement, la personnalité du coordonnateur diffère d’un syndicat à un autre », estime Ibrahima Mané. « Pourquoi lorsque Gougna Niang, Atoumane Diaw et Mamadou Diouf coordonnaient il n’y a pas eu autant de bruit », s’interroge le secrétaire chargé de l’administration de l’Uden. « L’image de « Castro » ne doit pas paralyser le dialogue social », affirme M. Mané. Quant à « Castro », il ne souhaite pas, outre mesure, se prononcer sur les « accusations » de ses camarades, notamment du Sg de l’Ois. Car, dit-il, « l’essentiel se trouve ailleurs ». Il considère que la politisation est toujours brandie comme prétexte pour diaboliser l’intersyndicale. « Je ne suis pas le premier responsable syndical membre d’un parti, je n’en serai pas le dernier et je ne suis pas le seul présentement », soutient-il.



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